THREAD : UNE HISTOIRE DE L’ISLAM EN CORÉE

Les géographes arabes avaient très tôt connaissance de la Corée bien qu’incertains de sa "nature" : certains disaient par exemple qu’il s’agissait d’un archipel de plusieurs îles plutôt que d’un pays. C’est le cas pour al-Idrisi, et ça se remarque dans sa carte du monde connu

Ibn Rustah, dans son Kitab al-A‘laq al-nafisa écrit : "il y a un pays à l’extrême fin de la Chine qui s’appelle Silla, et qui abonde en or..."

La croyance que la Corée était un archipel d’îles a perduré chez les musulmans durant des siècles, tout comme son nom de "Silla" qui est le royaume ayant unifié la Corée mais qui s’éteint définitivement en 935, remplacé par la dynastie Goryō.

Pourtant, "Silla" resta le nom donné à la Corée par les musulmans ; cette contrée, éloignée du monde islamique, resta longtemps l’objet de mystères et d’incertitudes.

Toutefois, une présence islamique en Corée est très tôt relatée par les historiens musulmans de l’époque.

Selon un recensement daté de 760, il y avait à cette époque 4000 familles arabes qui vivaient à Chang’an, la capitale de la dynastie Tang en Chine. Il faut savoir que les relations commerciales étaient alors florissantes en Asie de l’Est et beaucoup de musulmans

furent convaincus de s’installer dans ces contrées éloignées, parmi lesquelles... la Corée.

Ibn Kurdadbih écrit en 847 à propos de la Corée : "les Musulmans qui y allèrent furent fascinés par le bon climat et finirent par s’y installer pour de bon. Il n’y a aucun moyen de savoir ce qu’il y a plus à l’Est..."

Al-Mas‘udi, lui, explique que beaucoup des musulmans y vivant viennent d’Irak et ont fait de la Corée leur lieu de vie définitif car ils ne veulent pas partir.

D’autres historiens racontent même que des partisans d’Ali -qui deviendront les chiites- ont fui les persécutions des Omeyyades après l’arrivée au pouvoir de Mu3awiyya et ont trouvé refuge sur l’île d’Hainan en Chine ainsi qu’en Corée. (cf. al-Nuwairi, al-Maqrizi)

L’air y est frais, la terre est riche, l’eau pure... bref, tous les musulmans posant un pied en Corée ne veulent plus partir. Al-Idrisi disait qu’à Silla, même les chiens et les singes portaient des colliers d’or..

Dans l’imaginaire des historiens et géographes musulmans occidentaux, la Corée est un fantasme, un des endroits les plus plaisants au bout de ce bas monde.

Quelques turcs, progressivement islamisés depuis la bataille de Talas en 751 vinrent aussi en Corée les siècles qui suivirent, surtout durant l’hégémonie mongole.

D’ailleurs, le général Gao Xianzhi combattant les musulmans en 751 était d’origine coréenne.

Ce sont surtout les turcs qui constituaient la Oumma en Corée. En dehors des sources arabes, nous avons peu d’informations fiables sur ce qu’il est advenu des premiers arrivants du Moyen-Orient et qui finirent probablement par s’assimiler ; nous en savons mieux sur les turcs

Plus globalement, les musulmans ont directement eu une influence sur la Corée de l’époque..

Après avoir pris le contrôle de la Chine, les Mongols ont invité des astronomes musulmans à Pékin pour corriger les erreurs qui s'étaient glissées dans les calculs chinois des mouvements du soleil, de la lune et des étoiles.

Le gouvernement coréen a ensuite envoyé ses propres astronomes à Pékin pour apprendre de ces musulmans, qui étaient les pionniers de la science à cette période...

La Corée a continué à utiliser le calendrier élaboré par les musulmans jusqu'au XVIe siècle, lorsque des missionnaires chrétiens ont apporté des techniques de calcul encore plus avancées en Asie de l’Est.

La communauté musulmane en Corée disposait de plusieurs mosquées et les privilèges accordés aux musulmans par les mongols de la dynastie Yuan qui dominait alors la Corée des Goryō leur permit de se développer de façon prospère.

Certains notables musulmans étaient même invités aux fêtes, cérémonies royales jusqu’au début de la dynastie Joseon (qui renversa Goryō). Les premières chroniques de la dynastie Joseon (조선왕조실록) relatent d’ailleurs cette présence islamique dans le cercle royal.

Selon l’historien Lee Hee-Su, les hommages faits au roi Sejong par les musulmans étaient des récitations du Qur’an, probablement de la Sourate al-Mulk.

Malheureusement, c’est sous ce même roi Sejong que prend fin l’épanouissement de la communauté musulmane en Corée...

Eux qui disposaient d’une place privilégiée sous le rayonnement des Mongols qui n’ont désormais plus aucune influence sur la couronne coréenne, subissent les réformes de l’État.

En 1427, le roi Sejong ordonne à la population musulmane de retirer leurs vêtements traditionnels,

fait fermer leurs mosquées et les force à se conformer aux normes confucéennes. Après ces strictes réformes, les musulmans coréens disparaissent des archives historiques pendant plusieurs siècles, après des années de coexistence.

Au 20è siècle, la Corée connaît une revivification de son héritage islamique perdu. À cette époque, la Corée est un protectorat de l’Empire colonial du Japon, qui accepte d’accueillir dans les années 1920 des centaines de musulmans de Kazan ayant fui le pouvoir soviétique.

Ils s’installent à Séoul, Busan et Daegu et achètent un bâtiment qu’ils transforment en mosquée. Protégés par l’empire du Japon, ils fuient la Corée après la seconde guerre mondiale à cause des tensions et des troubles qui y régnaient. Ils migrent soit aux USA, soit en Turquie.

Durant la colonisation, une communauté de coréens s’était installée en Manchourie. Ceux-ci, inspirés par l’attitude des musulmans locaux, décident de se convertir.

Certains reviennent en Corée après la WW2, parmi lesquels ˋUmar Kim Jin-kyu and Muhammad Yoon Doo-yong, qui fondent la Société musulmane coréenne en 1955.

Les troupes turques, présentes depuis cinq ans dans la péninsule, favorisèrent l’émergence de cette communauté musulmane, avec l’aide notamment des imams Abdurrahman et Zubercoch

Les soldats turcs étaient alors réputés durant le conflits pour prendre soin des orphelins et ça a même donné un film basé sur une histoire vraie, "Ayla" en 2017

Les premiers pèlerins coréens eux, furent ˋUmar Kim et Subri Su jung-kil, qui accomplirent le Hajj en 1959

Quant à la Corée du nord, l’ambassade iranienne possède une mosquée à Pyongyang, et c’est l’une des rares mosquées au monde où prient ensemble chiites et sunnites (diplomates indonésiens, malais...)

Je me suis principalement concentré sur l’histoire médiévale plutôt que moderne (post-1950), sinon ça aurait été trop long