Thread#2

Le poignard de Jean Marie Le Pen.
La maison des Moulay ressemble à un petit palais. Comme toutes les anciennes demeures de style arabo-mauresque, elle s'ouvre sur un patio à
ciel ouvert, bordé sur ses quatre côtés d'une galerie couverte soutenue par des colonnes de marbre. Toutes les pièces du rez-de-chaussée
et du premier étage donnent sur cette cour intérieure.
À l'exception du père, la famille est plongée dans le sommeil. Ahmed Moulay, quarante-deux ans, s'attend à être arrêté à tout moment. Les paras sont
déjà venus la veille. Ils cherchaient l'un des frères de sa femme.
Ali Bahriz, un blond aux yeux bleus, type européen. Ils se sont trompés. À la place d'Ali Bahriz, ils ont emmené son frère Rachid, également blond aux yeux bleus, cordonnier. Dès qu'ils ont tourné les talons, Ali Bahriz s'est enfui. Ils vont revenir, il le sait.
Ahmed Moulay, lui aussi, le sait. Son tour est proche, il n'en doute pas.
Quand ils reviennent, ce samedi soir, accompagnés de chiens, les paras ont pris soin de ramener Rachid Bahriz. Ils ont compris leur erreur et veulent confronter leur prisonnier à ses proches ainsi qu'à ses voisins car
plusieurs familles se partagent la grande demeure.
Rachid Bahriz est torse nu, pieds nus, ensanglanté de la tête aux pieds. Sans attendre qu'on
leur ouvre, les soldats fracassent la porte d'entrée à coups de hache, empruntent le petit couloir qui mène au patio et montent au premier étage
Rania Moulay, trente-sept ans, supplie son mari de s'échapper. Il peut encore tenter de s'enfuir par la terrasse sur le toit. Ahmed Moulay refuse. S'il le fait, ce sont ses enfants et son épouse qui seront interrogés
et torturés à sa place.
« Je suis là », dit-il simplement aux parachutistes quand ils font irruption dans la chambre. Puis il ajoute à l'intention de son épouse : «Prends soin des enfants. » Il se penche ensuite pour enfiler ses
chaussures. « C'est pas la peine », lui dit l'un des paras en le propulsant
d'une bourrade sur le palier. Là, Ahmed Moulay reçoit une volée de coups, puis il est projeté dans l'escalier. Il dégringole toutes les marches sur le dos, la tête la première, sous les yeux des enfants. Quand il atterrit
dans le patio, les coups continuent.
On lui arrache ses vêtements. Une fois nu, il est allongé, bras écartés, les poignets attachés entre deux des piliers de la cour. Cette nuit-là, il fait un froid glacial. Rachid Bahriz est placé derrière son beau-frère. Il va assister, au premier rang à la « torture à domicile »
Ahmed Moulay se bourrer de coups, dans les testicules surtout. Ensuite, ils lui ont fait ingurgiter de l'eau. Une quantité phénoménale. il se débattait. Il était allongé, les bras en croix entre les 2 piliers. Son
ventre est devenu énorme. Un para lui sautait dessus pieds joints.
On lui avait mis dans la bouche une serviette qu'on retirait de temps en temps.
Alors, il vomissait. Immédiatement après, on le gavait de nouveau de litres d'eau », raconte, par bribes, l'aîné des six enfants
Il se souvient : « Mon père n'arrêtait pas de gémir et de crier. C'était horrible. À un moment, il a
perdu connaissance. De temps en temps, Le Pen hurlait : "Donne-nous un nom et tu as ma parole de soldat que tu seras épargné !"
J'ignorais que trois moudjahidine étaient cachés dans la maison. Il aurait suffi que mon père parle pour que son supplice s'arrête. Il n'a pas parlé. »
Je devine plus que je ne comprends. Le spectacle est
épouvantable. A chaque fois qu'on cesse de lui administrer de l'eau, Ahmed Moulay tente de reprendre sa respiration. Il fait des gargouillis
atroces. Le supplicié implore Dieu. Il crie : « Que vont devenir mes enfants ? »
Il les appelle entre deux râles. Il s'adresse surtout à son fils
aîné. Il supplie : « Mohamed, j'ai froid, apporte-moi des vêtements ! » Le supplice de l'eau ne suffisant pas, on décide de passer à l'électricité.
D'habitude, on fait l'inverse : l'électricité d'abord, puis l'eau pour les récalcitrants. La noyade provoquant une sensation de mort imminente, les plus résistants finissent par craquer. Dans le cas d'Ahmed Moulay, les choses sont assez simples.
Il est artisan électricien et son atelier se trouve
à deux pas de son domicile. Le Pen et ses hommes le savent. Ils se font remettre les clés du magasin et y conduisent leur prisonnier
« Ils sont entrés dans l'atelier avec mon beau-frère, me laissant sur le seuil. Ils ont repris la séance de tortures, à l'électricité cette fois. À un certain moment, il y a eu un court-circuit. Tout d'un coup, j'ai entendu un cri, et puis, plus rien, raconte Rachid Bahriz,
le seul à avoir assisté au martyre d'Ahmed Moulay du début jusqu'à la fin. L'un des militaires a crié : "Mon lieutenant, il est mort !"

