Qu'est-ce que je fais en tant qu'éditrice indépendante ?

Commençons ! Je complèterai sûrement avec vos questions.

Un thread
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La première question que l'on me pose, c'est souvent : comment je suis devenue éditrice.
Donc je vais commencer par là, vu que c'est assez logique chronologiquement parlant.

Je vais commencer par parler de mon parcours :
Moi, j'ai fait une licence d'histoire, un master de recherche en histoire romaine et ensuite seulement j'ai fait un master d'édition.
Celui de la fac de Marne-la-vallée, qui s'appelait "édition livre papier et numérique". C'est très sélectif, 18 places pour 250 candidats.
Pour mon année en tout cas.
Donc d'abord sélection sur dossier, puis épreuves écrites et un oral.

Je n'avais absolument aucun lien avec l'édition avant ça, donc le fait que j'avais déjà un master a dû jouer.
Il faut distinguer deux sortes de master : les master pro' édition, et il n'y en a que 4, tous à Paris (la Sorbonne, Cergy, Villetaneuse, Marne-la-Vallée). Ce sont les plus sélectifs, mais aussi les meilleurs à mettre sur votre CV, bien sûr.
Les autres sont en général des master littérature mention édition, donc moins professionnalisant.
Ceci dit, c'est toujours bien, évidemment, si vous ne pouvez pas monter sur Paris ou que vous n'êtes pas pris.
Mais il n'y a pas que des BAC+5 pour se former à l'édition : il y a aussi des DUT et des licences pro'.
Ceci dit, je n'en parlerai pas plus : je ne les ai pas faits, donc je ne peux pas vous éclairer.
Souvent aussi, on me demande s'il y a des débouchés.
C'est pas la joie ultime, mais ça se trouve.
En fait, le secteur scolaire embauche pas mal (ce sont eux qui font les livres pour les écoles), quant aux autres... il faut se faire sa place.
Pas évident mais pas impossible.
Moi, j'ai toujours su que je voulais me mettre indépendante.
Pour des raisons personnelles : la hiérarchie, les horaires fixes, devoir poser ses 5 semaines de congés payés... Pas pour moi. J'aime bien trop ma liberté. Hors de question d'entrer dans une entreprise, donc.
Je dois préciser que je suis seule à ma charge, j'avais un peu d'argent de côté, et l'aspect revenus de ne stressait pas du tout. Je me disais que, dans tous les cas, je saurai me débrouiller.
Donc je me suis lancée en tant qu'éditrice indépendante, aussi appelée éditrice freelance !

Kézako ?

J'ai ouvert une micro-entreprise sous le statut des autoentrepreneurs.
Et je facture mes missions.

Donc des particuliers ou des maisons d'édition viennent me trouver et me demandent de faire telle ou telle mission pour eux, sur x temps pour x argent.
J'accepte, ou pas.
La grande majorité du temps, ces missions, ce sont de prendre en charge les corrections éditoriales d'un roman.

Donc on m'envoie un roman dont je m'occupe.

Ça, c'est la base, j'ai envie de dire.
Mais, moi, j'ai eu beaucoup de chance :
on est venu me chercher pour des missions plus conséquentes (et donc hyper intéressantes) : gérer des collections.
Si l'essence du travail reste le même (les corrections édito), ça élargit pas mal le champ de mes missions.
Qu'est-ce qu'on fait quand on gère une collection ?

On cherche les manuscrits, d'abord ! On ne se contente pas de les recevoir, mais on doit les dénicher. Moi, j'adore cette partie ! J'aime signer des primo-auteurs, lire des manuscrits.
Mais ça prend énormément de temps.
Vous devez vous rappeler une chose : les indépendants ne sont pas payés pour la lecture des manuscrits. Ils le sont seulement quand ils en signent un.

