Nous avions rencontré Safran en juillet dernier pour parler du futur de la propulsion aéronautique, dans un contexte de dérèglement climatique. Pour rappel Safran est le 2ème fournisseur mondial d’équipements aéronautiques. Thread 👇
Safran est ce qu’on appelle souvent un « fleuron » de l’industrie française : 25 Milliards d’€ de CA en 2019, 1,7 Milliards investis en R&D chaque année. Il est donc intéressant de connaitre leurs prévisions pour le secteur
Dans l’aero, le carburant représente environ 30% du prix du billet, et cette proportion tend à augmenter. La recherche de l’efficacité énergétique a donc toujours été menée de manière sérieuse et ambitieuse par les acteurs de la filière, pour des raisons économiques.
Il faut aussi avoir en tête que le kérosène ne sert pas qu’à propulser l’avion. C’est un véritable couteau suisse : équilibrage en vol de l’appareil, fluide caloporteur, réseaux hydrauliques, lubrifiant... Repenser la propulsion c’est repenser toute l’architecture avion.
Cette raison combinée au fait que le secteur a besoin de carburants très denses en énergie a poussé Safran à miser sur l’essor des « SAF » (Sustainable Aviation Fuels), des kérosènes de synthèse/biocarburants, plutôt que sur l’hydrogène
Safran voit donc d’ici 2030-2035 une augmentation de l’efficacité énergétique des avions de 20-30%, alliée à une croissance des biocarburants. L’objectif d’efficacité nous a paru très ambitieux, nous n’avons pas eu de réponse claire sur comment il allait être atteint.
Dans une conférence Safran expliquait qu’un « saut de technologie » était envisageable pour atteindre ce ratio, grâce à des technologies « open-rotor » plus efficaces
Pour ce qui est des biocarburants, en plus de ne pas régler les effets de serre hors-CO2 (moitié de l’impact de l’aérien), leur essor est encore hautement incertain. Ils posent des problèmes d’ordre quantitatif et de gouvernance (il n’y en aura pas assez pour tous les secteurs)
C’est encore une fois et comme pour l’hydrogène une logique du « winner takes it all » : si l’aéro prend la piste du biocarburant ses besoins énergétiques sont tellement énormes qu’il n’y en aura plus pour les autres secteurs (qui doivent pourtant se décarboner aussi)
Safran, comme Airbus, sont de leur propres aveux bloqués dans la logique croissantiste imposée par le système économique. La concurrence internationale prendra leur place s’ils n’innovent pas : « si vous arrêtez de voler, les autres ne suivrons pas »
Encore une fois c’est donc aux pouvoirs publics d’agir en faisant entendre leur voix au niveau international, ce que ni la France ni l’Europe ne font aujourd’hui avec assez d’ambition selon nous.
Pour ce qui est de l’hydrogène, pour Safran c’est « une mauvaise communication qui est faite dessus ». L’H2 n’est pas techniquement intéressant pour des distances de plus de 2000-3000 km.
Selon des cadres d’Airbus, Safran est réticent à cette technologie car elle impliquerait une totale refonte de son cœur de métier, ce que l’usage de biocarburants ne nécessite pas (on brûle toujours un carburant dans des turbines, rien de bien nouveau)
Dans tous les cas la nécessité d’investissements forts dans les new-tech va faire monter le prix des billets selon Safran. En effet les meilleures projections voient un coût des biocarburant au minimum 2 fois supérieur à celui des carburants fossiles.
La question de la justice sociale qui vient naturellement à la suite de ce constat a très vite été balayée. Ce n’est pas leur rôle de discuter l’usage de leurs technologies. Ils ne font que répondre à une demande sur le marché.
La question de la reconversion d’une partie de la production n’est pas envisagée par Safran, pourtant très impacté par la crise du COVID. Le ferroviaire ne les intéresse pas, contrairement au développement de nouvelles mobilités aériennes « vertes ».
On pense ici aux drones, « aéronefs urbains » ou encore aux dirigeables. Tout cela n’est qu’à l’état de lointain concept chez Safran cependant. Aucune annonce ne nous a été faite la dessus.
Globalement Safran nous a paru plus concret qu’Airbus, avec des trajectoires mieux chiffrées et plus réalistes. Les carburants alternatifs et les nouvelles architectures avion sont sur la table depuis longtemps chez ces industriels. Ils posent néanmoins de sérieux problèmes.
Encore une fois c’est un choix de société qui s’offre à nous. En tant que citoyens l’idée d’une aéronautique maintenue à flot par l’effort financier de la société entière, pour permettre à une élite d’en profiter ne nous paraît pas enviable. Une sobriété nous paraît préférable.
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