C'est parti pour un nouveau numéro de notre web-émission !

Ce soir, en présence du sociologue Pierre-Michel Menger et d'auteurs et autrices, nous nous posons une question d'actualité : créer est-il un travail ?

Rendez-vous en direct sur Twitch : https://www.twitch.tv/ligueauteurspro 
En introduction, Pierre-Michel Menger, sociologue au Collège de France, chercheur au CNRS, nous présente son travail universitaire sur la création et la notion de travail.
On retrouve la rubrique "Dessine-moi un statut" illustrée et animée par @sitatoutcourt
C'est l'heure de "Ma vie, mon oeuvre" avec @Olydri_Fournier, @FlorencePorcel et Julia Kerninon.
Le live reprend avec l'arrivée de @BenoitPeeters et @MathouV pour parler de leur métier et de leur parcours.
Pierre-Michel Menger cite Kant : "pour réussir, il faut du talent et du caractère."
@BenoitPeeters rappelle qu'à une époque, lorsque la revue était la norme, le prix à la page variait très peu entre les auteurs qui démarraient et les auteurs installés. Et les droits d'auteurs démarraient dès la première vente.
Et puis le système a glissé doucement du tarif à la page au système d'à-valoir...
"Pour les éditeurs, être un auteur professionnel c'est une qualité, cela signifie qu'il il rend ses pages à temps, même s'il est malade... mais ils ont tendance à l'oublier quand il s'agit de le payer."
"Au départ, dans les revues, les éditeurs soutenaient les auteurs, les promouvaient. Maintenant, les éditeurs misent sur des dizaines d'auteurs, sans réelle conviction, et laisser le marcher décider. Il s'agit d'une abdication."
"On est tous d'accord pour prendre le risque, mais il n'a jamais été question qu'on soit les seuls à le prendre."
Pour P.-M. Menger, la surproduction signifie faire porter aux auteurs le risque de la publication. Les petits éditeurs sont des "têtes chercheuses", les grands prennent ce qui dépasse du panier et les exploitent.
Pour @BenoitPeeters , la nuance n'est pas forcément entre petits et gros, certains petits ayant le même fonctionnement que les gros et vice-versa. Il y a des éditeurs soucieux d'accompagner, de construire, et d'autres qui ne veulent ou ne peuvent accompagner chaque auteur.
Sachant que les éditeurs subissent également parfois une pression qui les empêche de travailler comme ils le souhaiteraient.
@mathou considère que, de plus en plus, à chaque travail sorti en librairie, il est balancé dans un "énorme gouffre sombre et noir" et par magie un lecteur va passer et regarder. L'impression d'être lâché dans la jungle des librairies, sans soutien de la part des éditeurs.
Cela la conduit à négocier tant un accord économique qu'un accord sur la communication et la promotion de l'oeuvre. L'auteur devient le community manager, le communiquant autour de ses oeuvres, crée des supports, des goodies, contacte les influenceurs...
Nous sommes devenus multi-métiers, ce qui est épuisant : gérer une sortie en tant qu'auteur et "commercial" interdit parfois de créer en parallèle.
@BenoitPeeters : la promotion est un travail qui n'est pas rémunéré, surtout avec le système d'à-valoir. Mais même si l'auteur se "défonce" pour promouvoir son oeuvre, c'est du travail offert à l'éditeur. On attend à ce que ce soit LUI qui fasse connaître l'auteur.
Certains éditeurs choisissent même leurs auteurs en fonction de leur présence et leur influence sur les réseaux sociaux.
Il y a d'autres modes de fonctionnement à trouver, si l'auteur est capable d'accomplir le travail d'amont et d'aval (au moins partiellement sur la promotion par exemple) il faut s'interroger.
P.-M. Menger : "les pratiques artistiques sont très hétérogènes entre scénariste, romancier, illustratrice, ce qui donne des problématiques subtiles typiques de ces métiers, mais passés au tamis des lois et de la fiscalité, il y a le défi de trouver des principes unificateurs."
@Samanthabailly : à force de se concentrer sur ce qui nous différencie et pas ce qui nous unit, on se retrouve à être les maillons faibles permanents. Ces singularités nous affaiblissent.
Exemple : en litt. jeunesse on a acquis la rémunération de la dédicace, mais QUE pour les auteurs jeunesse.