Moi, j'ai décidé de faire deux tarifs différents pour quand même faire payer le temps de lecture, parce que sinon...
Du coup, je lis des manuscrits.
Quand j'en trouve des géniaux, je les signe.
Ensuite, corrections édito (trois vagues, si vous voulez tout savoir, on pourra en reparler en détails).

Mais ma mission ne s'arrête pas là !
En effet, je suis aussi chargée de la quatrième de couverture (que je fais avec l'auteur, moi, parce que j'essaie d'impliquer l'auteur dans toutes les étapes et toutes les décisions : couverture, maquette, résumé, com', etc.)
Donc on s'occupe du résumé.
Mais je m'occupe aussi de ce qu'on appelle l'argumentaire.
C'est un document à destination des représentants, qui doit nous aider à les convaincre que ce roman c'est de la bombe, qu'ils y croient autant que nous, et qu'ils le vendent super bien aux libraires.
Autant vous dire que l'argumentaire, c'est super important.
On y évoque les thèmes du roman, ses points forts, mais aussi la concurrence, etc. Bref, tous les arguments qui font qu'on a aimé et voulu publier ce roman.
Pour certaines maisons, je suis aussi chargée de trouver l'illustrateur pour la couverture, et c'est moi qui suis en lien avec lui.
Dans tous les cas, le job le plus important d'un directeur de collection - et peut-être celui qui se voit le moins, c'est de donner une ligne éditoriale à sa collection.

Certes, on peut s'en passer, certaines ME font sans.
Mais moi, j'aime bien donner une direction générale à mes collections. Une identité. Ce n'est pas toujours évident, parce que certains manuscrits qui me plaisent ne collent pas toujours - mais comme je gère plusieurs collections, je peux répartir suivant ça, aussi, héhé.
Comment je décide de la ligne éditoriale ?
Déjà, je ne suis pas la seule à décider, forcément, j'ai des "patrons". Donc au moment où on discute de mon embauche, on discute de cette ligne édito, car je refuserai la mission si ça ne correspond pas à mes valeurs.
Certains éditeurs préfèrent une ligne édito basée sur l'écriture, d'autres sur les émotions, d'autres sur les genres, d'autres sur la réputation des auteurs.
C'est souvent un mélange de plusieurs facteurs.
Donc pour moi, c'est un mélange des envies des patrons, de mes envies, et du marché. Parce que oui, il faut que les livres se vendent, sinon, ça ne sert à rien.

En tout cas, si je n'aime pas un roman, je ne travaillerai pas dessus, c'est la base de ma philosophie.
Même si je pense qu'il peut se vendre, même s'il correspond aux attentes de mes patrons.
Je ne veux travailler que sur des romans que je suis prête à défendre, comme j'en parlais sur le thread des sélections de manuscrits.
Je ne sais pas si c'est très clair, mais c'est difficile d'expliquer une ligne éditoriale clairement, souvent on la distingue en ayant lu plusieurs romans de la même collection.
Pour Lynks par exemple, le crédo c'était : des romans divertissants mais engagés. Le plaisir de lire mais avec des problématiques actuelles et profondes, qui font réfléchir. Mais où quand même, il y a vraiment cette notion de plaisir de lecture.
Alors pour moi, les critères d'âge, de genre, de structure de romans, ça n'entre pas vraiment dans la ligne éditoriale, parce que ça a été déterminé avant. Ces critères sont des éléments qu'on choisit au tout début de la collection, mais ne signifient pas grand-chose quant à...
l'intériorité du roman.
Pour moi, une ligne édito, ce n'est justement pas seulement un âge ou un genre. C'est bien plus profond que ça. Et c'est pour ça que ça peut être compliqué d'en définir une - et de s'y tenir.
Donc pour résumer, un éditeur indépendant qui est directeur de collection va :
- donner une direction à la collection
- dénicher des manuscrits
- faire les corrections édito de ce manuscrit
- faire tout le travail autour (couverture, argumentaire, résumé)
Quelle différence entre un éditeur indépendant et un agent ?

