Comme promis je vais cette fois parler de Toy Story, 1er du nom !

L'objectif est de parler de petits trucs dans la mécanique du scénario encore une fois, pas d'aller chercher dans ce qui est plus profond, là où une autre forme de créativité et d'art s'exprime.
Par exemple, je vais pas parler du conflit essentiel entre Woody et Buzz dans le 1er film, et ce qu'il représente culturellement. Car il semble bien cristalliser une tension entre un vieux cinéma traditionnel (le western, anim 2d) et les nouvelles technologies (Pixar, l'anim 3d)
Et symboliser la peur, le vertige de voir les choses changer. Tout en reconnaissant à la fin que c'est en combinant le savoir faire d'antan et les innovations modernes que l'on fera le meilleur cinéma possible. Et c'est exactement ce que fait Pixar dans l'ensemble.
D'ailleurs Toy Story fonctionne aussi très bien comme métaphore du processus créatif, inventer des histoires avec des jouets, Andy c'est Lasseter et Docter et Stanton et tous les autres, tout ça ce sont des évidences d'analyse qui sont lisibles partout. Parce que c'est fascinant.
Non, ici on va plutôt mettre les mains dans le camboui et parler de mécanique scénaristique en trois éléments tirés du 1er film.

1. Comment faire souffrir le héros sans le rendre trop antipathique

Dans des versions antérieures du scénario, Woody était bien plus tyrannique.
Ce qu'il reste de son mauvais côté se trouve dans la scène où il expédie Buzz par la fenêtre pour qu'Andy choisisse le cowboy pour partir au restaurant et pas le nouveau jouet qui lui a volé sa place.

La scène fonctionne car Woody craque, ET parce que y a punition divine.
En fait Woody ne veut pas expédier Buzz dehors car il tomberait dans le Jardin de Sid, qu'on a établi dans la scène d'avant en le montrant torturer des jouets. Non, Woody vise à ce moment à faire tomber Buzz derrière le bureau pour que Andy ne le trouve pas temporairement.
C'est une très vilaine action de la part du protagoniste, et la punition est immédiate : son plan rate, Buzz est expédié dans le jardin de Sid (donc en danger de mort), et tous les jouets qui l'adoraient sont dégoutés par cette trahison. Il a eu une mauvaise action et
En un instant il a tout perdu. Il voulait récupérer Andy et l'a fait par la mauvaise manière, à la place il doit tout reconstruire et réussir à regagner la confiance de ses amis et celle de Buzz.

C'est ça, faire souffrir son protagoniste.
2. La règle de trois

C'est un truc très courant dans le cinéma américain et surtout mainstream : il s'agit de montrer quelque chose rater deux fois puis réussir la troisième. Souvent la 1ère sert à poser l'existence d'une capacité d'un personnage
("je sais jongler regarde" Et il n'y arrive pas.), la deuxième à signifier un échec et rappeler l'existence de cet élément au spectateur, et à la troisième la réussite.

C'est une variante d'un simple setup payoff. D
Dans Toy Story, la version très chouette de cette règle est centrée sur la capacité à voler de Buzz l'éclair.

Quand il arrive, il dit qu'il sait voler. Il le prouve en faisant une acrobatie les yeux fermées, mais on voit bien qu'il ne vole pas vraiment. "Tomber avec panache".
La deuxième fois, c'est quand Buzz découvre qu'il n'est qu'un jouet (faire souffrir ses personnages). Pour se convaincre il saute d'un escalier les ailes sorties et... S'écrase. Il ne sait pas voler.
La dernière fois arrive quand il a accepté qu'il est un jouet et ne peux pas voler... Il utilise l'air et ses ailes pour planer. Il ne vole toujours pas, il tombe avec panache... Mais ça marche.

À ce sujet, on peut critiquer le scénario du film sur le cas Buzz.
Comment se fait-il qu'il soit le seul jouet à ne pas savoir qu'il en est un ? Et c'est le cas de tous les Buzz comme on le voit dans le 2. Ma théorie, c'est que le jouet est tellement moderne qu'il a une sorte de blocage mental qui l'empêche d'accepter qu'il est un jouet.
C'est inconscient, ce qui explique qu'il se comporte en jouet face aux humains. Pour moi c'est la seule explication valide mais comme elle n'est pas clarifiée par le scénario ça peut être vu comme un manque.

Side note sur la règle de trois : il y en a une autour de Rex dans le 2
Que je trouve trop cool. Au début du film Rex joue avec Buzz à un jeu vidéo dans lequel il n'arrive pas à défaire l'empereur Zorg (1). Dans la suite du film on le voit faire beaucoup de maladresses, renverser des choses avec sa queue notamment.
Puis dans un magasin de jouets, Rex lit un magazine comment faire pour vaincre Zorg et en voulant le montrer aux autres cause un accident (2).

Puis lorsque Buzz et Zorg, Rex fait une maladresse avec sa queue et renverse Zorg. Il a effectivement trouvé comment vaincre Zorg.
3. Créer de la tension à partir d'un élément anodin.

Le film commence par Woody qui réunit les jouets pour un petit point. Il annonce que le déménagement a lieu bientôt et que chaque jouet doit se trouver un partenaire de voyage pour être sûr de ne pas être oublié.
Cet élément anodin qui permet sur le moment de poser Woody comme leader et attentif au bien être de sa troupe, revient plus tard dans le film comme tension supplémentaire par dessus les autres : il faut d'abord récupérer Buzz et le convaincre de revenir chez Andy,
Puis le sauver de chez Sid, lui faire entendre que la vie vaut la peine d'être vécue quand on est un jouet, et le faire AVANT que la famille d'Andy déménage.

Tout ça c'est de la mécanique d'écriture. C'est cool hein ! Désolé si c'était très long cette fois... Mais ça m'amuse.
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