Cette semaine, le #ThreadLinguistique sera dédié aux subordonnées relatives adjectives, et à leur interprétation sémantique ! Comme révision, évidemment, les thread sur la subordination : https://twitter.com/Gouximan/status/1302966590321942531
... sur la subordination relative : https://twitter.com/Gouximan/status/1305550015734087683
...mais également sur l'adjectif, sont vivement recommandés ! https://twitter.com/Gouximan/status/1231999272750649350
Donc, résumons rapidement. Les subordonnées relatives adjectives ("SRA") sont :

(i) Des subordonnées (donc à structure phrastique).
(ii) Introduites par un pronom relatif (qui, que, quoi, dont, où, lequel...).
(iii) À antécédent nominal.
Ces subordonnées sont dites "adjectives", dans la mesure où elles sont syntaxiquement équivalentes à des adjectifs, avec lesquelles elles se coordonnent :

(1) Un souriceau tout jeune et qui n'avait rien vu
Même, la plupart des SRA peuvent être substituées par des adjectifs ou des groupes adjectivaux, ce qui traduit une continuité de fait entre les structures :

(2a) Les animaux qui mangent de la viande
(2b) Les animaux carnivores / mangeurs de viande
Au niveau sémantique, l'on va même retrouver une opposition entre deux fonctions traditionnelles de l'adjectif. Comparons :

(3a) Les Alsaciens qui boivent de la bière sont obèses.
(3b) Les Alsaciens, qui boivent de la bière, sont obèses.
(Que l'on ne prenne point ombrage de ces exemples ^^ Ils nous viennent de G. Kleiber, et sont canoniques. Ça va faire plaisir à @younoush_ !)
En (3a), on comprend que tous les Alsaciens ne sont pas concernés : seuls ceux qui "boivent de la bière" sont obèses. En (3b) en revanche, la SRA vient en renfort du sens de la phrase, qui renvoie cette fois-ci à tous les Alsaciens, sans en exclure.
L'on retrouve cette opposition avec les adjectifs, et notamment entre la fonction épithète, qui crée des sous-catégories, et l'apposition, qui apporte une précision.

(4a) Les Alsaciens zythologues sont obèses.
(4b) Les Alsaciens, zythologues, sont obèses.
(⏬) https://twitter.com/Laelia_Ve/status/1247404454606970880
On appellera les SRA comme (3a), qui se comportent comme des adjectifs épithètes (4a) des relatives adjectives déterminatives (SRAD) ; celles comme (3b), qui se comportent comme des appositions (4b), des explicatives (SRAE).
I. SRAD

Une SRAD ("Subordonnée Relative Adjective Déterminative") permet de construire des sous-catégories de référents. En (3a) ainsi, dire "Les Alsaciens qui boivent de la bière" suppose qu'il y a une catégorie d'Alsaciens qui ne boivent pas de bière.
Dans ce cas de figure, on comprend qu'il faut saisir le groupe [Antécédent + SRAD] comme une seule entité de sens. Cela implique que le pronom relatif introducteur n'est pas tout à fait anaphorique. https://twitter.com/Gouximan/status/1300411541628628992
Il y a une co-construction référentielle, et non une reprise de l'antécédent par le pronom. Partant, la suppression de la subordonnée entraîne un changement majeur de sens.

(5) Les enfants qui bavardent seront punis.
(5') Les enfants seront punis.
II. SRAE

Une SRAE ("Subordonnée Relative Adjective Explicative") en revanche, est introduite par un pronom relatif totalement anaphorique. Elle ne crée par de sous-catégorie mais vient apporter une précision facilitant la compréhension ("elles expliquent", d'où leur nom).
Là, en revanche, la suppression n'engage pas la compréhension de l'énoncé (et ce même si toute opération de suppression change toujours un peu le sens).

(6) Les enfants, qui sont énergiques, m'épuisent.
(6') Les enfants m'épuisent.
Il y a, enfin, une troisième catégorie de relatives adjectives : les narratives.

III. SRAN

Une SRAN ("Subordonnée Relative Adjective Narrative")... ne peut pas être remplacée par un adjectif ^^;; Bravo, métalangage, bravo... https://twitter.com/Gouximan/status/1272430520643747840
Ce sont des relatives adjectives qui, à l'instar des SRAE, sont introduites par de "vrais" pronoms anaphoriques, mais développent une nouvelle prédication. Elles sont, cette fois-ci, difficilement supprimables :

(7) Je rencontrai Pierre dans la rue, qui me dit que...
Ces SRAN alternent cette fois-ci davantage avec des groupes verbaux, par exemple des participes présents :

(7') Je rencontrai Pierre dans la rue, me disant que...

