Connaissez-vous les centrales nucléaire d’Erdeven, de Plogoff ou encore du Carnet ?

Non ? C’est normal ! Ces projets n’ont jamais vu le jour…

Thread sur les tentatives avortées de construction d’une centrale #nucléaire pour la #Bretagne

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1/ Avant-propos : L’histoire de la lutte contre l’implantation d’une centrale #nucléaire est très longue donc ce thread est un récit très raccourci avec Plogoff en fil rouge. Vous trouverez à la fin quelques sources biblio pour aller plus loin.
C’est parti !
2/ Depuis 1967, la Bretagne accueille déjà un réacteur nucléaire à Brennilis mais il s’agit d’un petit réacteur à eau lourde refroidi au gaz carbonique :

https://twitter.com/Mangeon4/status/1279875330757492736?s=20

En plus complet là : https://twitter.com/AStrochnis/status/1042682732147617792?s=20

Sur le démantèlement : https://twitter.com/TiamathsLaw/status/1279375472665735169?s=20
3/ Dès 1970, EDF constitue une réserve de sites pour construire des centrales nucléaires. Avec le lancement du plan Messmer en 1974 du « tout nucléaire », près de 50 sites sont envisagés pour accueillir une centrale. A cette époque, on parle de 200 réacteurs pour l’an 2000 !
4/ En 1974, plusieurs sites envisagés se situent en Bretagne : Beg an Fry en Guimaëc, Plogoff (près de la pointe du Raz), Saint-Vio à Tréguennec et Erdeven. Un site est également à l’étude au Pellerin près de Nantes, dans l’optique d’alimenter la Bretagne en électricité.
5/ En effet, la région est sous-équipée en matière de production électrique. A l’époque, sa principale source d'approvisionnement est la centrale thermique (à flamme : charbon et fioul) de Cordemais (photo), située sur la rive droite de la Loire.
6/ Rapidement, des études environnementales sont confiées par EDF à l’Institut Scientifique et technique des pêches maritimes, au Centre national pour l’exploitation des océans et au Laboratoire national d’hydraulique d’ @EDFofficiel.
7/ A l’automne 1974, dès l’annonce d’un possible projet d’une centrale nucléaire à Erdeven, une région rurale, maritime, ostréicole et touristique, une forte résistance locale s’organise notamment autour du Comité régional d’informations sur le nucléaire (CRIN).
8/ Le 21 décembre 1974, le conseil municipal, poussé par la pression populaire, se prononce contre la construction de la centrale. A Pâques 1975, une manifestation de 15 000 personnes se déroule sur le site prévu pour la future centrale.
9/ En mars 1975, au conseil régional, 36 élus donnaient leur accord contre une seule abstention (aucun vote défavorable) pour l’implantation d’une centrale nucléaire en Bretagne. Un nouveau site est même envisagé à Porsmoguer.
10/ Le projet de centrale à Erdeven est abandonné dès 1975 en raison de la forte opposition locale. Une sculpture en forme de main verte est érigée sur le site par les opposants. D’autres sites bretons sont encore en lice pour accueillir une centrale, notamment Plogoff.
11/ En visite sur le site de Plogoff en décembre 1974, le ministre de la Qualité de la vie (André Jarrot en photo) explique : « Il n’y a pas deux pointes du Raz au monde. Donnons-lui donc une activité sans en détruire le site. C’est de l’imagination qu’il nous faut dépenser ».
12/ En avril 1975, lors d’un conseil municipal consacré uniquement à cette question, Plogoff rejette le projet de centrale nucléaire. En 1976, le maire de Plogoff, Jean-Marie Kerloc’h, devient Président du Comité de défense. Le projet est mal parti…
13/ Les raisons de cet engagement contre la centrale nucléaire sont hétérogènes : forte préoccupation environnementale, effet « Nimby » avec peur d’une perte d’identité (parois anti-immigrés) ou/et réaction à une forme de mépris des élites technocratiques parisiennes.