Rester par secteur nous affaiblit. Au contraire, en s'unissant, en comprenant qu'il y a plus de choses, on réussira à accéder pleinement à des droits.
Pour @BenoitPeeters c'est d'autant plus évident qu'une immense partie des auteurs est multi-métiers. Un auteur va généralement faire plusieurs métiers, ne serait-ce qu'intervenir dans une école est un autre métier.
"Typiquement singulier, c'est ce qui caractérise le mieux les artistes auteurs."
On passe à la rubrique "Le Saviez-Vous", par @LECAM_S !
On reprend les discussions avec @BettyPiccioli !
@Samanthabailly : à la Ligue, nos adhérents et notre CA sont tous à des moments de carrière différents, jeunes auteurs et auteurs installés.
P.-M. Menger : la complexité de la trajectoire des métiers d'auteurs est que les risques sont importants, mais l'attractivité l'est aussi, on se sent "appelé". Il faut en tirer des leçons tout le temps, apprendre est primordial pour les métiers "non-routiniers".
@Samanthabailly : dans les critères de professionnalisation, on signe un contrat avec un tiers qui capte des droits de propriété pour en tirer un profit et nous rémunère en contrepartie, pas pour le temps mais pour l'acte de création.
La Ligue porte l'idée du contrat de commande : une possibilité de revaloriser le travail de création, qui a parfois été détruit dans certains secteurs.
Le code de la propriété intellectuelle protège les œuvres, mais non les corps. Il n'y a aucune formalisation de lien avec l'exploitant de nos œuvres pour tout ce qui arrive à nos corps (maladie, grossesse, accidents...)
Quand on tombe enceinte, qu'est-ce qui prime? Le droit de la sécurité sociale qui indique qu'on a le droit de prendre un congé, ou le droit des contrats qui oblige à produire un rendu ?
P.-M. Menger : comment créer un puzzle pour produire du droit, pour absorber toute la variété des auteurs pour protéger tout le monde?
@Samanthabailly : en 1975 on a rattaché les auteurs au régime salarié, avec une contribution diffuseur de 1% qui devait évoluer dans le temps (ça n'a pratiquement pas été le cas), en raison de la codépendance entre auteurs et diffuseurs, différente mais comparable à la relation
entre salarié et employeur.
P.-M. Menger : si on a va jusqu'au bout de la logique de l'assimilation au salariat, on irait jusqu'au principe de l'assurance chômage. Or, comment qualifier les temps d'absence d'activité/commande comme du chômage?
Des questions importantes, nos interlocuteurs doivent-ils rester le ministère de la Culture ou le ministère du Travail doit-il être présent? @Samanthabailly rappelle qu'elle a demandé lors de 5 réunions que le @Travail_Gouv soit présent pour discuter de notre statut...
Plus surprenant encore, le @SNEedition était invité lors de ces réunions sur le statut des auteurs.
Soit on travaille, soit on ne travaille pas. Si ce n'est pas le cas, qu'on nous le dise et on cesse de cotiser sur ce "non-travail". Sinon, même si notre travail est singulier, pourquoi @Travail_Gouv ne se penche pas sur ces questions?
A une époque, les droits d'auteurs étaient une rente. Puis on a décidé d'en faire un régime pour protéger socialement des gens qui, effectivement, travaillent.
@BettyPiccioli : "je fais le lien avec les contrats de commande : plus j'avance et me professionnalise, plus je demande d'argent, et plus c'est difficile d'être recrutée sur ces contrats."
"J'ai une impression d'auteurs jetables, facile à mettre sous pression et ne demandant pas trop d'argent. Quand ils demandent de quoi couvrir le temps de travail, on entend "on va y réfléchir, on n'a pas le budget" et on passe à un auteur plus jeune."
@BenoitPeeters : bcp d'auteurs passent par des écoles, qui offrent un savoir-faire mais ne parlent absolument pas du métier. Il existe une coupure entre ces écoles et le monde pro, avec des jeunes auteurs non formés qui risquent d'abaisser les conditions du métier pour les autres
On aura toujours des nouveaux qui accepteront des conditions inacceptables pour les auteurs installés, c'est le désir d'obtenir son ticket d'entrée.
P.-M. Menger : il serait important de former dans ces écoles sur les réalités du métier. On pense qu'on va apprendre sur le tas, on est autodidacte. Les éditeurs, partenaires commerciaux jouent là-dessus, considèrent qu'ils paient mal mais que les auteurs apprennent #Stagiaires
On oublie souvent le problème de la retraite, une catastrophe pour les auteurs. On rappelle la bombe à retardement qu'est l'Agessa, beaucoup d'auteurs n'auront plus le choix de continuer à travailler - en admettant qu'on continue à être demandé, ce qui est un risque !
Dernière partie : le courrier des Artistes-auteurs !
@Samanthabailly : nous avons dû saisir la médiatrice de la sécurité sociale pour faire valoir les droits des auteurs, car notre régime n'est pas connu et nos adhérents peinent à obtenir ce à quoi ils ont droit.
Nous avons une protection sociale qui ne va pas au bout, nous ne savons pas si nous sommes salariés ou indépendants?
Si on accumule des objets et des fonctions (défense des auteurs, prix littéraires, culture...) on finit par risquer le conflit d'intérêt et entraver la libre parole.
Défendre le droit d'auteur n'est pas la même chose que défendre le droit des auteurs. On peut trouver des structures avec des convergences pour la défense du droit d'auteur, mais avec des conflits d'intérêt quand il s'agit de défendre le métier d'auteur.
@BenoitPeeters Nous devons pouvoir dire avec force et sans agressivité que le @SNEedition qu'ils ne représentent pas l'édition toute entière mais une branche seulement, les éditeurs, et ils le font avec talent.
P.-M. Menger : il est toujours nécessaire d'échanger et d'apprendre, cela évite de se mettre à part et de croire qu'on est si singulier que les autres ne peuvent pas concevoir notre situation.
C'est la fin de ce live, merci à @menger_michel @Samanthabailly @BenoitPeeters @MathouV @LECAM_S @BettyPiccioli @sitatoutcourt @Olydri_Fournier @FlorencePorcel @JuliaKerninon et à toutes celles et tous ceux qui l'ont suivi !
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