Le but du terrorisme, c'est d'intégrer nos calculs coût-bénéfice et de rendre le coût incommensurable au bénéfice.
Montrer un dessin en mode normal, ca peut aller au max à une engueulade ou un débat. Et là, bam, le tarif monte à la vie.

Quoiqu'on en dise, ca s'insinue dans nos esprits. Et qu'on le veuille ou non, le calcul coût-bénéfice est une grande part de notre vie psychique et de nos décisions, même inconsciemment.

Le terrorisme ne veut pas nous terroriser comme devant un film d'horreur, son fonctionnement est tout à fait rationnel: changer le tarif normal des coûts risques et bénéfices et faire de telle sorte que la meilleure option soit le silence, la compromission, la peur.

Et faire passer ceux qui s'y refusent à des kamikazes qui cherchent la merde. Quand même, Mila, dans ce contexte, tout de même, une image de Mahomet nu, a des ados musulmans, etait-ce bien intelligent?

Je n'en veux même pas à ceux qui ont peur. On a tous peur.

Le truc c'est que les valeurs sacrées rendent ceux qui les portent insensibles à la concession et aux arguments de type rationnels, coûts-bénéfice, du meilleur interêt. Tout ceci est bien documenté dans la recherche. Une valeur sacrée, elle gagne absolument ou elle se sacrifie.

Du coup, le combat n'est évidemment pas égal. Même d'un point de vue cognitif.

Et oui, ca change les règles du jeu. Dans une situation urbaine où il est clair que l'enjeu serait de ne pas blesser quelqu'un ou ses croyances seulement, je ne publierais pas ces caricatures de Mahomet, parce que très personnellement, elles me font pas rire.

Mais sitôt qu'il y a dans la balance la mort, même si ce n'est evidemment pas la position de tous les croyants musulmans, ca change la donne. L'enjeu.

Que tout celui qui sincèrement, se demande pourquoi les Français continuent d'offenser leur croyance leur Dieu leur prophète et qui seraient tentés d'y voir de la haine ou de l'obession. La seule réponse éthiquement valable est: parce qu'on tue pour ces caricatures.

Dans un monde où la liberté d'expression et la libre critique des religions est garantie, je serais la première à dire: oui mais la civilité, oui mais la sensibilité, oui mais la pertinence, oui mais l'interet, oui mais l'humain

La première à pratiquer les petits mensonges blancs et silences necéssaires au vivre ensemble. Est ce qu'on est toute la journée à rappeler les horreurs que les Chrétiens nous ont fait subir a nous Juifs dans l'Histoire?

Non ce ne serait pas urbain, cela empecherait peut-être un dialogue apaisé et quotidien. La civilité c'est aussi de savoir quand taire ne pas heurter. Mais ça, c'est seulement je me repète quand aucune menace ne pèse sur les gens.

La présence du flingue sur la tempe, même théorique, contredit performativement l'exigence éthique de respect.

Le respect devient crainte. Et la délicatesse, veulerie.

Du coup, je suis sincèrement désolée pour mes compatriotes musulmans religieux qui sont gênés et blessés par ces caricatures mais on n'a pas fixé les règles ni les tarifs.

Et en vrai, moi petite juive religieuse, je n'ai pas vraiment le profil de la defenderesse de la paillardise à la française et de la tradition caricaturiste. Sauf que, là, on y est obligé. Pas forcé, ni contraint. Obligé. Apprenez la différence.

Une analogie (la meuf qui s'arrête plus)
Moi je suis plutôt du genre à me vêtir de façon couvrante. Je ne porte pas de decolletés, pas de minis, je me couvre la tête. Mon choix, mes idées, mon corps ma life.

Dans un monde où les femmes pourraient absolument se vêtir comme elles veulent sans rien risquer, ni agressions ni viols ni remarques déplacées, il se peut que j'ai envie de défendre rationnellement mon mode de vie.

Sauf que la triste réalité m'oblige (là encore au sens d'exigence ethique) à fermer ma bouche et à défendre la minijupe.

Puisque de facto, je me retrouve du même côté, même sans partager leurs idées, de ceux qui invitent les femmes a la prudence, a la discrétion, a faire attention voire de ceux qui se réjouissent que les femmes aient peur dans l'espace public et n'y aillent pas ou se cachent.

Tout ca pour dire que le coût des idées et des comportements change potentiellement leur valeur éthique.

Et que ce qui serait de l'élégance morale dans un autre monde devient dans le notre un baissage de culotte pleutre monumental.