Thread pour ceux qui râlent sur le désir de visibilité des femmes écrivains...

- Une autrice a été au programme du Bac L pour la toute première fois... en 2018 (Mme de Lafayette).
- Pour le nouveau bac de français 2020 : le programme propose désormais 3 femmes et 11 hommes...

C'est ridiculement faible, mais c'est clairement une avancée - qui s'est obtenue à coup d'édito, de pétitions, etc. Songez :

En 2014, une lycéenne de Bordeaux avait lancé une pétition qui s’interrogeait sur le nombre très restreint d’autrices dans les programmes scolaires.

Elle notait très justement que les femmes n’existaient pas dans les manuels de philosophie, et que depuis dix ans aucune romancière ne figurait au programme du bac L.
14 000 personnes avait signé sa pétition, adressée à l’époque à Benoit Hamon.

Et puis : rien.
Il ne s’était rien passé.
On était retombé dans un monde où n’avaient jamais vécu Marguerite Duras ni George Sand, et où Simone de Beauvoir n’était rien d’autre que Madame Sartre.

On a le droit d’être têtu quand on est sûr d’avoir raison : en 2015, l’illustratrice Diglee posa sur son blog la même question, relayée par 11 000 personnes à travers les réseaux sociaux.
Elle obtint la même réponse : rien.

Le patrimoine culturel des lycéens se resserrait encore un peu plus, sans Sarraute ni Yourcenar.

Que vouliez-vous qu’il se passât en 2016 ? Une enseignante d’Alfortville lança une 3e pétition pour demander plus de femmes au programme du baccalauréat. 20 000 personnes signèrent cette fois cette requête qui n’avait rien d’incongru, et qui fut envoyée à Najat Vallaud-Belkacem.

D’avoir une femme comme ministre de l’Éducation allait sûrement aider à corriger les programmes, d’autant qu’elle était passée par le ministère des Droits des femmes…

C’était en avril 2016. Le ministère avait deux mois pour réfléchir et pour valider (ou invalider) les divers sujets du bac de français. Huit semaines donc, pour se réunir, entre inspecteurs et recteurs, et pour introduire des écrits féminins dans l’épreuve du bac de français.

60 jours donc, pour fouiller dans les 70 bibliothèques parisiennes, afin de briser la malédiction sexiste de l’Éducation Nationale.

1440 heures pour trouver 20 lignes d’un récit d’Ernaux, ou de Colette, ou de Madame de Lafayette, ou même de la géniale Benoite Groult, qu’on savait très fatiguée ! On a connu, je crois, des challenges plus compliqués.

Cessons le suspens. L’épreuve anticipée de français eut lieu le 17 juin 2016. Presque 500 000 élèves, toutes séries confondues, planchèrent sur 12 écrivains, du 18e au 21e siècle : Voltaire, Heredia, Samain, Cocteau, Hugo, Zola, France, Eluard, D’Alembert, Verne, Robida, Serres.

Je vous laisse relire cette liste prestigieuse et ridicule autant de fois que vous voudrez.

Les choses changent, oui.
Mais beaucoup trop lentement.