Fatigué des commentaires sur la prise en charge des MNA et la pseudo-responsabilité de collègues. Vous ne connaissez ni la loi applicable à la matière, ni ce qu’exige et implique la motivation d’une décision de refus de prise en charge. Je vais un peu développer ⤵️
Deux possibilités : 1) le juge des enfants est saisi par le parquet à la suite d’une réorientation depuis un autre département. Il existe une cellule nationale dont l’objet est de répartir les MNA pris en charge sur le territoire selon un savant calcul prenant en considération la
population totale du département notamment. Cela intervient après une évaluation ayant conclu à la minorité, qui ne dit parfois rien de l’identité réelle du MNA - qui souvent n’a pas de papiers, ou des papiers ne pouvant être authentifiés, ou présentent des actes de naissance qui
n’attestent que peu de l’identité de la personne qui est en leur possession. Ces papiers sont généralement confiés à la PAF pour être authentifiés, mais le résultat est aléatoire entre refus (notamment pour la Guinée à la suite d’une vaste fraude documentaire) et incertitudes.
2) L’ASE (ou l’asso déléguée) conclut dans son éval à la majorité. Lorsque l’intéressé conteste cette eval, il lui arrive de saisir le juge des enfants directement. En faisant valoir ses arguments (nouveaux papiers, parfois). Je simplifie, mais voilà l’idée.
Lorsque l’identité donnée est douteuse, comment s’assurer de l’âge de la personne ? Outre les papiers qui, s’ils sont authentifiés, devraient suffire, le juge a peu d’outils à sa disposition.
Il reste les fameux tests d’âge osseux qui consiste en l’évaluation approximative de l’âge par l’étude du dvpt osseux (poignet, parfois clavicule) et dentaire. Les conclusions de ces expertises ne sauraient à elles seules infirmer la minorité.
Le cadre légal du recours aux tests est fixé par l’article 388 du code civil : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000032207650/
Que faire d’une évaluation qui conclut à la majorité, en se basant, par exemple, sur l’incohérence du parcours migratoire (svt « stéréotypé », parce qu’ils prennent tous la même route, et parce que les passeurs les convainquent souvent de répéter leur discours), l’apparence
physique (essayez de donner un âge précis aux mineurs que vous rencontrez, je peux vous assurer, pour en voir tous les jours dans mon bureau que c’est loin d’être aisé, que l’on juge parfois en correctionnel des majeurs auxquels on donnerait 15 ans et au TPE des mineurs qui
physiquement « font » bien plus. Le jugement sur l’apparence est un piège, puisque qu’il mobilise par nature des biais personnels. Quelle valeur juridique voulez-vous y donner ?
Sur le fond, il est impossible de vérifier la plupart des états civils donnés, pour la simple et bonne raison que les pays dont ils sont originaires n’ont, pour la plupart, pas un état civil fiable.
Partant de là, refuser une prise en charge ASE passe par la motivation d’un jugement qui doit se baser sur des éléments objectifs, qu’il est généralement difficile de rassembler (de ma modeste expérience en tout cas).
Je n’ai pas parlé des moyens, mais en pratique, les ASE et assos qui évaluent sont débordées, les JE croulent sous les dossiers d’assistance éducative « classiques » auxquels se rajoutent les situations de MNA. A Pontoise comme dans les autres grands TPE, le nb de ces situations
est purement ahurissant et impossible à absorber. Nos décisions sont loin d’être infaillibles. On fait ce que l’on peut dans ce contexte. Il est facile de commenter à l’emporte-pièce un fait tragique en cherchant des responsables.
Je m’arrête ici, j’ai largement simplifié et sans doute pas évoqué l’ensemble des enjeux. Mais la situation est bien plus complexe que ce voudraient vous faire croire certains commentaires non dénués d’objet politique.
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