Vendredi c’était la sortie de l’album de . Rappeur « underground » depuis une petite dizaine d’années, il a pris un coup de projo avec PBB et a profité d’une énorme montée de hype pour son nouvel album.

J’ai dit ce que je pensais de l’album musicalement et je le remets ici vite fait : bon album mais terriblement répétitif et ne parvient pas à être percutant sur une telle durée. De bons feats qui rendent à César ce qui lui appartient.

Maintenant go sur deux choses qui m’intéressent beaucoup autour de cette sortie : la com qui a été organisée mais aussi la question de la responsabilité journalistique dans le cadre des propos tenus par .

Le projet de a bénéficié d’une com énorme. Et c’est logique : on met un produit sur le marché, on communique dessus. Maintenant essayer de faire croire, après la sortie, que cette com n’a pas existé est un mensonge – encore plus ici.

Tous les médias rap, sans exception, annoncent et relaient tout ce qui concerne la sortie de l’album. La moindre rumeur, image, déclaration bénéficiait d’une exposition sans commune mesure avec d’autres artistes, même mainstream.

Communiquer en utilisant ses fans (y compris dans les médias) reste de la com. Et n’est pas le premier à tenter ce coup de « sans com » (PLK, Damso…). C’est au mieux ridicule, au pire mensonger, et définitivement pas gage de qualité contrairement à ce qui semble admis.

Mais le vrai problème est : l’idée de censure. La com de a beaucoup joué sur cette idée. On a même vu quelques ponts foireux créés entre lui et B2 début 2000. Le souci est que c’est un énorme mytho avec des vraies conséquences.

En s’affichant comme censuré, (et son équipe) activent la pire partie de son public, celle qui va rire de l’idée que « les juifs » se sont organisés pour le boycotter, qu’on cacherait une vérité etc. Bref du complotisme antisémite de base.

Mais comme pour un Zemmour : la censure est telle qu’on a vu tout le monde parler de , il a littéralement saturé les médias rap. A aucun moment, aucun endroit, n’a été censuré. Et finalement sa com était surtout basée sur l’excitation de sa fanbase 18-25 – jusqu’à RT Le Pen.

Et si ça me pose un souci en tant qu’individu ce qui me gêne surtout c’est l’incapacité à discuter cette com. Rien d’étonnant à ce que ne rende pas visible sa tactique, c’est par contre le rôle des médias, a fortiori au vue des enjeux.

Car il faut s’arrêter sur le problème central avec X et depuis des années : son univers, basé sur le complotisme, est saturé de références antisémites mais aussi homophobes. Libre à chacun de juger si ce genre de propos est tolérable dans une œuvre artistique.

Ce qui est impardonnable c’est de ne jamais en parler, de faire comme si cela n’existait pas ou, pire encore, de le valider comme une preuve d’un certain génie irrévérencieux (cc Vald). Comment parler de sans l’évoquer alors même que ces questions sont au cœur de son rap ?

Prenons une vidéo sortie le même jour que l’album. On y évoque toutes les références de mais sans jamais poser de mots dessus. Le vice est poussé jusqu’à utiliser une photo nazie détournée mais le mot est toujours absent.

Prenons un exemple encore plus concret. Toujours dans cette vidéo, on évoque l’appel de à la peine de mort pour les pédophiles. S’en suit un petit best of de ses punchs allant dans ce sens… « Peine de mort pour les pédérastes ». Et rien.

Un média se trouve ainsi à propager une phrase incitant à la haine contre les personnes homosexuelles, sans TW, sans discussion, rien. Et 0 débat : pédéraste est un terme utilisé ouvertement pour viser les gays en tant qu’ils seraient pédophiles.

Il faut citer cette phrase oui. Mais il faut impérativement en expliciter les ressorts – il en va de notre responsabilité en tant que média. Sans cela on soutient et on propage un propos homophobe infâme.

Et évidemment ce propos s’étend à l’ensemble des phases antisémites de l’album. Refuser d’évoquer ce point c’est refuser de faire son travail. On peut apprécier cela ne dispense en rien de faire ce travail – Yerim l’a fait sur l’after rap.

Il n’y a pas à porter de jugement, soit. Il y a par contre nécessité d’analyser ce que dit un artiste, à fortiori quand les propos sont des propos discriminatoires systématiques et jamais cachés. On ne parle pas d’une simple référence.

Ce qui s’est passé autour de la com de c’est une banalisation de propos et d’idées qui n’ont aucune raison de l’être, c’est un abandon collectif de responsabilité. Et probablement qu'un manque de culture (rap et générale) d’une partie des auditeurs de n’aide pas.

Il ne sort pas de nulle part, ses idées non plus. Et décrire son univers nécessite de décrire ces sources, depuis le panafricanisme jusqu’au complotisme YT en passant pas Kemi Seba. Ce que dit est politique, le bon comme le mauvais -PDM en est le meilleur exemple.

Alors j’espère bien pouvoir lire, demain, des articles de critique de l’album qui prennent en compte cette dimension, qu’elle soit discutée. Parce qu'être amateur d'une musique exige de nous qu'on la regarde droit dans les yeux.