Un train pas comme les autres :
Ou comment un spotter signal une anomalie au train à la gare la plus proche ?
Thread d'une après-midi animée et Ô combien épuisante nerveusement.
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EP de Guerigny sous une pluie battante (image non contractuelle), nous effectuons les essais technique de sécurité, autrement dit, un essai complet des freins.
ça se résume à gonfler la rame en air, de tester l'étanchéité des distributeurs, le serrage des freins, la continuité de la conduite générale et enfin le desserrage des freins.
Petit problème : le client possède un locotracteur qui gonfle les distributeurs bien au dessus du seuil de celui de nos locomotive (locotracteur 6 bar, locomotive 5.4 bar).
il nous faut donc purger tous les distributeurs de chaque wagons afin de tarer les distributeurs au seuil de celui de la locomotive (5.4bar donc..)
Les essais se passent correctement, j'aide mon collègues agent de manoeuvre à purger la moitié de la rame afin de "gagner" un peu de temps tout en gardant un oeil très averti sur le train et particulièrement les locomotives.
En effet, lorsqu'on gonfle la rame en air, seul la machine de tête est freinée, le reste de la rame ne l'est pas.
Au bout de 3/4 heure (oui, quand c'est bien fais, c'est long ! mais il en va de notre sécurité et celle du train), l'agent de manoeuvre me confirme l'essai des freins terminé et me remet le bulletin de freinage.
20 Véhicules (loco comprises), 1650 tonnes et 330 mètres, un train sommes tout assez ordinaire.
Cependant, malgré ma faible expérience, j'ai un doute concernant le bon acheminement de mon train, car sur mon parcours, il y a ce qu'on appel "la côte de feuille"
une rampe de 12/1000 étalé sur 3km, ce qui fais 1.2% pour un équivalent en voiture.
C'est pas énorme, et pourtant pour un train, ça l'est, et à cela s'ajoute un temps exécrable et des feuilles mortes sur le rail (des conditions d'adhérence quasi extrême..)
Le départ est donné à l'heure, premier passage compliqué dû à l'adhérence au PN de l'ancien BV de Guerigny.
un fort patinage se fait ressentir au décollage, je met littéralement 5 min pour dégager le PN avec le regard noir des automobilistes une certaine pression s'installe.
Installé à ce PN, un spotter courageux (il pleut vraiment beaucoup) et qui plus est, un collègue, et vous allez voir que celui-ci à son importance.
Je parcours mes premiers kilomètres avec une certaines anxiétés, j'ai énormément de points de repaire sur la ligne, dont des points de passage à une certaine vitesse et aujourd'hui je roule bien en dessous des vitesses habituelles.
Rien de bon d'annoncé.
J'arrive tant bien que mal à me lancer, j'atteint la vitesse limite de la ligne (50km/h) quelques centaines de mètres avant le début de la fameuse rampe de la "côte de feuille".
J'attaque la mastodonte, je modère la traction entre 1200tr/min et 1500tr/min, je joue avec la frein direct de la locomotive dès que je sent les essieux s'emballer sur le rail afin de bloquer les roues et d'éviter le patinage au maximum,
j'ai mon pouce enfoncé sur le BP-sablage.
C'est très tendu, je perd très vite mon élan malgré les techniques des anciens, j'arrive désormais au milieu de la côte au niveau d'un plat à peine à 15km/h (ordinairement ce passage je l'exécute aux alentours de 40km/h)
d'habitude j'en profite pour récupérer mon élan, mais là, la tâche est impossible, je passe difficilement les 18km/h et attaque la seconde partie de la côte avec très peu d'espoir d'aller au bout de celle-ci.
Je recroise le fameux spotter de Guerigny au niveau d'un PN non pourvu de barrières et continu mon épopée tant bien que mal.
J'obtiens malheureusement mon arrêt dû à une trop mauvaise adhérence une centaine de mètres plus loin à seulement 800 petits, minuscules mètres de la fin de cette côte infernale.
Je prend l'initiative de descendre, une fois mon train immobilisé correctement, d'ouvrir en grand les sablières sur le côté des engins moteurs afin d'avoir un meilleur débit de sable sur le rail et tenter un démarrage en côte.
Le temps de desserrer la rame pour repartir, je commence à mettre de la traction à environ 1000tr/min, je n'ai jamais vu autant d'étincelles se produirent sous les essieux le temps que la rame décolle,
mais Alléluia, on y arrive tant bien que mal à se lancer tout doucement..
Lentement mais surement, on avance à 2-3 km/h de moyenne, ces 800 mètres sont une éternité ! chaque mètres parcourus est un semblant d'espoir d'arriver au bout.
Nous voyons le bout de la côte de feuille, marqué par un pont, ouf, délivrance !
Quenénie !!! Le sort s'acharne, mon agent d'accompagnement/agent de manoeuvre reçoit un appel de la gare de Nevers,
on nous avise d'un dégagement de fumée importante ainsi que des étincelles provenant de notre train vu par un passant aux abords d'un PN.
Dans un premier temps nous pensons directement au spotter, qu'il aurait vu certainement des étincelles se dégager de la locomotive menée qui dégageait en effet quelques étincelles par rapport à la locomotive menante.
