Alerte : nouveau thread sur Rimbaud !

Je donne les mots-clés :
Rimbaud / Verlaine / Voyelles / Apocalypse / Porno / Nazi / @GMeurice/ Robert Faurisson / Troubles mentaux / Surréalisme

(Oui, ça risque d'être un gros bordel...)
On commence doucement.
Rimbaud est devenu Rimbaud GRACE aux surréalistes, qui l'ont repêché des limbes littéraires, comme ils avaient repêché Sade ou Lautréamont.
Si on n’admet pas cela : on ne peut rien comprendre.
C’est-à-dire que les Surréalistes, dès 1918, avaient besoin de figures tutélaires, et ils se sont choisis des ancêtres pour justifier leur quête poético-métaphysique.

Et donc Breton annexa Rimbaud pépère : « Rimbaud est surréaliste dans la pratique de la vie et ailleurs"
Les surréalistes étaient des influenceurs à l'époque : la société a suivie.
Voici un tableau sur les occurrences Rimbaud/Verlaine dans les livres français depuis 200 ans...
L'étoile Rimbaud flambe par-dessus Verlaine, et le dépasse dès 1938...

(Oui, Google sait faire cela)
Mais attention, les Surréalistes n'aimaient pas TOUT Rimbaud :

"Nous négligeons la 2nde partie de sa vie où la marionnette a pris le dessus, où un assez lamentable polichinelle fait sonner à tout bout de champ sa ceinture d’or, pour ne considérer que le Rimbaud de 1871-1872"
1871-1872 : deux ans, ce n'est pas beaucoup dans la vie d'un homme... Mais c'est tout de même assez car c'est justement dans cette minuscule période que Rimbaud écrivit son poème le plus célèbre, et surtout : le poème le plus commenté de la littérature française...
Lequel est-ce à votre avis ?

Le dormeur du val ?

(Ne regardez pas l'image, elle est gore.)
(Vous avez regardé, hein ?)

#PsychologieInversée
Serait-ce Le Bateau ivre ?

(Vous pouvez regarder l'image.)
Eh bien non.
Le poème le plus commenté de la langue française se nomme "VOYELLES".

(Astuce : qu'est-ce qu'une voyelle ? C'est un son que votre bouche peut faire avec de l'air, sans être entravée par les dents, les lèvres, le palais, la langue etc. Sinon, c'est une consonne...)
Bref, il s'agit ici d'un sonnet (14 vers) que Rimbaud composa en 1871/72, dans lequel il donne des couleurs à nos voyelles AEIOU.
Ce poème ne fut publié qu'en 1883, par Verlaine, dans la revue Lutèce. (A cette époque, Rimbaud se foutait déjà de ce qu'il avait écrit...)
Ce qui est chouette, c'est qu'on possède le manuscrit autographe de ce poème, et que c'est toujours émouvant de voir les tracés appliqués de Rimbaud :
Pour ceux qui n'arrivent pas à déchiffrer, voici le texte, plus lisible :
J'en entends au fond de la salle : "Ca m'avance pas beaucoup, je comprends rien à ce poème, il ne veut rien dire."
Vous n'y comprenez rien ? Eh ben bravo : vous êtes comme tout le monde depuis 1883.
On va essayer d'y voir clair...
Cette géniale audition colorée a donné lieu à mille interprétations : biographique, alchimique, maladive, imitative… (Pornographique également.)

TOUT LE MONDE A CRU LE COMPRENDRE MIEUX QUE TOUT LE MONDE. #FIGHT
1. BIOGRAPHIQUE

On a cru que Rimbaud, qui sortait de l'enfance, avait écrit ce poème en souvenir d'un abécédaire qu'il avait eu et dans lequel il avait appris à lire.
2. ALCHIMIQUE :

On a cru (et Rimbaud mentionne une fois l'Alchimie dans le poème), qu'il se vantait de changer les sons en couleurs, comme certains essaient de changer le plomb en or....
#AlchimieDuVerbe
3. MALADIVE

On a cru que Rimbaud était atteint d'un phénomène neurologique (non pathologique), la synesthésie, qui faisait que son pauvre petit cerveau confondait les sons/les couleurs.
4. IMITATIVE

On a cru que Rimbaud imitait/copiait/plagiait Baudelaire, qui avait écrit 15 ans auparavant le sonnet LES CORRESPONDANCES, où il mélangeait les sens.
Bref, on a dit tout et son contraire.
Un homme, un écrivain génial, a réuni en un livre 40 années d'interprétations les plus folles sur Voyelles.
C'est Etiemble, et vous pouvez trouver le livre, qui date de 1968, chez les bouquinistes :
Etiemble avait publié ce livre à la suite d'une énième interprétation bizarre - et cochonne - de Voyelles.

