Vu que j’ai fait les recherches et que @cysseepho cherche des infos, thread sur le scepticisme antique !
Pour relecture @SAVphilosophie @CovaFlorian @FerryDanini @JMAbrassart @EpisteMax si quelqu'un a du temps :)

Dans l’antiquité, le scepticisme était un mouvement qui se caractérisait par la constatation qu’il n’est pas possible de déterminer la vérité des choses, et donc la nécessité de ne rien croire et de suspendre son jugement.

Parmi les sceptiques importants dont les écrits nous sont parvenus, on va citer Sextus Empiricus, qui est la principale source historique.

Plus tard, Cicéron a aussi beaucoup été influencé par la pensée sceptique et a beaucoup écrit.

Avant Socrate (les philosophes dit présocratiques sur lesquels notre connaissance est souvent parcellaire), on discerne déjà une forme de proto scepticisme, avec l’idée que toute forme de connaissance est impossible.

Ainsi cette phrase de Métrodore de Chio (pas de buste swag dsl) rapporté par Cicéron: “Aucun d'entre nous ne sait rien, pas même cela, que nous savons ou ne savons rien ; nous ne savons ni ce que « ne pas connaître » et « connaître » sont, ni si quoi que ce soit est ou n'est pas”

Dans le même temps, les sophistes développent des arguments relativistes pour permettre de contrer toutes les positions. Ce sont des arguments du genre : “Mais une personne dans une autre position/culture aurait un avis différent sur le sujet, pourquoi toi tu aurais raison ?”

A ce stade, les sceptiques prétendent devoir suspendre leur jugement sur tout, et conçoivent des arguments, dits arguments sceptiques, destinés à faire douter des raisons de croire quelque chose, et à mener à la suspension du jugement.

Vu qu’ils suspendent leur jugement, ils défendent l’irrationalité de la croyance en quoi que ce soit. Il est irrationnel, selon eux, de tenir pour vrai que cet objet devant moi existe vraiment. Pour eux la question se pose bien en terme de croyance, pas de connaissance.

Socrate a ensuite apporté un peu d’eau au moulin des sceptiques. Il se présentait comme une personne qui ne savait rien, et qui demande aux autres de lui expliquer pourquoi ils croient ce qu’ils croient (Maïeutique), souvent pour constater leur échec à le faire.

Socrate développe le relativisme, et le pousse dans ses retranchements en disant que ce qui apparaît vrai à une personne est vrai pour cette personne, et que nous n’avons aucune raison de penser nos rêves ou nos hallucinations comme moins vraies. Ceci n'est pas du scepticisme.

Aristote va critiquer le scepticisme, argumentant que si vraiment les sceptiques ne croient en rien, ils sont alors comme des plantes : incapables d’agir car ne croyant rien, incapables de parler car ils ne croient en rien dont ils pourraient parler.

Après Socrate, Platon fonde l'académie, et vers -300 cette académie deviendra sceptique. Elle se souviendra de la Maïeutique, de Socrate l'enquêteur, qui cherche à démêler le vrai du faux et refuse les croyances fausses.

Les académiciens vont utiliser la dialectique, c’est à dire une discussion avec ceux qu’ils appellent dogmatiques, ceux qui croient en quelque chose, afin de montrer qu’ils sont injustifiés dans leur croyance.

Ils vont chercher les contradictions dans le discours de leur interlocuteur, utiliser des arguments relativistes pour éprouver la solidité de ses arguments. Ils vont demander des justifications de justifications et poursuivre aussi longtemps que nécessaire.

Ils avaient même un argument assez ultime pour suspendre leur jugement : même s’ils pensent que les arguments en faveur de la position de leur interlocuteur sont bons, il est possible que de nouveaux arguments soient développés dans l’avenir contre sa position !

Le débat se portera également sur le critère de vérité : Si je vois un objet devant moi, suis-je fondé à croire en son existence ? Plusieurs mouvements vont développer des réponses, les sceptiques viendront critiquer ces critères pour n’en retenir aucun.

Ils vont également développer des réponses aux critiques d’Aristote. Un sceptique agit, non pas en fonction de croyances, mais en fonction de ce qui lui apparaît. Ainsi, il me semble qu’il y a une porte à cet endroit, je n’ai pas besoin de croire en son existence pour la franchir

On arrive ensuite à Pyrrhon d'Élis, qui est le prototype du sceptique. Lui n’a rien écrit, mais selon les histoires qui sont rapportées de lui, il a vraiment vécu en sceptique.

Selon les pyrrhoniens, la suspension du jugement mène à la tranquillité d’esprit. Une fois le jugement suspendu, et qu’on accepte le fait qu’on ne sait rien, on n’est plus inquiet de la vérité de quoi que ce soit.
La suspension du jugement devient quelque chose qu’on recherche.

Pyrrhon était tellement détaché que, selon des histoires à l’origine douteuse, ses amis étaient obligés de le retirer de la rue quand un chariot approchait, et serait passé devant un homme en train de se noyer, sans intervenir.

Aenesidemus, un pyrrhonien, codifiera 10 “modes”, 10 lignes d’argumentations relativistes, permettant d’arriver à la suspension du jugement sur tous le sujets.

Ils seront ensuite repris par Agrippa qui codifiera 5 modes, deux d’entre eux reprenant le relativisme, et trois d’entre eux constituant ce qu’on appelle aujourd’hui le trilemme d'Agrippa.

Le trilemme d’Agrippa est l’idée que si je dois justifier chacune de mes connaissances par une autre, alors la chaîne peut s'arrêter de trois façons : elle peut continuer à l’infini, s'arrêter sur une connaissance dogmatique, ou devenir circulaire.

Ce trilemme est toujours aujourd’hui important en épistémologie, où toute épistémologie doit choisir l’un de ces trois modes fallacieux.

Voila je pense le plus important sur le scepticisme antique.

Un résumé est que les proto sceptiques ont constaté les avis divergents, ont enquêté pour déterminer ce qui était vrai afin de retrouver une tranquillité, ont constaté que leur enquête menait à la suspension du jugement, et ont trouvé là cette tranquillité qu’ils cherchaient

Sources pour ce thread : https://plato.stanford.edu/entries/skepticism-ancient recoupé avec plusieurs autres articles SEP/wikipedia pour contexte.