Pour les étudiants (et les autres) brève réflexion juridique sur la ‘peine de mort’ :
Un récent sondage montre qu’une majorité de Français est pour le rétablissement de la peine de mort.
Et si, aujourd'hui, « être pour ou contre la peine de mort » n’avait plus de sens ? 1/13
R. Badinter a dans son combat abolitionniste synthétisé ce qui dans la peine de mort était contraire à l’humanité et rappelé la tradition abolitionniste en France (Hugo/Jaurès/Camus). Dans son discours de 1981, il met en avant en particulier quatre arguments : 2/13
- la pdm n’est pas dissuasive car les pulsions criminelles ne sont pas intimidées par la mort
- il n’y a pas de lien entre pdm et baisse de la criminalité sanglante
- la pdm constitue une justice d’élimination dont les erreurs sont irréversibles 3/13
- la peine de mort supposerait des individus dont la culpabilité est totale et une justice infaillible.
Pour R. Badinter, la peine de mort se pose avant tout en termes de choix moral 4/13
Par ailleurs, il serait difficile de rétablir la pdm car la France est liée à la CEDH et au pacte internat. relatif aux droits civils et pol. (1966), qu’il faudrait alors dénoncer. Ce n’est certes pas une « impossibilité juridique » mais plutôt une impossibilité politique 5/13
Mais à ces arguments, il faut ajouter un point important : la peine capitale n’est aujourd’hui plus en adéquation avec notre conception de la peine.
Sous l’Ancien Régime, la peine de mort se justifie pour des raisons juridiques et politiques : 6/13
Sur le plan juridique, exécutée en public sous la forme d’un spectacle judiciaire, la peine de mort correspond au but d’exemplarité et d’intimidation que l’on assigne à la peine (JM Carbasse). Le meilleur exemple de cette vision de la peine est le « pilori » 7/13
Sur le plan politique, s’appliquant le plus souvent à des individus en marge, la peine capitale se justifie par le pouvoir du roi de donner sa grâce (lettres de rémission) et de contrôler ainsi les juges royaux et seigneuriaux (C. Gauvard) 8/13
La peine de mort et la grâce illustrent que sous l’Ancien Régime, la justice et la miséricorde sont les deux faces d’une même médaille : c’est le sens de l’adage : « tout homme qui tue est digne de mort, sauf s’il n’a lettre de prince » 9/13
A l’époque contemporaine (XIXe-XXe), le bouillonnement des doctrines pénales et l’importance de l’influence du courant de la « défense sociale nouvelle » ont fait évoluer notre conception de la peine : 10/13
la sanction ne recherche plus à terrifier et à intimider par l’exemple, mais la personnalisation et l’individualisation pour permettre la réinsertion 11/13
C’est dans ce contexte qu’a lieu une évolution importante: en 1939, on décide que la peine de mort n’est plus exécutée en public. C’était, techniquement, priver la pdm de sa substance mais aussi la preuve de la déconnexion progressive de la pdm avec notre vision de la peine 12/13
En conclusion, il n’y a plus de sens à se demander aujourd’hui si on est « pour ou contre la peine de mort » : elle ne peut être rétablie car son application n’aurait pas de cohérence au regard des principes qui régissent la peine dans notre droit 13/13
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