1- Nouveau thread ! Je profite de ce thread du @ChatSceptique ( https://twitter.com/ChatSceptique/status/1300798775217262598)">https://twitter.com/ChatScept... pour rebondir sur l& #39;Evidence-Based Teaching (EBT). Effectivement, comme il le souligne, c& #39;est "un gros dossier".
2- Déjà, commençons par nuancer le diagnostic général du @ChatSceptique ( https://twitter.com/ChatSceptique/status/1300798776836317189).">https://twitter.com/ChatScept... Certes, c& #39;est un problème, et on peut même aller plus loin en ce que ça concerne d& #39;ailleurs pas que les profs (de tous niveaux), mais aussi les vulgarisateurs, et même les parents.
3- En effet, nombreuxses sont les parents qui souffrent du terrible syndrôme dit "de l& #39;expert éducatif" : "je suis allé à l& #39;école, j& #39;ai vu des profs dans ma vie donc je sais ce que c& #39;est que d& #39;enseigner". Alors, que, bon, en fait non, ça marche pas comme ça.
4- Mais il y a une nuance importante à faire : les profs ont une forme d& #39;expertise de ce qu& #39;iels font dans leur classe. C& #39;est pas tenté au pif, c& #39;est quand même réfléchi. Il y a des tombereaux de recherche sur la professionnalisation des profs, ça passe notamment par là.
5- Evidemment ils font pas eux-mêmes d& #39;étude scientifique dessus, mais ça ne veut pas dire que ça ne marche *effectivement* pas, ou que ça n& #39;est pas en phase (sans le savoir) avec la littérature sur le sujet.
5- C& #39;est là que l& #39;EBT est censée intervenir : pour trancher de façon systématique. Est-ce que ce qui est fait marche, ou non ? Le @ChatSceptique nous propose un parallèle avec la médecine : https://twitter.com/ChatSceptique/status/1300798785174597632.">https://twitter.com/ChatScept...
6- Sauf que la médecine et l& #39;enseignement, c& #39;est pas pareil. Autant on peut espérer trancher nettement sur l& #39;efficacité de telle molécule pour soigner telle maladie, autant en enseignement c& #39;est pas si simple de tirer des conclusions définitives.
7- Le parallèle qui sous-tend l& #39;EBT entre médecine et enseignement passe quand même à côté de quelque chose de fondamental : on peut pas appréhender les deux disciplines de la même façon, avec les mêmes méthodologies.
8- Le réductionnisme scientifique a fait ses preuves en médecine (et encore, c& #39;est débattu selon les situations). Mais en enseignement, il y a beaucoup trop de facteurs à prendre en compte, ce qui va considérablement limiter le champ d& #39;application des résultats qu& #39;on va obtenir !
9- Déjà, on peut commencer par se poser la question : c& #39;est quoi, la "pédagogie traditionnelle" évoquée ici : https://twitter.com/ChatSceptique/status/1300798785174597632">https://twitter.com/ChatScept... ? Parce qu& #39;autant en médecine on connait bien "médoc& #39; VS placebo", autant "l& #39;enseignement traditionnel" a lui-même un effet direct.
10- D& #39;ailleurs, "l& #39;enseignement traditionnel", c& #39;est pas très défini... Si ça veut dire "l& #39;enseignement habituel du/de la prof" ou "enseignement transmissif vertical" (type CM), ça regroupe tout de même des réalités très différentes, aux effets très variés, sous un même terme.
11- Ces effets sont d& #39;ailleurs difficilement quantifiables : qu& #39;est-ce qu& #39;on évalue pour dire qu& #39;un cours est "mieux" ? Les notes ? On sait que les notes, c& #39;est pas un bon indicateur, et ça serait biaisé, puisqu& #39;il n& #39;est pas possible de faire du "double aveugle" en enseignement.
12- En effet, il paraît difficile de mettre en place un cours dans une classe sans que l& #39;enseignant·e soit au courant de s& #39;iel est dans le groupe "enseignement traditionnel" ou "enseignement expérimental". Rien que ça, c& #39;est un problème.
13- Certes, on peut faire passer des tests standardisés, pour voir si les élèves réussissent en moyenne mieux après un cours que après un autre. Groupe expérimental, et groupe contrôle.
14- Sauf que déjà, parler de "réussite moyenne" c& #39;est très problématique dans l& #39;enseignement : si une méthode favorise uniquement les bon·ne·s élèves et laisse celleux en difficulté au même niveau, la moyenne sera meilleure, oui, mais est-ce une "bonne" façon d& #39;enseigner ?
15- Le problème est identique pour les groupes contrôles : c& #39;est très débattu, en éducation. Un groupe contrôle, ça veut plus ou moins dire "toutes choses égales par ailleurs". Mais en éducation, c& #39;est pas possible de faire ça.
16- Comment obtient-on ce "toutes choses égales par ailleurs" alors que c& #39;est pas les mêmes profs, les mêmes élèves, le même établissement, les mêmes trajectoires, les mêmes contingences ?...
17- Autant en médecine on lisse les différences inter-individus par des grands nombres pour que ça ait un sens, autant en enseignement, vouloir faire la même chose ça peut être très difficile.
18- Parce qu& #39;il y a des dynamiques interindividuelles : les élèves entre eux, la classe (S ? L? STMG? Lycée pro?) le/la prof avec ses élèves... Les conditions matérielles du bahut et les contingences horaires aussi : un cours de 8 à 9 c& #39;est pas pareil que de 11 à 12 ou de 15 à 16
19- De fait, parfois, en espérant lisser les différences en prenant des grands échantillons pour faire des tests, on va juste noyer des phénomènes plus pertinents à étudier.
