Je n’ai malheureusement pas accès à l’article mais au dossier décrivant les méthodes d’analyse et de préparation des échantillons ainsi qu'aux données brutes
https://static-content.springer.com/esm/art%3A10.1038%2Fs43016-020-00171-y/MediaObjects/43016_2020_171_MOESM1_ESM.pdf
Pour commencer un point pour clarifier la manière dont le polypropylène (PP) se dégrade. Ce plastique est constitué de longues chaines carbonées de ce type, avec uniquement des atomes de carbone et d’hydrogène
Les mécanismes de dégradation du polypropylène sont bien connus. J’élimine de suite la dégradation mécanique puisqu’il n’y a pas d’abrasion dans la méthode de préparation des échantillons. On va donc parler de dégradation chimique
Pour le PP, cette dégradation se fait en présence d’oxygène ou d’UV, processus accélérés par la température. Ici, les UV ne sont pas impliqués. Nous parlons donc uniquement de dégradation thermo-oxydative puisque le procédé de préparation est le suivant :
L’eau ne dégrade pas le PP mais peu jouer un rôle lixiviant. C’est l’oxygène présent dans l’eau qui peut, en fonction des conditions, dégrader ce matériau. Cette dégradation est accélérée avec la température et bien sûr le temps d’exposition.
Il est important de comprendre que la dégradation d’un plastique se fait à différentes échelles. L’oxydation du polypropylène commence à l’échelle moléculaire. L’oxygène va arracher un atome d’hydrogène pour former de nouvelles fonctions.
Celles-ci, par décomposition et au fur et à mesure du processus d’oxydation, vont conduire soit à des coupures dans la chaine carbonée, soit à la réticulation des chaines entre elles, c’est-à-dire la création de liaisons entre les chaines de PP. Illustration, avec P = polymère
Pour que cela ait lieu il faut un apport d’énergie. La vitesse de dégradation dépend donc de l’énergie apportée c’est-à-dire de la température. Cet équilibre dépend aussi de la quantité d’oxygène. Vu les conditions d’essais de cet article, c’est la réticulation qui l’emporterait.
En fonction de cet équilibre qui touche uniquement la surface du polypropylène, il est possible d’observer un farinage c’est-à-dire la création d’une fine couche de particules issues de la dégradation. Mais cela n’arrive qu’à un stade avancé de la dégradation
Entre les premières modifications de la chaine carbonée et l’observation d’un phénomène à l’échelle microscopique ou macroscopique, il se passe un temps qui est incompressible pour une exposition donnée. On appelle cela le temps d’induction. Voici comment il se schématise.
Donc, avant de voir se détacher des particules de plastiques par dégradation, il faut accumuler une quantité importante de fonctions oxydées. Ces fonctions sont très facilement visibles par spectroscopie infrarouge ou d’autres moyens d’analyse.
Elles auraient tout d’abord généré par accumulation une modification de l’organisation microstructurale, observable par analyse, puis une modification des propriétés mécaniques du produit, également observable par essais.
Il aurait été très facile pour les auteurs de déterminer la présence de ces fonctions en surface du matériau. Mais ils ont préféré utiliser une méthode d’identification qui a une réponse non représentative. Je m’explique.
Ils ont utilisé la spectroscopie Raman qui est une méthode consistant à envoyer une lumière sur l’échantillon et d’en analyser la lumière diffusée par la matière. Cela donne un spectre, qui donne la composition moléculaire d’un matériau. Méthode très utilisée mais rarement seule.
A gauche ce qui a été obtenu dans cette étude. A droite le spectre d’un polypropylène. Vous pourrez constater que celui obtenu dans l’étude est loin d’être complet (dispo sur le site PublicSpectra).
Les pics identifiés dans l’étude sont caractéristiques des liaisons carbone-hydrogène. Que l’on retrouve dans les matériaux organiques de manière générale. La configuration des pics est certes spécifique mais pas suffisamment pour identifier un polypropylène
Voici par exemple de cellules de peau humaine. En rouge la zone correspondant à ce qui est mesuré. En vert une zone qui est présente dans le spectre de l’article mais pas dans le spectre du polypropylène.
Le spectre est donc insuffisant. C’est dommage parce que même si essai sur du verre a été réalisé, on n’en sait pas assez sur ces particules. Je ne vois pas de présentation du mécanisme de dégradation, et ce que je comprends des éléments présentés, il n’y en aura pas
Les études scientifiques peuvent être incomplètes, ça n’enlève rien à leur intérêt, elles se focalisent sur un aspect spécifique. Ici, les auteurs se sont focalisés sur la méthodologie et la quantification, en omettant la caractérisation. C’est un choix.
Chose étonnante : il n’y a pas de corrélation entre le volume de la bouteille, c’est-à-dire la surface exposée et les quantités de microplastiques émises. Il n’y en a pas non plus entre le nombre d’utilisation c’est-à-dire la durée d’exposition à une température donnée.
Voici les graphes que j’ai tracé avec les données brutes disponibles sur la page de la publication
L'’augmentation observée sur la courbe bleue quand on regarde l’effet de la température montre qu’il y a un problème. L’évolution est trop abrupte. Il n’y a pas de point entre 70 et 95°C… une discontinuité comme celle-ci doit être analysée. Malheureusement ça n'a pas été le cas
Ces évolutions sont incohérentes avec l’hypothèse de dégradation vu les discontinuités dans les mesures en fonction des paramètres étudiés. Si ces particules sont bien du PP, elles proviendraient de la fabrication des biberons et non de leur dégradation.
L’augmentation de la quantité avec la température est normale puisque l’on constate que les microplastiques sont générés sur plusieurs jours. Augmenter la température c’est comme augmenter le temps
Le meilleure manière de s’en assurer est d’observer la face interne du biberon grâce à un microscope électronique à balayage : observer si la surface présente des résidus, et si ces résidus viennent de la dégradation à savoir de la fissuration ou fragmentation de la surface.
D’autres études ont appliqué une sollicitation plus importante sur des bouteilles en plastique sans observer d’augmentation de microplastiques. Même lorsque des lignes de déformation sont observées à la surface de la bouteille !
https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0043135419308565
Les articles cités sont très prudents concernant l’origine des microplastiques. La piste de la contamination au moment de la fabrication a été évoquée. De la même manière, ; ils sont prudents sur les quantités estimées parce que l’analyse n’est pas évidente.
Car aucune étude n’a mesuré autant de particules sur une surface d’échange aussi faible. Non pas que celle-ci permettent de mesurer de manière plus précise d’ailleurs, je n’ai pas la raison, mais je pense qu’il est préférable de ne pas se précipiter sur la conclusion chiffrée.
Vous comprenez pourquoi il est important de faire très attention lorsqu’on présente les résultats d’une étude . Tout comme il est important de ne pas extrapoler des effets supposés sur la santé, alors que l’article ne le traite même pas.
Cette conclusion vous semblera peut-être très frustrante (je le suis moi-même) mais je ne souhaite pas faire ce que je reproche aux médias qui ont repris cet article : affirmer par extrapolation. Je préfère me fier aux données et aux faits.
Lorsque j’aurai accès à cette publication je complèterai si nécessaire ce thread.

Sources :
-Le vieillissement des plastiques, J. Verdu (Livre)
-Thèse fragmentation des plastiques : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01887227/document
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