Ils l'ont rhabillé et l'ont emmené dehors, dans la rue. Juste après, j'ai entendu le bruit d'une rafale de mitraillette. »
Mon père était étendu au milieu de la rue.
Il avait la poitrine et le visage perforés de balles et les commissures des lèvres tailladées. Sa figure était en sang.» La mère et l'enfant transportent le corps d'Ahmed Moulay jusqu'à la maison.
"On n'y arrivait pas. Il nous a fallu du temps. Mon père était très lourd, sans doute à cause de l'eau, son ventre était encore énorme. Dans les journaux, les militaires ont tenté de maquiller le crime. Un communiqué de l'armée prétendait qu'il avait été abattu pendant sa fuite"
Le lendemain matin, l'enfant fait une découverte. Dans le couloir d'entrée de la maison, il trouve un poignard accroché à une ceinture de couleur kaki. L'arme gît sur le sol, dans un recoin obscur. M.Cherif prend le poignard et le cache, « sans bien savoir pourquoi ».
Les parachutistes reviennent à deux reprises les jours suivants, toujours en compagnie du lieutenant Le Pen, et fouillent la maison de fond en comble. L'enfant ne dit rien. « Ils ont ouvert tous les tiroirs et mis la maison à sac. Ils cherchaient quelque chose.
Ils n'ont pas dit quoi, mais je savais que c'était le poignard. Ils ont tout retourné, sans succès. Le Pen avait l'air furieux », se souvient-il.
Mohamed Cherif abandonne l'école un peu plus tard. Son instituteur, fait tout pour le retenir. Rien à faire.
L'enfant rejoint les rangs de l'ALN. Il a perdu le goût de vivre et ne cherche qu'à venger son père. C'est ainsi qu'il devient un fellagha.
Le poignard atterrit dans le buffet de la salle à manger des Moulay. Il y restera jusqu'au début de 2003, date à laquelle je réussirai à le rapporter en France. Dans le procès pour diffamation que Jean-Marie Le Pen a
intenté au Monde, il jouera un rôle essentiel.
À terme, ce couteau ira rejoindre le musée des moudjahidine d'Alger. C'est le souhait de son détenteur, Mohamed Cherif Moulay. En acier trempé, long de 25 cm et large de 2,5 centimètres, ce poignard est bel et bien une pièce de musée. Une pièce à conviction surtout.
Il s'agit en effet d'un couteau des Jeunesses hitlériennes, fabriqué à quelque douze millions d'exemplaires par des couteliers allemands de la Ruhr. Le manche, partiellement
recouvert de Bakélite noire, est incrusté d'un losange dont l'écusson est tombé dans les années 70,
à force d'avoir été manipulé par les enfants de
la famille Moulay. Mohamed Cherif et les siens se souviennent parfaitement de ce qu'il y avait à cet emplacement : une croix gammée de
couleur noire, sur fond rouge et blanc.
Sur le fourreau de ce poignard nazi, on peut lire distinctement : JM Le Pen, 1er REP
You can follow @Hcoloniale1.
Tip: mention @twtextapp on a Twitter thread with the keyword “unroll” to get a link to it.

Latest Threads Unrolled: