Quand on pense aux héros africains de l’indépendance on cite souvent - à juste titre - Jomo Kenyatta ou Patrice Lumumba, mais rarement des héroïnes. Pourtant, de nombreuses femmes ont contribué à la lutte contre le pouvoir colonial au péril de leur vie

Dès les prémices du processus de colonisation, on remarque que des reines ont tenté - souvent militairement - de maintenir l’indépendance de leur royaume. C’est le cas, par exemple, de la reine Nzinga d’Angola (1583-1663) ou de Muhumusa (?-1945) en Ouganda. Alors que la (...)

colonisation s’accélère, les exemples se multiplient à l’image de la reine Ranavalona III de Madagascar (1861-1917) qui tint tête au général Gallieni. Pensons aussi à Yaa Asantewaa (1840-1921), une reine Ashanti (Ghana) qui mena une guerre contre les Britanniques de 1900 à 1902.

Les reines et politiciennes n’ont pas eu le monopole de la résistance, puisque de nombreuses femmes du peuple ont eu un rôle actif dans ce domaine. Ainsi, en 1933, des centaines de commerçantes togolaises ont manifesté durablement contre une hausse spectaculaire des impôts (...)

obligeant le pouvoir colonial à faire marche arrière. La marche des femmes de 1949 est un autre exemple notable de protestation féminine puisque pas moins de 4000 Ivoiriennes ont marché sur la prison de Grand-Bassam pour réclamer la libération de leaders indépendantistes.

Certaines de ces femmes du peuple participèrent activement aux conflits militaires. Citons les fameuses Amazones du Dahomey (Bénin), qui formaient une armée d’élite qui lutta contre les Français à la fin du XIXe.

Autre exemple, les femmes représentaient 50% des membres de la guérilla camerounaise en 1955. La décolonisation des territoires portugais ayant été particulièrement violente, on y trouve aussi beaucoup d’exemples de combattantes.

Ainsi, le Frelimo (Front de Libération du Mozambique) avait créé des troupes féminines soumises aux mêmes entraînements que les hommes. Josiane Machel (1945-1971), l’épouse du leader du Frelimo, fut elle-même capturée et torturée.

Comment, dès lors, expliquer la faible médiatisation de ces héroïnes ? La faute échoit autant aux colonisateurs qu’aux ex-colonisés. Les Européens ont préféré taire la participation des femmes aux guerres coloniales, car se battre contre le sexe faible était considéré comme peu

glorieux. Quant aux intellectuels et héros de l’indépendance, ils ont eux aussi bien souvent minimisé la participation de leurs sœurs aux combats. Ainsi, Félix Houphouet-Boigny se montra méprisant envers la marche des Ivoiriennes de 1949, qualifiant ces femmes de (...)

« grandes amoureuses venues chercher leurs maris n’ayant eu aucun rôle dans le processus de décolonisation ». Quand il n’est pas nié, leur rôle est minimisé. Ainsi, la Congolaise Marie Muilu (1885-1959) fut pendant longtemps réduite au rôle d’épouse de Simon Kimbangu, le père de

l’indépendance du Congo belge. Or, il se trouve qu’elle eut un rôle actif dans la propagation du discours anticolonial et l’organisation de la résistance. D’ailleurs, une fois l’indépendance acquise, on incita les femmes à retourner dans leur foyer, alors que dans l'Afrique (...)

précoloniale, nombreux étaient les peuples qui accordaient à vrai rôle politique aux femmes. Par exemple, la militante algérienne Djamila Boupacha (1938-), icône de la résistance pendant la guerre d’Algérie et victime de tortures, fut écartée de la scène politique une fois (...)

l’indépendance obtenue. Dans les années 50 et 60, une poignée seulement de femmes subsahariennes parviennent à se faire élire, à l’image de la députée malienne Aoua Keita (1912-1980) en 1959. Les années 70 voient une amélioration certaine, cependant il faudra attendre (...)

2006 pour qu’une femme soit élue à la tête d’un État africain, en la personne de la Libérienne Ellen Johnson Sirleaf.

Ce thread (qui n’aborde que de façon succincte le sujet) résume une interview de l’historien Elikia M’Bokolo dans le numéro de janvier 2012 du magazine l’Histoire sur les femmes dans les sociétés coloniales. Pour plus d’infos