14/ En 1976, le préfet du Finistère lance des sondages de terrain à Plogoff. Les opposants bloquent l’accès au site aux ingénieurs EDF. Les sites de Plogoff et de Porsmoguer semblent avoir les faveurs d’EDF.
15/ Différents arguments vont faire pencher la balance en faveur de Plogoff même si pour EDF le choix est avant tout scientifique. La marée noire de l’Amoco Cadiz en mars 1978 va toucher le site de Porsmoguer alors que les élus locaux sont déjà fortement opposés au projet.
16/ En septembre 1978, les instances régionales et départementales décident alors de ne retenir que le site de Plogoff pour construire une centrale nucléaire en Bretagne. Dès les semaines suivantes, des manifestations se déroulent à Quimper et Brest (photo) notamment.
17/ L’accident nucléaire de Three Mile Island (USA, Harrisburg, Pennsylvanie) en 1979 va être utilisé comme argument par les opposants. Entre le 31 janvier et le 14 mars 1980, une enquête publique est menée par les autorités. C’est le début de 6 semaines de tensions extrêmes…
18/ Le 30 janvier 1980, les dossiers pour l'enquête d'utilité publique sont réceptionnés à la mairie de Plogoff, devant laquelle ils sont brûlés l'après-midi même.
19/ L’enquête publique est confiée aux mairies-annexes tenues par les commissaires enquêteurs dans des camionnettes sous la protection des gendarmes-mobiles mais elle tourne au fiasco.
20/ Pendant et après l’enquête publique, des affrontements violents entre opposants et CRS font plusieurs blessés et des opposants sont arrêtés.
21/ Le 24 mai 1980, plusieurs dizaines de milliers de manifestants fêtent la fin de la procédure d’enquête publique à la pointe du Raz.
22/ Alors que le projet va entrer dans une phase décisive, en 1981, en pleine campagne électorale pour la présidentielle, les opposants vont trouver un soutien de poids avec François Mitterrand, jusque-là peu bavard sur la question du nucléaire.
23/ Le candidat Mitterrand fait la promesse de ne pas construire de centrale à Plogoff et décide de s’opposer à la politique du « tout nucléaire » promue par Valéry Giscard d'Estaing sans toutefois stopper ce programme.
24/ Le 10 Mai 1981, des cris de liesse retentissent à Plogoff à l’annonce de la victoire sur François Mitterrand. Plogoff ne se fera pas.
25/ François Mitterrand gèle également le projet du Pellerin, dans l’estuaire de la Loire, qui a vu une forte opposition locale en même temps que celle qui s’est déroulée à Plogoff.
26/ Une consultation est tout de même menée mais, avec une majorité d'opposition à la centrale, un décret d'abrogation est signé par Pierre Mauroy, premier ministre, le 12 avril 1983.
27/ Le projet d’une centrale dans l’estuaire de la Loire n’est toutefois pas abandonné et renait sur un autre site, le Carnet, encore un peu plus en aval dans l’estuaire dans une zone moins densément peuplée.
28/ Même si EDF ralentit son programme nucléaire et que le besoin de construire une centrale se fait moins pressant, en janvier 1983, un dossier d'enquête publique concernant le projet du Carnet est déposé par EDF.
29/ L’enquête publique se déroule tout de même en 1987 et le premier ministre Jacques Chirac signe la déclaration d'utilité publique, valable cinq ans en 1988. Le 3 mars 1993, le décret de 1988 autorisant les expropriations est prorogé jusqu’en 1998.
30/ Du 18 juin au 18 juillet 1996, une nouvelle enquête publique est lancée pour le remblaiement des zones humides [51 hectares], pour la construction d'une centrale électrique, sur le site du Carnet, sans préciser si elle sera nucléaire.
32/ Le 17 septembre 1997, le gouvernement Jospin demande à EDF de stopper son projet d'aménagement, à la satisfaction notamment de Dominique Voynet, ministre de l'environnement.
33/ Le site du Carnet, qui appartient toujours à EDF, sert aujourd’hui de centre d’essai pour des éoliennes de type Haliade 150 (6MW) qui équiperont le site de Saint-Nazaire Banc de Guérande.

FIN
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