D'abord, en général, un éditeur est directeur de collection au sein d'une seule maison. Donc il va dénicher des textes pour cette maison-là et dans l'optique de les publier dans cette maison.
Un agent est ouvert à toutes les maisons du monde et va y proposer un manuscrit en tant que personne extérieure.

Dans mon cas, j'admets que les frontières sont plus brouillées comme je cherche des manuscrits pour plusieurs maisons.
À certains égards, je fais le travail d'un agent, d'ailleurs, notamment quand je vois du potentiel mais pas assez abouti et que je demande une V2 (voire une V3) à des auteurs - sans pouvoir leur promettre une signature.
Seulement, moi, contrairement aux agents, je serai toujours limitée aux maisons qui me payent pour trouver des manuscrits. Je n'enverrai pas votre manuscrit à une maison pour laquelle je ne bosse pas, forcément.
Ceci dit, j'adore cet aspect de mon métier (l'aspect agent) donc qui sait, peut-être que je finirais par y basculer complètement !
Puisque je dois aussi choisir la bonne maison pour le texte, entre les maisons pour lesquelles je bosse.
Qui et comment peut-on faire appel à un éditeur indépendant ?

Moi je travaille surtout pour des maisons donc, qui viennent me chercher quand elles ont besoin de moi (elles me connaissent souvent de réputation, donc j'ai eu la chance de n'avoir envoyé aucun cv, jamais haha)
Néanmoins, les particuliers peuvent aussi faire appel à un éditeur indépendant (y compris moi, donc) !

Dans quels cas ?
- les auto-édités.
Pour moi, c'est même indispensable dans ce cas-là. L'auto-édition, absolument, mais de manière pro'. Donc, on fait appel à un éditeur pro'.
Parce qu'on ne peut pas, en tant qu'auteur, remplacer un éditeur. On ne peut pas être objectif sur son texte.
Donc je conseille très vivement à tous les auto-édités de se pencher sur la question et de faire appel à un éditeur indépendant pour des publications de qualité.
- des gens voulant un regard professionnel sur leur manuscrit avant de le soumettre à l'édition.

Là, ça ne sera évidemment pas le même travail, puisqu'il s'agit de rendre le texte assez abouti pour le présenter, et maximiser ses chances d'être publié.
Du coup il existe plusieurs formules :
- une lecture avec un compte-rendu sur les points faibles
- une lecture plus détaillée avec un compte-rendu à la fin de chaque chapitre (ce que je conseille en général)
- une lecture extrêmement détaillée, phrase à phrase
Tout dépend de ce que vous attendez et du prix que vous êtes prêt à investir, évidemment.

Comment trouver un éditeur pour ce genre de travail ?

Certains ont des sites. Il faut évidemment faire attention et bien vérifier le CV et les expériences de ce dit éditeur.
(parce que quand je vois certains qui se proclament éditeurs, mais qui n'ont qu'auto-édités quelques romans... Je rappelle qu'être éditeur, c'est bosser sur les romans des autres, quand même. Et avoir fait une formation, c'est quand même mieux)
Bref, donc vous les trouvez par le biais de leur site, ou alors sur les RS.
Moi je n'ai pas de site par exemple, parce que je travaille encore assez peu pour des particuliers. Mais si on me contacte et que je suis libre, c'est quelque chose que j'aime bien faire !
(si je ne suis pas dispo', je vous recommande @Agnes_Marot comme éditrice indépendante, pro' et bienveillante !)
À la question : est-ce que les ME sont plus attentives aux romans proposés par les agents, je vais être honnête. Je n'en sais rien. On n'a encore trop peu de recul et d'expérience avec les agents.
J'ai envie de dire oui, car les manuscrits ont été présélectionnés, mais...
Mais beaucoup de ME n'ont peut-être pas encore assez l'habitude de travailler avec des agents.
Moi en tout cas, j'y suis totalement ouverte !
(mais je lis quand même en grosse priorité les pitchs qui m'ont tapé dans l'oeil)
Si vous êtes intéressés par les services d'un éditeur indépendant, n'hésitez vraiment pas à MP : je donne mes tarifs sans problème et je comprends totalement si c'est trop cher pour vous :)
Ah, on m'a demandé comment je trouvais mes romans :