20- Un exemple de toutes ces difficultés : dans mon travail de thèse, on (moi et mes DR) a profité du fait d& #39;avoir beaucoup de données pour essayer de faire du quantitatif. EBT : est-ce que notre séquence fonctionne pour développer l& #39;argumentation des élèves ?
21- Déjà, premier problème : étudier l& #39;argumentation, ça implique une analyse très fine, sinon on est trop simpliste. Donc faire du quantitatif avec un objet multiforme et éminemment contextuel, déjà c& #39;est pas simple.
22- Pour pallier ça, on a proposé une méthodologie un peu hybride, qualitative (analyse fine) et quantitative (gros corpus de données). Pour le quanti, on a pensé à faire un groupe contrôle... Sauf que, bon, les groupes contrôles, ça avait pas de sens méthodologiquement.
23- Evidemment qu& #39;on allait observer un "plus" entre les élèves qui ont eu un cours sur l& #39;argumentation, et ceux d& #39;un "groupe contrôle" qui n& #39;en ont pas eu. Et vu qu& #39;il n& #39;y a pas de cours à ce sujet dans les programmes, pas "d& #39;enseignement traditionnel" pour comparer.
24- Du coup, pour compenser, on a fait des "pré-tests/post-test", pour voir si notre séquence didactique fonctionne : un test avant, un test après. On sait qu& #39;il y aura amélioration, puisqu& #39;il y a eu un cours, mais quel genre d& #39;amélioration ? Pas la même question déjà.
25- In fine, les élèves ont pas mieux argumenté dans le post-test : demander à un lycéen de remplir le même questionnaire qu& #39;il a fait 2 semaines avant... Bah il le fait pas. Il écrit vite fait "j& #39;ai pas changé d& #39;avis", et voilà.
26- A moins de demander aux profs de laisser 1h aux élèves pour faire les tests... Sauf que les profs ont d& #39;autres problèmes et d& #39;autres objectifs pour en plus sacrifier une heure selon notre bon vouloir. Et ça doit être pris en compte aussi.
27- Pour faire court, un de résultats principaux de ma thèse ça a été que les élèves, à séquence +/- équivalente (selon les contingences du terrain), argumentaient plus ou moins bien selon énormément de facteurs. Ca c& #39;est une diapo de ma soutenance :
28- En d& #39;autres termes : "y& #39;a trop de facteurs à prendre en compte, on peut pas trancher clairement, faudrait explorer chaque question individuellement". Pratique pour donner des directives claires "Evidence-Based", non ?
29- L& #39;idée de cet exemple, ça n& #39;est pas de dire que l& #39;EBT réductionniste/quantitative est intégralement à jeter à la poubelle. En revanche, ça ne peut pas être l& #39;alpha et l& #39;oméga de la prise de décision en enseignement. C& #39;est complémentaire avec d& #39;autres choses.
30- Notamment parce qu& #39;il y a des tas de recherches qui montrent qu& #39;imposer aux profs des séquences clé-en-main, bah ça marche pas du tout comme on l& #39;attend. Donc on peut dire "faites ça, c& #39;est éprouvé par la Science", en fait, ça fonctionnera juste pas.
31- Parce que ce qu& #39;on a en tête nous chercheurs quand on le présente aux profs, c& #39;est ensuite transformé, à tous les niveaux, par les réalités du terrain, que ça soit les réalités matérielles (fournitures, matos) ou les réalités didactiques (prérequis non-acquis, etc).
32- Une recherche qui porte sur une super appli sur tablette pour apprendre à lire peut avoir des résultats concluants... Mais si en conditions réelles il y a une tablette par classe et un wifi pourri ou inexistant, ça ne fonctionnera pas.
33- C& #39;est assez ironique, pour ce qui se revendique être "l& #39;enseignement basé sur des preuves" : il y a des études scientifiques qui indiquent que, tel que c& #39;est fait, l& #39;EBT ça marche pas toujours très bien...
34- A moins de construire la séquence avec les profs, ce qui implique de faire attention à leurs contingences propres, leurs conditions de travail, la spécificité des classes, de l& #39;objet de savoir... Ce qui implique de faire confiance aux profs, qui savent tout ça mieux que nous.
35- De fait, à cause de cette complexité, on peut pas vraiment écarter aussi vite que ça ( https://twitter.com/ChatSceptique/status/1300798781202616320?s=20)">https://twitter.com/ChatScept... les "témoignages" de profs comme "non-science", "sans preuve"... Ca dépend. Le régime de preuve est très différent en médecine.
36- Et ça, c& #39;est encore en supposant que la recherche à un minimum de sens pour les profs. Parce que des fois, y& #39;a des recherches qui se prétendent utiles pour les profs dans un cadre EBT qui sont, en réalité, complètement à côté de la plaque.
37- Par exemple, j& #39;ai encore un souvenir ému d& #39;un psychologue m& #39;expliquant que son protocole randomisé avait été très difficile à mettre en place à cause d& #39;un terrible biais méthodologique : les profs se parlaient entre eux, ce qui perturbait son protocole.
38- Oui, les profs se parlent entre eux, c& #39;est la base. Si ce qu& #39;on prend pour "un biais méthodologique" c& #39;est les conditions normales de travail des enseignants, il y a peu de chances que la recherche produite soit applicable sur le terrain.
39- Ce réductionnisme est le problème épistémologique fondamental de ce qui se fait en EBT à l& #39;heure actuelle : considérer uniquement l& #39;enseignement comme une interaction prof-élève, de façon complètement indépendante de tout le reste... Ca marche pas.
40- En conclusion, oui, soyons critiques des méthodes d& #39;enseignement https://twitter.com/ChatSceptique/status/1300798802958442496.">https://twitter.com/ChatScept... Mais, pour un meilleur enseignement, restons également critiques sur les méthodologies des recherches en EBT !
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