Je voudrais faire part de mon désarroi.
Je suis pas mal de comptes d& #39;étudiants en humanités. C& #39;est une génération prompte à se scandaliser et à s& #39;engager, du moins verbalement. Une bavure policière à des milliers de km, l& #39;apparition télé d& #39;un réalisateur jadis accusé de viol,...
Je suis pas mal de comptes d& #39;étudiants en humanités. C& #39;est une génération prompte à se scandaliser et à s& #39;engager, du moins verbalement. Une bavure policière à des milliers de km, l& #39;apparition télé d& #39;un réalisateur jadis accusé de viol,...
...les propos déplacés d& #39;un ministre, des porcs maltraités dans un abattoir, un glacier fondu, voire un simple mégenrage et c& #39;est une rafale durable de tweets vengeurs, gros de colère ou débordants d& #39;une empathie et d& #39;une compassion certainement sincères mais à prise ultra-rapide
Or sur l& #39;assassinat par décapitation de Samuel Paty, un enseignant en histoire, de la part de ces futurs enseignants ou historiens rien ou si peu. On continue à discuter de petits chats mignons, de problèmes de logement, de cul, de la domination masculine (plaie de notre temps)..
... de son crush qui n& #39;avance pas, de ses écouteurs qui dysfonctionnent, on blague des bouquins au programme ou (sans voir l& #39;ironie noire) du meurtre de Marie-Antoinette, presque comme si de rien n& #39;était, comme si ça s& #39;était passé non à Conflans mais à Minneapolis ou sur la lune.
Quand le drame affleure c& #39;est de très loin à travers un retweet pavlovien sans commentaire, de 4e main (on relaie l& #39;indigéniste Obono qui a attaqué le revenant Valls qui a taclé la tapineuse Mélenchon, qui, tout allié qu& #39;il est des identitaires islamistes, a osé se montrer hier).
Je ne veux pas dire qu& #39;on devrait prendre tous le deuil et ne plus parler d& #39;autre chose, qu& #39;on ne devrait pas continuer à vivre et, pour ce, à traquer ces petits riens qui apportent un peu de bonheur et que les réseaux sociaux servent aussi à partager, mieux que l& #39;émotion facile.
On peut bien sûr se répéter que les grandes douleurs sont parfois aphones au point qu& #39;on préfère continuer à discuter bagatelles pour oublier le massacre.
Mais quand même, quand même...
Ceux qui s& #39;étranglent d& #39;indignation quand JKR doute vaguement de la féminité des trans, ...
Mais quand même, quand même...
Ceux qui s& #39;étranglent d& #39;indignation quand JKR doute vaguement de la féminité des trans, ...
...qui crient à l& #39;intolérance dès qu& #39;un catho grimace sur la GPA, qui frisent la convulsion face à une statue de Colbert, restent muets comme le marbre devant la tête coupée d& #39;un homme dont la tâche était de transmettre cette culture dont ils aspirent aussi à devenir dépositaires
Venant de gens que j& #39;ai appris à apprécier souvent justement pour leur apparente capacité d& #39;empathie, cette grise indifférence, cette insolite aphasie devant un drame qui bouleverse au contraire ceux de la génération juste au-dessus me plongent dans une sidération mélancolique.
Si nous étions quelques années plus tôt ce professeur de collège ç& #39;aurait été le vôtre, celui qui vous a encouragé dans votre goût de ces choses étranges dont se tissent maintenant vos vies ; quelques années plus tard, ce serait votre camarade d& #39;études, votre mari, vous peut-être
Je ne sais que trop, bien sûr, que les réseaux sociaux ne créent qu& #39;une trompeuse illusion de familiarité. Il est déjà fort difficile de connaître ses proches, comment pourrait-on prétendre connaître ceux dont, quand on dialogue avec eux, on ne voit jamais le visage ?
Néanmoins, je dois vous le dire mes jeunes et tout virtuels amis, ces jours-ci vos masques lisses et sans rides me glacent.