[THREAD] Ce qu'il ne faut *pas* faire quand on est éditeur : une méthode simple et rapide. Comme vous avez pu le remarquer, le week-end dernier, deux séries ont été retirées de l'application @Rocamboleapp. S'en est suivie une petite polémique sur les réseaux.
Je remets en contexte : cet été, j’ai fait appel aux services d’une directrice de collection, par ailleurs très compétente dans son domaine, pour lancer un nouveau genre sur l’app, l’érotique. Celle-ci contacte des auteurs, signe des premières séries.
Le marketing pose une date de sortie, nous préparons la communication. Un peu pressés par le temps, nous finalisons les séries peu de temps avant leur sortie effective. Les séries sont publiées. Les premiers retours tombent, certain dithyrambiques, d’autres un peu moins.
On s’interroge : jamais un genre ne clive autant d’habitude. On relit les séries à tête reposée. Sans tergiversation, ce sont des séries pornographiques. Qu’est-ce qu’on fait si une mère de famille se plaint parce qu’elle a laissé Rocambole dans les mains de son ado ? Panique.
Que faire aussi si Google/Apple, qui ont déjà la main bien lourde quand il s’agit de parler de Coronavirus, tombent sur le contenu (notre app est classée à cet instant +12, ce qui nous met en faute) ? C’est sûr, ils vont supprimer l’app dès qu’ils verront ça.
On supprime les deux séries. Et maintenant ? Voilà la liste de ce que j’aurais dû *mieux* faire en tant que directeur éditorial de Rocambole.
1/ communiquer mieux avec les auteurs concernés : on a agi dans la précipitation, on a pensé avant tout à l’app dans sa globalité, avec toutes les séries déjà présentes, tous les auteurs déjà publiés, et on s’est dits : il faut qu’on réagisse vite. Résultat : une mésentente.
J’ai communiqué avec les deux auteurs avant la suppression, nous avons convenu très cordialement d’une restitution de leurs droits – ainsi que du versement de leur paiement dû à la commande, c’est une évidence mais je le précise quand même. Mais…
… la suppression des titres n’était pas claire dans leurs têtes, même si elle l’était dans la mienne. Mauvaise communication : quand les auteurs voient leurs titres disparaître, ils sont blessés, à raison. Je m’en suis excusé auprès d’eux à de nombreuses reprises, en privé.
2/ je ne peux pas tout faire, mais je dois pouvoir avoir un œil sur tout : ma première erreur a été de ne pas me faire confiance. On s’est dits que ce serait bien de lancer des séries érotiques, parce que « c’est un genre qui plait bien », vous voyez ?
Sauf qu’à la lecture des premiers textes, je ne me suis pas tout senti capable de juger (et Lucy, mon éditrice junior, non plus). Ça me dépassait : trop de sexe cru, trop de descriptions pour moi « choquantes » (oui, je suis un peu vieux jeu).
Mais je me suis dit : « Ce doit être ça que les gens aiment ». Erreur.
Il faut aussi savoir que je me bats sur mille fronts en même temps : je suis directeur édito, mais aussi associé. Je travaille jour et nuit. Je n’ai pas le temps de lire toutes les séries en entier, mais je fais confiance aux éditeurs très compétents qui travaillent avec nous.
D’ailleurs, certains de nos coachs ont tirés la sonnette d’alarme avant publication : trop porno. On a fait remonter l’info. Cette discussion interne est passée sous mes radars. En somme, trop accaparé par trop de dossiers, soulagé par le soutien d’une spécialiste, j’ai merdé.
J’ai merdé parce que j’ai délégué la responsabilité de l’éditorialisation. Car je dois être capable d’avoir un avis objectif sur tout ce qu’on publie. J’aurais dû non seulement mieux m’écouter, mais aussi écouter mon équipe.
Résultat, un cafouillage monumental, un retrait brutal, des auteurs blessés auxquels je renouvelle ici mes plus plates excuses, des menaces de poursuite… bref, un joli bordel.
Je tiens à préciser que, bien sûr, tous les auteurs ont retrouvé leurs droits pleins et entiers sur leurs textes : ils sont libres d’en disposer comme bon leur semble, et j’ai même proposé à certains de les aider à les recaser ailleurs (si on restait cordial dans les échanges).
D’autres textes vont être remodelés pour les expurger des scènes les plus « graphic », et Rocambole va se diriger davantage vers de la romance épicée que vers de l’érotique pur (que moi j’appelle porno, mais je dois avoir une différence d’interprétation avec les spécialistes).
TOUS les auteurs ont été payés, y compris ceux pour lesquels on avait simplement signé le contrat et qui n’avaient pas encore écrit l’intégralité de leur texte. J’ai également laissé la porte ouverte : s’ils voulaient écrire d’autres séries, avec plaisir.
Je me suis excusé mille fois, ce sera donc la mille-et-unième. On a certes merdé collectivement, mais c’est surtout moi qui suis en cause ici. Les choses m’ont échappées. Je me suis laissé dépasser. Cela n’arrivera plus.
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