J'ai vécu ce que le monde de la pub peut offrir de pire
#Thread (Part1) #balancetonagency
Je ne voulais pas travailler en agence de pub. Mais après un contrat de deux semaines en tant que directeur artistique freelance pour remplacer une personne en vacances, on m'a proposé de
prendre sa place. Cette personne avait quelques soucis de comportement et de rigueur. On m'a demandé combien je voulais niveau salaire, j'ai donné mon prix, ça été accepté sans négociations. Faut dire que j'ai une conscience professionnelle très forte et je suis très impliqué
dans mon travail, je suis très rigoureux.
Pendant deux ans, j'ai beaucoup travaillé. Énormément même. Mes horaires allaient de 9h00/9h30 à 20h/22h. Dans la pub, il faut savoir que, peu importe à quelle heure tu commences à travailler, c'est l'heure de départ qui compte. 17H/18h
est considéré comme 12h. Si tu pars dans ces heures là, on te fais remarquer en rigolant que tu prends ton après-midi. Il rare de finir avant 20h. Et on est loin du cliché de jeunes qui réfléchissent à la cool les pieds sur leur bureau. Ça va vite, on est au service du client
le travail est dense, il faut préparer les enchaînements de réunion du lendemain et répondre aux appels d'offres jusqu'à la dernière minute. Les charrettes, les soirs et nuits de travail intenses pour respecter les délais sont légion. À l'époque, ma directrice d'agence était
plutôt cool. On rattrapait quand même ces heures de travail supplémentaire. Jamais cependant à la hauteur de ce qu'on donnait. Mais il y avait quand même un minimum de respect. Mais voilà, dans la pub, l'esprit qui règne est celui de la jeunesse, du plaisir, du copinage,
du prestige. C'est un rêve pour beaucoup, alors les heures supplémentaires on s'en fout. Taux de productivité : 200%. Personnellement, j'avais une vie de famille, j'étais donc un peu épargné même si je n'ai pas été beaucoup présent chez moi pendant ces années. Je rentrais souvent
quand mes enfants dormaient profondément.
Tout à vraiment basculer vers le pire de ce que la pub peut offrir, le jour où la direction à changer. De nouveaux boss sont arrivés. On leur a offert les murs et les salariés pour créer leur agence. Dès le début, ils ont découvert
les équipes avec condescendance et sourire crispés. Pas de senior confirmés et surtout pas de personnalités reconnues par des prix et autres récompenses. Les prix sont un point important dans les agences de pub. Il faut absolument des prix à mettre en vitrine pour appâter le
client ou se faire bien voir par les autres agences. Et c'est pareil pour les directeurs artistiques, sans prix, t'es qu'une merde. Sur un projet, tu as beau avoir la meilleure idée du monde, peu importe, tu ne seras pas écouté parce que tu n'es pas reconnu.
Une fois, un collègue a eu une très bonne idée, ils ont tout fait pour qu'un créatif renommé qu'ils avaient embauché se l'approprie. Il s'est battu pour la conserver mais ça leur est resté au travers de la gorge. Bref, voilà comment nous voyaient la nouvelle direction.
Des gens sans aucun intérêt. Mais par dépit, ils sont fait avec, en attendant mieux. Alors, on a eu le droit à de beaux discours, ils nous ont motivés pour co-construire avec eux cette nouvelle aventure qui s’annonçait : l'agence de leur rêve. De plus, beaucoup de monde à
l'extérieur rêvait de travailler avec eux, les candidatures spontanée pleuvaient. À partir de cette reprise, les équipes ont travaillé quasiment 24h sur 24h et 7 jours sur 7. On a commencé par faire beaucoup de charrettes mais qui se sont avérées très vite être la nouvelle norme.
On finissait à minuit, 2 heures du matin, puis toute la nuit. Le premier week-end a été travaillé. Puis le vendredi suivant, lorsqu'un des boss nous a dit « à demain » très naturellement sans nous demander si nous étions disponibles (ce qui était le cas avec l'ancienne
direction, même pour les charrettes en semaine), j'ai senti le vent mauvais venir. Si vous aviez le malheur de vous soustraire à cette « implication » vous aviez le droit à des regards qui en disaient long. Vous étiez le feignant qui tentait de briser leur rêve.
Nous n'étions donc plus que des outils, des esclaves. Toujours sous couvert de « on est tous potes, on rigole ensemble autour d'un pot, on est cool »
Je me suis soustrais à tout cela très vite avec l'excuse de père de famille mais le meilleur d'entre nous, qu'ils avaient bien
repéré, a fait un premier mois complet de travail, week-end compris. Lorsqu'il a demandé des jours de repos pour rattraper ses heures, l'un des boss à répondu « Ce n'est pas notre politique, on va lui accorder une journée, mais on ne le fera plus ». Et notre état de santé
était le dernier de leur souci. Un soir, pendant une charrette, je me suis senti mal, j'ai dû aller prendre l'air un quart d'heure sous un silence plein de reproche d'un des boss. Et j'ai dû « abandonner » une heure plus tard vers 1h30 du matin. Un lundi soir, vers 21h,
alors qu'il y avait un pot, une stagiaire s'est effondrée en pleurant. Elle et une partie de l'équipe devait travaillé pendant la fête sur un sujet important sur lequel ils avaient déjà travaillé dimanche toute la nuit et toute la journée de lundi. Les boss l'ont regardé avec
un regard en coin étonné semblant dire « Pourquoi elle pleure ? » Je l'ai prise dans mes bras pour la réconforter. Eux pas un mot. À partir de ce moment, je partais ostensiblement vers 18h. Je n'avais plus aucun respect pour eux. C'était devenu vraiment n'importe quoi.
Un collègue, papa également, se cachait derrière moi (je suis grand) certains jours pour partir avec moi. Un autre, laissait ses affaires, sac et manteau, pour ne pas montrer qu'il partait réellement et qu'il était seulement en pause clope. Mon comportement réfractaire ne
plaisait pas c'est certain, surtout que j'avais un salaire confortable. Je voulais partir, on a fini par faire une rupture conventionnelle non sans une petite discussion de mise au point sur leur « management ». L'un des boss a été surpris par mon discours et un autre a tenté
de me rabaisser et de m'intimider. Puis lorsque je suis passé par les RH, gérés par la maison mère, ils étaient complètement catastrophés là-bas. Ils savaient ce qu'il se passait, que les stagiaires travaillaient le jouret la nuit, semaine et week-end. Il étaient terrifiés par
une éventuelle plainte. Je suis parti de l'open space, le poing levée ostensiblement sous les applaudissement de tous mes collègues. L'un des boss n'a pas compris ce qui se passait. Sa seule remarque a l'un de mes collègues a été « Comment peut-on être fier de se retrouver
au chômage» Déconnecté de la réalité. Par la suite, de nombreux collègues sont partis, beaucoup ont été dégoûté de la pub et on réussi à s'épanouir totalement autrement. Certains sont toujours là-bas. Mais personne n'évoque tout ça, il y a une sorte d'omerta car
(je ne pouvais plus mettre de tweets à la suite : du coup, ça continue ici : https://twitter.com/LC_Youngstork/status/1314093471158992896)
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