Ce fait divers nantais mis en lumière dans les médias me donne envie de réagir. J’essaie de peser mes mots et de ne pas tomber, moi non plus, dans l’émotion. Une enfant de 15 ans est décédée dans des conditions atroces et le suspect est un multirécidiviste, déjà écroué

et suivi par la Justice depuis de nombreuses années. Je lis ici et là que les juges, les CPIP, les psychologues seraient responsables de ce désastre. Cela me rappelle l’affaire Laetitia Perrais, qui s’est passée en 2011. J’étais encore toute jeune professionnelle.

Le Président de l’époque, Nicolas Sarkozy avait incriminé les acteurs judiciaires : magistrats et SPIP, après le meurtre de Laetitia Perrais. Il avait alors considéré que « le fait divers exige une réponse à la hauteur de l’émotion populaire ».

Non le fait divers exige une réponse législative à la hauteur des conséquences de certains actes commis par des personnes. Cela signifie la nécessité d’allouer des moyens à la Justice qui tient avec des bouts de chandelles.

Cela exige de cesser de surfer sur l’horreur et de cesser de multiplier des réformes judiciaires, sans réflexion de fond sur notre système.
La justice (magistrats, greffiers, avocats, personnels pénitentiaires) est exsangue de pallier les carences qui s’accumulent

depuis des décennies, faute de courage politique.
Reprochez, si vous le souhaitez au système, au CPIP qui a accompagné cet auteur, son passage à l’acte si ça vous chante. Je défie quiconque avec ses idées préconçues de passer deux semaines avec moi, sur le terrain.

Nous sommes 3500 CPIP pour suivre 260 000 personnes prévenues ou condamnées. Imaginez la masse de travail nécessaire pour accompagner autant de personnes avec chacune ses difficultés.

Nous, les personnels judiciaires nous faisons au mieux pour faire tenir les murs, nous sommes confrontés à la misère, la détresse, la maladie psychiatrique, aux horreurs, nous accompagnons malgré cela. Toujours.

Je fais ce métier parce que j’ai foi en son utilité publique et j’ai foi en l’être humain. Je reste une femme, une citoyenne, une mère et je suis horrifiée à chaque récidive. Toutefois je n’en suis pas responsable.

En revanche, je rêve, oui je rêve, de pouvoir exiger qu’on me laisse exercer mes missions plus paisiblement et avec des moyens dignes de notre société.

Merci @palais_au de m'avoir fait sortir de ma tanière. J'espère pouvoir être comprise et sachez que certains propos heurtent.