On comprend alors que la relative sert ici davantage à produire un "rebond" et à prolonger le propos.
(suite ci-après !)
Voici donc la cartographie générale des SRA :

- Elles déterminent (SRAD) des sous-ensembles d'antécédents ;
- Elles explicitent (SRAE) des propriétés d'antécédents ;
- Elles narrent (SRAN) des événements qui concernent les antécédents.
Maintenant, la question qui doit vous animer : comment les distingue-t-on ?! Eh bien...

On sait pas trop 😅

Ou plutôt, disons qu'aucune procédure n'est définitive, et c'est plus un faisceau d'indices qui rend possible l'analyse.
Le problème principal, c'est que les tests fondamentaux pour identifier ces relatives font appel à des opérations de suppression ou d'ajouts, et exigent finalement de faire appel à notre "sentiment de locuteur/de locutrice" plutôt qu'à la grammaticalité des énoncés.
Quant aux autres indices, ils sont au mieux discutables, au pire trompeurs. Je vais en énumérer quelques uns.

- La ponctuation. Comme les exemples (3a) et (3b) le montrent, une explicative est généralement précédée d'une virgule, pour marquer son côté "facultatif".
C'est une norme typographique certes assez souvent suivie, mais quand on connaît l'histoire mouvementée et arbitraire de la ponctuation moderne, on comprend que cet indice n'est pas absolu. https://twitter.com/Gouximan/status/1250012651754831875
Notamment, avant le 19e siècle, il était courant dans les imprimés de toujours mettre une virgule avant un pronom relatif ; et même après cela, comme la ponctuation n'est pas directement liée à la grammaticalité des énoncés, rien ne dit que tel écrit respecte la convention.
- La suppression. Certes, une SRAD ne peut pas être supprimée. Mais cette interprétation est tributaire de la compréhension générale de l'énoncé et du contexte dans lequel on trouve la SRAD, et on peut toujours discuter de la valeur déterminante, ou non, de la subordonnée.
- "Lequel". Pour des raisons complexes, le pronom "lequel" seul ne peut pas introduire de déterminatives :

(3c) Les Alsaciens, lesquels boivent de la bière, sont obèses.

... mais on peut toujours hésiter entre SRAE et SRAN ^^
- L'éloignement avec l'antécédent. Une SRAD, comme elle détermine fortement son antécédent, est contiguë à ce dernier, alors que les SRAE et les SRAN sont plus éloignées.

(8) Je n'aspire qu'à ma tranquillité d'esprit, qui est le but de ma vie.
- Le remplacement du pronom relatif par un pronom démonstratif, qui n'est possible qu'avec les SRAN.

(9a) Je rencontrai dans la rue Pierre, qui/celui-ci me dit...
(9b) Les Alsaciens, qui/*ceux-ci boivent de la bière, sont obèses.
(Cela d'ailleurs montre que les SRAN ne sont pas vraiment des SRA, ni même des SR, mais je ne vais pas rentrer dans cette discussion maintenant ^^)
- L'ajout d'un adverbe comme "d'ailleurs", ou d'une incise type "à ce qu'on dit", qui est propre aux SRAE :

(10) Les Alsaciens, qui d'ailleurs/à ce qu'on dit boivent de la bière, sont obèses.
Toutes ces procédures ne sauraient être des arguments de choix pour identifier "à coup sûr" le sous-type d'une SRA. Ce sera plus la concordance entre plusieurs indices qui permettra l'analyse. En tout cas, je trouve la finesse d'emploi de cette structure particulièrement belle ❤️
J'ajoute également que ces sous-types ne sont pas spécifiques au français : on les trouvait déjà en latin (et les scolastiques du Moyen-Âge écrivaient déjà des traités sur cette question, tant elle est cruciale en philosophie !), et on a la même chose dans d'autres langues.
Ces analyses semblent certes spécieuses, mais elles conditionnent beaucoup notre accès au sens des textes, et peuvent parfois influencer notablement notre compréhension. Savoir donc les repérer n'est pas entièrement gratuit, et peut faciliter la communication !
En tout cas, je m'arrête ici ^^ Pour la bibliographie cette fois-ci, quelques articles, en plus des sources données précédemment.

- Tout d'abord, un article d'Auroux & Rosier (1987) sur l'histoire des types de relatives :

https://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1987_num_22_88_2063
- Ensuite, et dans le même numéro de revue, l'article de G. Kleiber (1987) sur les difficultés de repérage de ces relatives :

https://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1987_num_22_88_2065
- Enfin, et comme cela fait partie de mes propres travaux, je questionne dans un article de 2019 l'association SRA/Adjectif en français classique. PDF sur demande ^^ https://hal.archives-ouvertes.fr/hal-02277565 
C'est tout pour moi cette semaine ! Des bisous, et à bientôt 😘
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