Mais au chemin de fer, un dictons dit : "un doute ? pas de doute !" nous nous arrêtons donc quelques centaines de mètres plus loin afin d'appliquer une procédure longue et pénible, la découverte ou l'avis d'une anomalie à la circulation.
on a la présomption d'un blocage d'un ou plusieurs essieux avec potentiellement une boite chaude en prime (genre le truc de poissard voyez ?)
Pour trouver le/les wagon(s) potentiellement bloqués, on doit alimenter la rame en air afin de débloquer les freins de chaque essieux, sauf qu'évidement, vu qu'on va quitter la cabine pour aller visiter le train,
va falloir également l'immobiliser pour ne pas qu'il dérive.
La procédure nous amène donc à calculer une masse freinée de dérive necessaire à l'immobilisation en toute sécurité pour ne pas que le train bouge, je la détermine via des paramètres que je possède : masse du train et déclivité de la ligne.
je relis les procédures au moins 3-4 fois histoire d'être sure malgré les multiples entrainements qu'on à pu avoir en formation, on a beau être préparés au pire,
quand ça nous arrive, on est jamais réellement prêt, mais faut assurer, sinon, c'est le goulag.
C'est parti pour la visite du train sous une pluie diluvienne, les pistes sont impraticables, en faite il n'y a même pas de pistes ! on marche comme on peut,
on se fraye un chemin dans le ballaste en tentant d'éviter de se casser la gueule.
Pour vous donnez une idée de l'espace que nous avons pour visiter la rame, voici un cliché prit il y a quelques mois dans le même coin lors d'un précédent incident.
Chaque wagon est examiné avec minutie, on arrive aux abords du 6eme wagons de tête et on sent comme une odeur de chaud,
assez indescriptible, incomparable à une autre odeur et pourtant, on l'a connait, on l'a tous sentie au moins une fois dans sa vie.
Mais cette odeur s'est traduis par une consternation, les semelles du 3eme essieux du 6eme wagon étaient belle et bien bloquées
complètement fondue par le frottement impossible de manipuler sans se brûler,
nous avons tenter de taper dans la semelle avec nos godasse, on a vite passé notre tour quand on à vue qu'elle fondait au contact de la semelle, in-croy-able
Premier réflexe néanmoins, vérifier la boite chaude et le fuselage de l'essieu : R.A.S. putain !!! maintenant il faut isoler le wagon, ah ! bah pas besoin, le levier est anormalement fermé, avec une branche accroché sur le support du levier, la cause du blocage est trouvée.
Cependant la visite du train n'est pas fini, reste encore 12 wagons, eh oui une avarie peut en cacher une autre...
bon en vrai, on a rien trouvé d'autre, mais quelle galère sérieux de crapahuter dans le ballaste !!!
Retour en cabine, trempé comme jamais, on se met au chaud et on continu la procédure et croyez moi qu'on est bien loin d'avoir fini.
maintenant que le problème a été résolu, il faut déterminer les nouvelles conditions de circulation vu qu'on a un wagon en moins qui freine.
En gros, il faut que notre masse freinée réalisé total (celle des wagons et des locs) soit supérieur à la masse freinée nécessaire qui a été déterminé par l'agent de manoeuvre lors des essais freins chez le client. Impeccable de ce côté la, on est encore bien au dessus.
Et puis bon on se sentait tellement bien au sec qu'on s'est dit tiens, et si on allait crapahuter de nouveau dans le ballast pour faire une VFF ? une Vérification du Fontionnement du Frein, mais oui !!!
Bah c'est reparti mon kiki, la sécurité avant tout hein..!
On se dirige en queue, on vérifie que les freins soient desserrés, on vidange en queue,
on vérifie le serrage de chaque wagons en revenant en tête du train tout en oubliant pas de retirer au fur et à mesure les moyens d'immobilisation mis en place (cale anti-dérive, frein à vis)
une fois tout ce bordel terminé, de retour en cabine, on détermine nos conditions de reprise de marche et on rentre pour de bon au bercail. Après 2h de procédure, j'arrive enfin à destination avec du coup 2h de retard.
Le plus dur est derrière nous, quel soulagement (vraiment) d'arriver au triage.. l'agent de manoeuvre décide d'écarter le wagon dont les semelles de frein sont complètement fondue.
40 minutes de manoeuvre supplémentaire qui s'ajoute à cette longue après-midi déjà bien remplie, la manoeuvre doit s'effectuer au dégagement de signal en gare car la longueur jusqu'au butoir sur le faisceau impair de Nevers n'est pas suffisante pour réaliser cette manoeuvre.
Manoeuvre terminée, on m'annonce pour le dépôt pour enfin rentrer les mémères qui auront bien souffert aujourd'hui (choc avec des arbres sur la voie le matin, fort patinage l'après-midi) elles en auront vu de toutes les couleurs..
Arrivé au dépôt, je "gare" les machines au remisage pour faire le plein de combustible et rendre compte de l'état de celles-ci.
Tous les engins moteur (locomotives, autorail, automotrice etc..) ont un suivis journalier/hebdomadaire/mensuel.
J'échange un peu avec le remiseur des péripéties que les machines ont subis, et pour lui rien d'anormal.
C'était même prévu qu'elles rentrent dans un sale état et qu'il était déjà planifier qu'elles passe en grosse visite juste après pour tout contrôler
Se termine enfin cette journée plus que longue, enfin.. pas tout à fais, place au rapport !
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