Géraldine, il faut que je vous explique. Asseyez-vous.
En citant, à dessein j'en suis certain, un étudiant de 1964 lorsqu'il parlait d'une "aristocratie des lecteurs", permettez que je le cite aussi, en affirmant que vous venez de vous offrir un "droit de mépris".
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Pourquoi ? Car votre raisonnement, aussi paré de jolis mots soit-il, n'observe que par le prisme de votre propre ressenti. Sur ce point, hélas, il vous a manqué, Géraldine, ce qui fait qu'un auteur est un bon auteur : l'empathie. Et si vous l'aviez eue, vous auriez compris :
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Nombre de lecteurs tombent dans le bain de la lecture par souffrance : la souffrance que leur déverse un quotidien qu'ils n'aiment pas, ou peu, qu'ils fuient, qu'ils cherchent à comprendre, qu'ils cherchent à aimer, qu'ils cherchent à intégrer.
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Voyez-vous, Géraldine, toujours, l'on entre dans la demeure de la lecture seul. Cette demeure, on la découvre seul. On y vit seul. On l'apprécie seul. Et si, la plupart du temps, c'est une sensation fort agréable, soustrait comme nous le sommes au tumulte du monde,
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il arrive qu'un roman soit si puissant, si beau, que ce dernier engendre dans la vie d'un lecteur un véritable point de bascule, tant et si bien que naît l'idée - qui vous paraît étrange, malsaine - de vouloir partager cette émotion,
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naît l'idée de briser, le temps d'une photo, rien qu'un temps, cette solitude pourtant heureuse que la lecture impose, car en la brisant, on brise aussi et surtout la solitude malheureuse qui, jadis, nous a porté jusqu'à la lecture elle-même.
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L'aristocratie des lecteurs, je crois pouvoir dire, sans aigreur aucune, que vous en êtes, Géraldine. Si le lecteur le pouvait, je gage qu'il serait en train de préparer ses chroniques littéraires pour les diffuser à la radio. Il ne peut pas.
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Car il n'appartient pas à l'aristocratie.
Le lectorat, c'est le nombre, c'est la masse, c'est le populaire. Quand le populaire, qu'on n'entend pas, qu'on n'écoute pas, est privé des privilèges de l'aristocratie pour s'exprimer, il trouve lui-même son moyen d'expression.
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Son moyen d'expression se pare d'une esthétique qui vous déplaît ? Il faudra faire avec, je le crains, car lui fait avec la vôtre depuis toujours.
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Vous savez, nous ne lisons pas tous pour flatter notre matière grise. Nous lisons aussi, parfois, parce que le livre est plus qu'un livre : il est une présence. Et, par ce fait, il gomme les contours d'un corps trop étroit, trop seul aussi, pour laisser déborder, un peu,
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une âme devenue trop grande pour lui. Quand les âmes débordent, elles ont besoin de communiquer. Alors Géraldine, au lieu de juger cette pratique à l'aune de l'image et de l'amour de soi, il eût été judicieux de la comprendre autrement : un besoin de rencontrer l'autre.
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