Petite application de la loi de Brandolini. Voici un graphique que je viens de voir tourner, et qui est à la fois malhonnête et à côté de la plaque pour tout un tas de raisons, mais ça prend beaucoup plus de temps à debunker qu'à faire tourner.

Thread.
1-Le graphique compare la variation (la dérivée première) d’une partie de la performance de l’investissement (les dividendes) au lieu de mesurer le revenu du capital (par rapport à l’investissement de départ) avec le revenu du travail.
C’est comme si une voiture W va de 100 à 101km/h, tandis que la voiture K va de 100 à 102km/h. L’accélération de la voiture K est 200% celle de la voiture W, et je compare ça au 1% de la voiture W. C’est complètement con.
2-Ensuite il ne prend en compte que les dividendes. Pratique puisque les gains sur le capital, eux, sont beaucoup, beaucoup plus aléatoires et volatils (sans e).
Le CAC est aujourd’hui à 5000, il était à 2000 en 1990, le revenu du capital a donc cru de 3% par an en moyenne. Hors frais de gestion.
3-La date de départ: 2003, sortie de la crise internet, les entreprises font moins de bénéfices voire des pertes et se restructurent. Donc faibles dividendes en amont d’une période faste où les dividendes vont remonter.
Effet d’optique pratique quand on a de mauvaises intentions et que l’on veut faire croire que les actionnaires et les patrons se gavent sur le dos des salariés.
Mais ce n’est pas tout. Il est malhonnête mais aussi à côté de la plaque :
1-Des entreprises qui paient des gros dividendes sont une très mauvaise nouvelle pour une économie : ce sont des entreprises dans des industries « matures »
où il y a peu de croissance et peu d’investissement intéressants. Les dirigeants redistribuent les gains aux investisseurs. L’économie française est une « vieille » économie.
A titre de comparaison, les dépenses en R&D de Amazon sont passées de $1.2bn à $35.9bn en 10 ans. +45% par an. Et Amazon n’a jamais payé de dividende. https://twitter.com/JonErlichman/status/1285628647609638915
2-Léon Blum avait dit : «Tandis que la règle du capitalisme américain est "permettre aux nouvelles entreprises de voir le jour", il semble que celle du capitalisme français soit "permettre aux vieilles entreprises de ne pas mourir" ».
La France est enfermée dans le dirigisme et la connivence pour protéger ses « fleurons » aux dépens des petites entreprises qui n’ont pas (ou peu) d’investisseurs institutionnels pour les aider à se développer.
3-Enfin Il est aussi à côté de la plaque parce que la rémunération du travail en France sur les 20 dernières années, contrairement à la rémunération du capital, varie très peu, mais ne fait qu’augmenter. Certes pas beaucoup, un peu plus de 2% par an.
Lorsqu’on vieillit, on gagne en expérience et le salaire augmente plus vite que le salaire moyen (à moins de travailler au SMIC toute sa vie).

Et tout ceci se passe dans un contexte d’intervention délirante de la BCE pour relancer les marchés actions européens.
On peut trouver d’autres raisons pour souligner la nullité de la réflexion derrière le graphique, mais c’est déjà assez long comme ça.

Fin.
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