- je vais chercher auprès d'auteurs que j'apprécie
- je fais des speed-datings
- je zone partout, à l'affût (forums d'écriture, RS) et ça m'arrive de contacter un auteur quand quelque chose m'attire ou m'intrigue.
Oui, par exemple, quand je vous ai proposé la soirée pitchs, j'ai évidemment noté quelques pitchs qui m'intéressaient pour suivre l'évolution de ces romans et proposer à ces auteurs de me l'envoyer quand il sera terminé.
J'accepte aussi facilement qu'on vienne me pitcher en salon. Parce que c'est une rencontre direct, qui me permet de rencontrer l'auteur et de voir comment il parle de son histoire. Parce que c'est rapide donc je ne perds pas de temps, aussi.
Quant au reste...
On peut toujours venir me pitcher en MP. Mais il ne faudra pas se vexer si je ne réponds pas : je peux être occupée, ou pas intéressée, et je n'ai pas forcément le temps de répondre à du pitching sauvage. Ceci dit, je ne suis pas fondamentalement contre.
Est-ce que je n'aime pas certaines parties de mon travail...

Je réfléchis. Mais je ne crois pas, en fait.
J'aime dénicher des textes, soutenir des auteurs, j'aime améliorer les textes, j'aime les mettre en valeur...

Je sais, ça paraît faux, mais j'aime tous les aspects ! haha
Ah, si, peut-être un truc :
je fais trois lectures, et la dernière c'est la globale pour fignoler, c'est la partie que j'aime le moins, parce qu'en général, on en a un peu marre du texte à ce stade-là tellement on l'a vu, haha.
Alors comment j'arrive à vivre décemment de l'édition ?
Car les manuscrits comme les salons, c'est ponctuel. Ça peut rapporter assez au final, mais c'est dilué et on ne sait pas quand ça va tomber.
Pourtant, oui, je gagne assez bien ma vie - enfin pour mes standards = plus que le smic.

En fait, c'est aussi parce que j'ai des missions fixes de communication pour plusieurs maisons (qui se recoupent avec mon activité de directrice de collection ou pas).
Ça me permet d'avoir un minimum par mois, donc du coup je suis assez tranquille. Et en plus ça me permet de varier les missions, j'aime cette polyvalence et de pouvoir suivre un livre de A (le trouver) à Z (sa promotion après sortie).
Si ça vous intéresse, je pourrais vous parler de cet aspect communication, qui n'est pas directement lié à mon boulot d'éditrice (mais un peu quand même), que j'aime aussi beaucoup !
Comment j'ai construit ma réputation ?

J'ai fait des stages pendant mon master : uniquement des stages dans de petites maisons de l'imaginaire, parce que je savais que je voulais me spécialiser là-dedans, malgré les doutes de mes profs.
Ces maisons-là faisaient des salons. J'ai donc passé beaucoup de temps en salon, à bosser, mais aussi à me présenter et à discuter - c'est comme ça que j'ai rencontré mes premiers employeurs. Qui m'ont employée avant même la fin de mes études.
Et là je remercie particulièrement les @EdChatNoir, @MathieuGuibe et Cécile, puisque j'ai donc fait deux stages chez eux, que c'est eux qui m'ont fait rencontré beaucoup de monde - Mathieu m'a vendue à d'autres éditeurs notamment. Donc coeur sur vous !
Donc il faut bien s'entourer et surtout oser : oser aller se présenter et se vendre.
Après, je suis une bosseuse, je sais ce que je fais et j'aime ce boulot. Je pense que ça se sent aussi.
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