Savez-vous qui payent les bonus des banquiers ? (Réponse à la fin du thread)

L'activité d'une salle de marchés peut être synthétisée:
1/ achat ou vente d'actifs (actions et dettes d'États et d'entreprises)
2/ vente d'assurance sur les actifs (produits dérivés)

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L'activité d'une salle de marchés consiste donc à acheter et à vendre une multitude de produits dont la valeur est connue à tout moment. Cette valeur est soit donnée par les quotations sur le marché, ou soit calculée par la banque.
Vers fin Novembre, les responsables des salles de marchés se réunissent pour se partager le pactole, appelé "bonus pool". Ce pactole est une fraction des profits, et varie d'une banque à l'autre.
Disons que dans une banque il y a 5 niveaux, entre le trader lambda et le big boss des activités de marchés. Si le trader lambda peut espérer en moyenne une paye de 300000€, le chef de desk tourne autour de 800000€. Le boss d'un département oscille entre 1200000 et 2000000€.
Le chef d'une salle régionale (US, Europe, Asie) peut espérer une paye totale autour des 3 millions d'euros. La personne en charge des activités de marché tourne autour de 10 millions !
Ces chiffres sont très opaques, et presque personne ne les dévoile pour éviter les jalousies en interne. Mais il arrive que la liste des bonus fuite. Ce fut le cas avec les bonus de 2007 des traders de Lehman Brothers, qui sont bien plus élevés que les chiffres annoncés plus haut
Le but de ce thread n'est pas de parler des bonus mais de savoir qui les paye vraiment.
99.999% des gens pensent que ce sont les banques qui payent les bonus. Je vais vous démontrer que c'est faux !
Les bonus sont calculés à partir des profits des activités de trading. Les gens ordinaires s'imaginent que les profits sont principalement constituées des commissions touchées par les banques en tant qu'intermédiaires. Ce n'est que très partiellement vrai.
Les banques prennent aussi des positions risquées qui ne sont pas clôturées au moment où les bonus sont calculés.
Ainsi, on trouve dans les portefeuilles des traders une multitudes de produits, dont certains sont explosifs.
Par exemple, les traders ont peut-être fait des gains sur les produits dérivés qu'ils ont vendus aux clients ou aux autres institutions financières, mais ces mêmes produits peuvent exploser quelques mois après la clôture des comptes.
Prenons l'exemple le plus simple, celui d'une action. Si un trader à acheter des actions Tesla qu'il garde en portefeuille, certes il aura fait beaucoup d'argent cette année, mais il risque aussi de les perdre l'année prochaine. Mais le trader ne devra pas rendre son bonus passé.
Les malus n'existe pas en trading, les bonus sont toujours positifs, nul au pire ! Ce que je raconte là est très abstrait. Je vais vous donner une image avec le cultivateur et l'analyste financier.
Un jour, un analyste financier rend visite à son cousin cultivateur de pommes. En prenant l'apéro, il lui explique qu'il peut tripler ses profits en changeant d'engrais et en optimisant les processus de récoltes.
Pour lui prouver qu'il a confiance en ses prédictions, il lui achète un de ses pommiers au double de son prix ! N'importe quelle personne censée, dira "nous allons voir si cette prédiction va se réaliser, et si elle se réalise heureux sera le cultivateur !".
Cette logique imparable n'est pas celle de la finance. Selon les règles en place, ce ne sont pas les récoltes futures qui décideront du salaire du cultivateur, mais la valorisation de ces pommiers à aujourd'hui.
Selon les règles de valorisation en vigueur, c'est le prix de la dernière transaction qui compte. Or un pommier s'est échangé au double du prix entre le cultivateur et son cousin, donc le verger a doublé de prix selon la logique de marché !
Si le paysan était un trader, il toucherait déjà un bonus extravagant cette année sans attendre les récoltes futures !
Un an passe, les prédictions du financier s'avère complètement fausses, et les rêves du cultivateur s'effondrent. Il ne touchera finalement pas l'argent tant espéré !

Voilà ce qu'il se passe dans la vraie vie. Et que se passe-t-il dans le monde des banques ?
Dans la finance, le trader touche son bonus sur la base des valorisations des produits en portefeuille à la fin de l'année. Il n'a pas besoin d'attendre l'échéance des produits ou de clôturer sa position.
Le bonus une fois touché est bien réel, alors que le futur est incertain.
S'il perd de l'argent l'année qui suit son bonus, le trader ne doit pas rendre l'argent, au pire il n'a que le salaire fixe et 0 bonus. Le salaire fixe d'un chef de desk tourne autour de 400000€... il n'est donc pas à plaindre.
Mais c'est encore plus intéressant quand il y a une crise systémique comme en Octobre 2008 ou Mars 2020. Les portefeuilles très risqués des traders explosent, les pertes se creusent, et les risques augmentent.
Les banques sont en danger, et avec eux l'épargne des gens ordinaires et l'économie du pays. Les dirigeants politiques et monétaires n'ont d'autres choix que d'agir, car sinon c'est toute l'économie qui implose.
En 2008, la spéculation bancaire a cassé l'économie malgré l'aide de l'État. Les dégâts ont été considérables : un trou dans les finances de l'État de 700 milliards d'€ qui s'est traduit par une politique d'austérité : hausse des impôts, et coupes dans les dépenses publiques !
Les #GiletsJaunes, les classes moyennes et le personnel hospitalier et éducatif peuvent en témoigner.
Donc on peut dire que ce sont les gens ordinaires qui ont in fine payé les risques pris par les banquiers pour toucher leur bonus.
Qu'en est-il depuis 2014 et la politique monétaire de la #BCE ? De nombreux hommes politiques et économistes louent l'action de la banque centrale qui se substitue aux banques à coups de milliards d'€ pour alléger leurs portefeuilles des risques qu'elles ont pris.
Or cette politique monétaire venue aux secours des banques et des bonus des traders, provoque une hausse des prix des actions et de l'immobilier. Cela se traduit d'abord par un accès au logement plus cher, ou par des loyers plus élevés.
Mais cela se traduit surtout par une aggravation des inégalités de richesse, qui donne un pouvoir politique et médiatique démesuré à une elite financiarisée.
Donc in fine, encore une fois, ce sont les gens ordinaires qui payent le prix sous une forme plus pernicieuse, à savoir un délitement de la démocratie "populaire".
Voilà ce qui nous en coûte de laisser des charlatans prédire le futur et se rémunérer sur des plus values latentes. Qui peut vraiment connaître le futur ?
En conclusion, que ce soit suite à la crise de 2008, ou soit à la crise de 2020, ce sont toujours les gens ordinaires qui payent les pots cassés. Si vous avez tenu jusqu'à là, vous savez maintenant qui paye les bonus des banquiers !
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