Une interprétation donnée par un prof de lettres qui s'appelait....
ROBERT FAURISSON
Coucou Wikipédia :

"Robert Faurisson, né le 25 janvier 1929 à Shepperton et mort le 21 octobre 2018 à Vichy, est un militant négationniste français."
Faurisson n'a eu qu'une stratégie dans sa vie : provoquer pour être visible.
Avant d'être négationniste, il essaya donc de se faire connaitre en assurant avoir compris mieux que les autres le poème de Rimbaud.
Il publia en 1961 un livre qui agaça tout le monde :
C'est simple : Faurisson, lisant un jour le poème à haute voix, se dit qu'en fait il ne s'intitulait pas
VOYELLES

mais :

VOIS, ELLE

Et que Rimbaud, en fait, nous demandait de regarder LA FEMME

(Et même, comme il dit : "La femme in coïtus"...
La suite arrive dans quelques minutes...
On reprend.

Comme Faurisson n'a pas changé d'avis depuis 60 ans, on peut toujours le voir sur YouTube, et c'est assez bizarre... (avec les sous-titres, c'est drôle)

Donc pour lui :
Le A noir renversé (pourquoi faut le renverser ?) représente le sexe...
"Le E couché (pourquoi???), ce sont les seins"
Le I...
Non, vous saurez pas ce que Faurisson voit dans le I, bande de petits cochons.
Je vais pas vous faire un dessin, comme dit Joey, ça risque d'être censuré dans le clip.
Je vous laisse regarder la vidéo si vous y tenez....
Bref, Faurisson fantasme légèrement sur ce poème, et si vous voulez que je sois plus clair : il y voit une femme qui jouit.
Franchement, moi qui adore l'herméneutique et l'interprétation littéraire (PUB : j'ai écrit quelques livres sur le sujet), j'ai rien contre les interprétations cochonnes, mais là, zut : ça tient pas la route.
Vous le voyez, Voyelles est un poème si bizarre qu'il appelle à l'interprétation, et que ça fait des siècles qu'on cherche ce qu'il veut dire.
Le dernier en date à proposer sa lecture, c'est un chroniqueur de @franceinter, qui me fait marrer tous les matins...
Et c'est Guillaume Meurice @GMeurice, qui a écrit il y a deux ans un roman COSME, sur un type qui cherche le sens du poème depuis des décennies...
Franchement, le livre est pas mauvais, bien documenté, mode polar. Pour Meurice, l'explication du poème de Rimbaud est à chercher dans la bible et dans L'APOCALYPSE.

Ca tombe bien, apocalypse en grec, ca veut dire : Révélation...
Il y a fort à parier que d'autres lectures, d'autres interprétations naissent dans le futur de ce poème. Alors je vais vous proposer la mienne si vous voulez.
Léger stress...
Voilà :
Si vous relisez le poème, vous allez voir que Rimbaud essaie de se justifier avec les sons et les couleurs.
Par exemple, pour le I et le U :

I, pourpres, sang craché, rires des lèvres belles
U, cycles, vibrements divins des mers virides
De telles images vous paraissent sans doute étranges, car si Rimbaud joue sur la forme des voyelles, la raideur de l’I n’a rien à voir avec le “sang craché”, et encore moins avec les “rires des lèvres belles”. Pour tout dire, c’est plutôt l’U qui aurait la forme d’un smiley…
Mais cette voyelle U est elle-même expliquée, dans le poème, allez savoir pourquoi, par de longues assonances en /i"/ = cYcles, vIbrements dIvIns des mers vIrIdes.

Y'a beaucoup trop de i dans un vers qui est censé représenter le u !
C’est assurément un blasphème de le penser, mais il faut craindre que Rimbaud ait interverti ces deux définitions.

Pourquoi ? Peut-être à cause du premier vers, “A noir, E blanc, I rouge, U vert, O bleu…”

l’I vert aurait provoqué un jeu de mots gênant....
Rimbaud n’est pas Bobby Lapointe, et on est très sérieux quand on a 17 ans. Alors, ni vu ni connu, l’I devint rouge, l’U devint vert… Ne riez pas : c’est beaucoup de bruit pour rien, mais ca change tout.
Ca veut dire que Rimbaud se foutait royalement de la couleur qu'il donnait.
De toute façon Verlaine nous avait déjà prévenus : pour lui, le poème était un chef-d'oeuvre, mais c'était aussi une blague que Rimbaud avait fait à tout le monde.
Breton, le chef de file des Surréalistes, n'en pensait pas moins :
"C'est le jour où le sonnet des Voyelles ne sera plus pris au sérieux que l'on pourra parler sérieusement de Rimbaud".
Voilà, fin de ce thread beaucoup trop long.
Si vous aussi vous avez des interprétations de ce poème, si vous pensez savoir ce qu'il veut dire au bout du compte : on vous écoute !

(TOUTES LES IDEES SONT LES BIENVENUES.)

#TheEnd
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