La chute culturelle de l'URSS

On a coutume d'apprendre l'histoire par les dates (entre autres), et c'est le 26 décembre 1991 qui fait office de date quant à la fin de l'URSS, et c'est officiellement vrai. Mais toute chute a ses prémisses et ses symptômes.
Comme prémisse on pourrait citer l'arrivée au pouvoir de Gorbatchev et les débuts de la perestroïka. Ce même Gorbatchev qui plus tard s'illustrera dans un publicité pour Pizza Hut comme signe après-coureur de la défaite:
Comme symptôme, je voudrais vous soumettre cette vidéo du passage télévisé d'un groupe de pop soviétique en 1987:
Regardez-là maintenant sans le son. Ainsi privé des paroles en russe, on pourrait croire qu'il s'agit d'un groupe anglais ou américain en Angleterre ou en Amérique. Tout dans le style des musiciens évoque l'Occident et sa musique à la mode de l'époque:
The Cure, New Order, Depeche Mode, Cocteau Twins, Duran Duran et j'en passe. Les blousons en cuir, l'attitude, la coiffure mais aussi les instruments, les sonorités, le rythme, rien n'est oublié dans la tentative de copie de l'Occident.
A ce propos vous pouvez lire Le capitalisme de la séduction de Michel Clouscard, même s'il est spécifiquement orienté sur la France d'après le Plan Marshall.
D'ailleurs si le mec à 3mn 38sec vous a fait marrer, c'est le chanteur de Biokonstructor:
Cet attrait des russes pour la culture occidentale de masse, Hedrick Smith en faisait déjà le constat au début des années 70 par ailleurs:
"A peu près partout, j'ai rencontré des jeunes qui en savaient infiniment plus que moi sur la vie privée et professionnelle des Beatles, de Mick Jagger et autres vedettes dans le vent". (in Les Russes)
La perméabilité de la jeunesse soviétique aux modes occidentales et anglo-saxonnes tout particulièrement est donc un symptôme de la défaite culturelle de l'URSS face à l'extension de l'hégémonie de cet Occident libéral.
Comme l'expliquait Gramsci, le pouvoir se conquiert en premier lieu à travers l'idéologie, ce qui nécessite un long travail de sape afin d'imposer son propre cadre culturel, c'est ce qu'il nomme la guerre de mouvement.
Si Gramsci entend appliquer cette guerre de mouvement afin de renverser l'idéologie bourgeoise, on voit bien dans notre cas que cette arme est en fait universelle et que les Etats-Unis s'en sont servi pour imposer leur mode de vie au monde entier, jusque chez l'ennemi juré.
Pour lire l'œuvre de Gramsci quand on n'a pas un sou, ça se passe ici:

http://classiques.uqac.ca/classiques/gramsci_antonio/gramsci.html
Quand les jeunes russes de la banlieue de Moscou ou que les Azéris du port de Bakou tentaient d'obtenir le vinyle d'un groupe anglais ou le poster d'un starlette américaine, aucun bambin de Londres, aucun ouvrier des usines Ford n'avait quelque chose à faire de Biokonstructor.
Il en va plus ou moins de même en ce qui concerne la culture d'Europe continentale, littéralement inopérante dans les cultures anglo-saxonnes. A l'inverse, n'importe quel dijonnais, absolument tous les napolitains connaissent Mickael Jackson; je ne vous apprend rien.
L'hégémonie culturelle n'impose pas seulement des bien de consommation ou des éléments de culture, elle impose aussi des modes d'expression, des médias. Et comme disait Marshall Mac Luhan: "Le message c'est le médium". https://acolitnum.hypotheses.org/523 
Le simple fait que je vous parle sur Twitter est le symptôme d'un profond ancrage de l'hégémonie culturelle américaine par exemple. La question est donc, peut-on retourner les outils de l'hégémonie contre ceux qui l'exercent?
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