Bon, j'ai enfin lu Bégaudeau "Histoire de ta bêtise". Alors je ne connais pas les autres oeuvres de Bégaudeau (à part "Entre les murs") et peut-être que certaines sont intéressantes, mais là c'est vraiment très faible, j'ai l'impression que ça se détruit en deux lignes.

On pourrait critiquer plein de petites choses, les contradictions, la mise en scène qqfois grotesque –j’aime Bigard, les meufs à gros sein donc je suis populaire– ou son narcissisme de type « je m’aime faisant ça et j’aime qu’on m’aime m’aimant faisant ça » (il dit vraiment ça !)

Son dilettantisme intellectuel (quand il dit qu’il adorerait que son interlocuteur lui cite Gramsci, même juste quelques mots – quel est l’intérêt à part une posture ? si on n’a pas derrière une réflexion ? pourquoi souhaiter cela à part une volonté de distinction ?)

Et ses contradictions quant à sa croisade contre la bourgeoisie : moment collector lorsqu'il se croit très anti-bourgeois parce que quand on lui demande son Rohmer préféré il cite un autre film que ses invités.

Si tu es sur un plateau télé et qu’on te demande ton Rohmer préféré, tu fais partie de ce monde-là, c’est juste de la course à la distinction (après hinhin je cite Rohmer, HINHIN moi je cite Rohmer mais pas le même Rohmer que les autres). Mais tt ça, ce sont des critiques faciles

Ce qui pose vraiment pb, c'est ça: «il est très rare que je me sente organiquement lié au sort de la société, cette fiction. La santé de cette baudruche m’inquiète beaucoup moins que la mienne. Je pense à mes droits et non à mes devoirs. La société se doit à moi et non l’inverse»

La seule contre-réaction que Bégaudeau anticipe:celle du «père– de famille, de l’entreprise, de la nation». Il n’imagine pas une seconde qu’on peut se soucier de la société, et pas juste de sa petite individualité, non pas dans une posture libérale, mais dans une posture sociale

C’est d’ailleurs le problème majeur du livre : il se dit de gauche mais il ne se définit jamais dans des collectivités, ne cite jamais des combats (intellectuels, syndicaux) collectifs. C’est toujours du MOI. Et au-delà de l’aspect narcissique, c’est une énorme limite politique

Alors oui, peut-être que "Histoire de ta bêtise" vise bien qqs défauts et apories des macronistes/ des macronistes qui se prétendent de gauche/ à nos propres contradictions/ que ça peut clouer le bec d'Enthoven, mais est-ce que c'est vraiment une cible intéressante? Bof.

Bref on a beaucoup parlé de l'aspect prétentieux, narcissique, etc du livre, je le trouve surtout peu dense, faiblard (et quand on se met en scène comme grand penseur, il faudrait assurer derrière). Décevant. ¯\\_(ツ)_/¯

(et il parait que ses romans sont mieux donc si vous avez des références d'ouvrages que vous avez bien aimés, je suis preneuse. Parce que pour l'instant ce que j'ai lu présente fort peu d'intérêt).

(et puisque j'ai de suite des réactions "qu'est-ce qu'il vous a fait?" il ne m'a rien fait, je ne le connais pas, je réagis aux idées exposées dans un livre qui m'a déçu et j'essaie d'argumenter. C'est pas ça la réflexion? ou ça marche pas si on ne cite pas Gramsci au passage?)

(deuxième précision: sur l'individu. On n'en n'est pas DU TOUT à un débat niveau anar/communiste -pour simplifier- sur la complexe question de la place de l'individu. Les luttes sociales, les combats collectifs ne sont juste PAS mentionnés dans Bégaudeau ou très abstraitement)

Je suis sidérée qu'on puisse se présenter comme de gauche pdt tt un livre et ne jamais citer des figures de gauche, des groupes, des luttes (ou très très abstraitement). Encore une fois c'est un problème de cohérence politique bien au-delà de la critique du narcissisme individuel

Déso, moi je pensais qu'être de gauche ou avoir un minimum de sens politique du collectif tout simplement c'était bien, contrairement à Bégaudeau, se soucier aussi du sort de la société, des autres, et se poser la question pas juste de ses droits mais aussi de ses devoirs.