Un petit thread gavage des fiancées, canons de beauté différents, traditions des Juifs de Tunisie et secret de ma gorge généreuse?

(Calmez vous au fond là, c'est juste le tweet d'appât du chaland )

Tout a commencé par cette pub, qu'un ami m'a envoyé ce matin:

Sauf que moi, la helba, le fenugrec en français, c'est un gros trauma de mon enfance.

J'ai dû en boire quand j'avais de l'acné (spoiler alert: ça empire la chose)

Et surtout, avant mon mariage, quand ma mère trouvait que j'avais perdu trop de poids, et que je ne faisais pas une mariée assez rose, rebondie, appétissante.

"Ces quoi ces joues osseuses là, tu fais pitié, tous tes livres t'ont amaigrie, bois bois"

Ce truc est absolument dégueulasse, ca pue et surtout ca fait puer la transpiration (Tu bois de la helba, tu exsudes de la helba)

mais apparemment, on lui prête depuis longtemps la vertu d'ouvrir l'appétit, et d'aider à l'engraissement des femmes.

Déjà, j'ai vu la pub, j'ai téléphoné à ma mère pour l'allumer.

Pourquoi, si Alexandre Samama de Sfax vendait, bien avant ma naissance, de la helba en gélules, j'avais dû moi, me taper cette horreur en nature?!

(Ah j'étais en colère)

Puis, avec des cousines, des tantes, des copains, on a parlé de cette histoire de canons de beauté des juives tunisiennes des générations d'avant.

Toute mon enfance, j'ai entendu ma grand mère puis ma mère me vanter les femmes grasses et blanches, les joues rosies.

Oui oui, un peu comme Fortunée Sarfati, les Canus de Tunisie, mais en vrai.

Rien de pire pour une femme selon elles que d'être noireaude et efflanquée.

Evidémment, il y a une grosse dimension socio-économique, être grasse c'était être fertile, en bonne santé etc.

C'est alors qu'un autre ami m'a envoyé cet article, en m'expliquant que le gavage des fiancées juives en Tunisie était un vrai truc au siècle dernier, hyper codifié et qu'il y avait même des recherches là dessus. https://m.ynet.co.il/articles/4158118

Là où ca devient rigolo, c'est que certaines de ces traditions ont subsisté et subsistent encore dans ma famille notamment, plutôt comme folklore.

Ceux qui ne parlez pas hébreu, vous pouvez regarder les photos, même sans comprendre. Les photos sont parlantes.

Donc, comment étaient gavées les fiancées 40j avant le mariage?

En gros, avec des purées de pchicha, sorgho, dattes et fruits secs, un mélange d'huile d'olive et arak (je vous en reparlerais de celui-là) des oeufs le matin, 2 verres d'huile d'olive dans la journée, farine avec de la levure pour faire gonfler le ventre,

Couscous, huile de foie de morue, gateaux.

Le but était de rentrer dans une robe de mariée 54. Les jeunes filles rêvaient de grossir. Les hommes adoraient les très grosses. On disait qu'ils en avaient pour leur argent de corps à caresser et embrasser, pas des sacs d'os.

Les filles devaient rester inactives, et aussi rester assises des heures sur du marbre, c'était censé leur faire grossir le derrière.

Ne pas s'exposer au soleil (vous vous souvenez, la noireaude c'est celle qui doit bosser dehors et ne peut pas rester inactive comme une bonne fille de famille.

A propos de blancheur. Dans ma famile côté Djerba, certaines filles font, avant leur mariage une soirée petrissage de pain trèès spéciale. La pâte est pétrie directement sur leur corps, et ensuite on fait le prelevement de la halla et on fait des petits pains hallot.

On avait dans Le Parfum le parfum à la femme, voici le pain à la femme. C'est censé les blanchir (c'est hyper érotisé comme rite de préparation du corps de la mariée, c'est pas les ashkénazes qui auraient un truc du genre hein, jdcjdr)

Bref vous voyez l'idée.

Ca n'existe plus de façon aussi exagerée, les canons ont changé et l'idée de santé economique a un nouveau modèle: la femme mince.

Mais chez les communautés traditionnelles, est restée très ancrée cet idéal de la mariée rebondie, rose, luisante d'huile d'olive.

Ce qui me ramène aux semaines d'avant mon mariage. Je suis en fin de khâgne, je passe tous mes concours.

Et tous les matins, je dois me taper: 1 mélange huile d'olive et arak 2. De la helba 3. Une assiette de sorgho.

Vous imaginez qu'il y a des choses que je ne pouvais pas vraiment partager avec mes camarades khâgneux hein.

Dejà qu'ils pensaient que c'était un genre de mariage forcé ou blédard.

Voilà, un petit morceau d'histoire du corps dans la Tunisie Juive du XXe siècle, et aussi un morceau de ma vie à moi.

Et aussi ce sacré Alexandre Samama qui a dû vendre ses gelules de helba pour bustes parfaits et formes opulentes à des Français.

Un vrai gagnant, ce Alexandre.

Final, moi qui était très mince, j'ai fini par ressembler un peu a cet idéal de femme très généreuse, peut-être parce que, qu'on le veuille ou non, on est marqué par son histoire.

Une bise a vous tous et merci de m'avoir lue.

Et pour les petits curieux en DM:

Non, je n'ai pas été pétrie comme du bon pain et NON je n'ai pas de photo du rituel en question.

Pour finir en beauté, c'est une chanson marocaine mais je l'adore. Extraite du film "Un brin de Chance", chanteur Zeev Revach.

"Avec tes beaux yeux, tes belles dents, tes joues rondes, tu es toujours la plus belle, j'ai fait le tour du monde"