Dans un éditorial resté fameux, Charlie Hebdo via la plume de Riss expliquait que les boulangers musulmans en ouvrant leur boutique étaient responsables des attentats islamistes. https://twitter.com/Charlie_Hebdo_/status/1299723045251276801
C'est un élément qui me frappe depuis hier avec cette affaire : la façon dont certaines personnes conditionnent leur solidarité face au racisme au fait de rappeler qu'ils trouvent la ligne politique de Danièle Obono "odieuse" (sans dire en quoi par ailleurs).
Ces mêmes personnes expliquent depuis 2015 que critiquer la ligne éditoriale de Charlie Hebdo ou, en ce qui concerne la question de l'islamisme, les opinions de quiconque est associé par eux à cette ligne, revient à "tracer une cible" sur leur dos, et celui de cette rédaction.
Ceci en sus de dire que les musulmans en vivant sont déjà un peu responsables de l'islamisme, donc, comme le faisait Riss dans son éditorial.
Combien de fois a-t-on lu des rappels après qu'une personne a critiqué des gens auto-associés à cette clique du fait que certains d'entre-eux vivaient sous protection policière et que donc ne pas être d'accord avec eux revenait à se faire collaborateur de Daesh ?
D'ailleurs Gérard Biard ne se prive pas de faire exactement la même chose dans son éditorial : dire "Allah Akbar" c'est être un "islamiste enragé" et aller à une manifestation avec des gens qui disent "Allah Akbar" est donc s'allier à "l'islamisme enragé".
On a vu cette même logique à l'oeuvre par la même clique contre d'autres personnes, comme Nicolas Cadène, dénoncé pour le crime d'avoir fait un tweet évoquant quelqu'un qui avait été en présence de quelqu'un d'autre qui ailleurs avait dit un truc choquant. https://twitter.com/pandovstrochnis/status/1294987592899932160
On la voit de façon plus diffuse à l'oeuvre avec l'accusation récurrente d'"indigénisme" : vous n'avez rien à voir avec le PIR ? Ce n'est pas grave : si on arrive à dire que ce que vous dites ressemble à ce qu'on pense qu'ils disent, vous êtes directement responsables d'eux.
Exactement ce qu'il est arrivé à Danièle Obono, qui n'a jamais été membre du PIR et a à plusieurs reprises dénoncé leurs idées, spécifiquement sur les sujets sur le sujet de l'antisémitisme, mais doit quand même être bannie de l'université pour sa "proximité" avec eux.
Donc vous pouvez être "proche du PIR" même si vous ne les fréquentez pas et les critiquez, mais ne vous inquiétez pas, vous pouvez aussi être "proches du PIR" parce que quelqu'un a juste décidé que c'était le cas. https://twitter.com/pandovstrochnis/status/1271027033494245376
Le tout en revendiquant le fait qu'il est superflu de vous laisser vous défendre, et en pouvant s'appuyer sur des relais puissants (eux-mêmes proches de groupes d'extrême-droite de façon active, mais dire ça c'est de la cancel culture). https://twitter.com/Kum0kun/status/1237378903796264961
Evidemment que tout ça crée un climat de diabolisation, de déshumanisation, de dépolitisation et de panique morale permanente autour du mythe d'une "cinquième colonne" à combattre par tous les moyens dans lequel le papier de Valeurs devient possible.
Si vous passez votre temps à désigner des boucs émissaires, et à accepter les méthodes les plus malsaines pour vous en prendre à eux, y compris des méthodes que vous dénoncez activement (et à raison) quand elles vous sont appliquées, des gens vont par passer à l'échelon suivant.
Et vous voulez savoir le pire ? C'est que le papier de Valeurs va servir de ballon d'essai. Je suppose qu'il est peu probable qu'ils soient condamnés par un tribunal, pour le moment ils font des excuses hypocrites, mais quand la température sera retombées, ils recommenceront.
L'avantage du scandale, c'est qu'il se fatigue vite. La prochaine fois il y en aura moins, on aura déjà gueulé pour ça de toute façon. Et la fois d'après un peu moins. Et la fois d'après encore moins. Et de toute façon la pratique se sera généralisée.
Parce qu'il y a un lectorat pour ça, déjà, et que les gens se désensibilisent, à plus forte raison dans la mesure où l'on parle d'une panique morale, qui a besoin de surenchère, cette surenchère étant encouragée par la prime aux ventes que garantit le scandale.
C'est par ce même procédé que la théorie du complot derrière la notion d'"ensauvagement" est passée en quelques années de la plume d'un essayiste darwiniste social et au moins d'ultra-droite comme Obertone, au discours d'un Président de la République se croyant au centre.
Et si parler d'ensauvagement et de la doctrine profondément raciste et eugéniste qui est portée à travers cette notion en 2013 pouvait conduire un journal comme Le Point à critiquer le projet de guerre civile de l'auteur, puis à s'interroger sur l'usage qu'en faisait Le Pen la
même année, cette thèse naguère reléguée aux arrière-cours de l'idéologie fasciste n'a maintenant plus à être discutée, puisqu'elle devient le référentiel officiel porté par Gérald Darmanin (critiquer les proximités de Darmanin avec l'ultra-droite c'est de la cancel culture).
Sans eau, les requins se noient.

Il est là, le rapport.
Ce qui pose la question de que faire. Et personnellement plus le temps passe plus je suis convaincu que la réponse consistant à "ne pas donner de visibilité" à ces attaques ne fonctionne pas. Leur visibilité ne vient pas des réactions de Twitter.
Je le rappelle mais il est probable qu'une chronique un jour de faible audience sur la moindre radio publique touche plus de monde que le tweet le plus viral que vous pourrez faire de toute votre carrière sur ce réseau social.
La mise en avant de cette idéologie droitière et de ses scandales permanent ressemble à plusieurs grands exemples mondiaux, à commencer par Rupert Murdoch et d'autres grandes fortunes liées au parti Républicain (les frères Koch, les frères Wilks, la famille DeVos...).
CNEWS a à raison souvent été comparée à Fox News : elle utilise la même stratégie d'infotainment, de scandalisation du débat, de désinformation sous prétexte de talk shows, de normalisation de parole extrêmes à droite.
Il est également possible de construire dès à présent des médias indépendants, comme Les Jours, qui ont enquêté précisément sur ces sujets, tout en étant conscients qu'il n'y a pas de compétition possible avec le genre d'oligopole dont on parle. https://lesjours.fr/obsessions/vie-jours/ep2-financement-participatif/
Tout ça demande l'existence d'organisations de lutte larges, capables de se doter de moyens concrets d'action permettant d'obtenir des résultats concrets, avec comme objectif à terme de se débarrasser de la source du problème.
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