Je me réjouis des commémorations du 150e anniversaire de la guerre de 1870. Un événement est passé inaperçu : la mort du colonel Charles Ardant du Picq le 18 août 1870. Quelques mots au sujet de cet officier dont les travaux font toujours l'objet d'un enseignement à West Point.
Charles Ardant du Picq (1821-1870) est un officier français. Sa vie est mal connue. Né à Périgueux en 1821, saint-cyrien (promotion du Tremblement, 1842-1844), il est fantassin. https://www.saint-cyr.org/medias/editor/files/1842-1844-26e-promotion-du-tremblement.pdf
Une carrière typique du Second Empire : en Crimée de mars 1854 à mai 1856, prisonnier à Sébastopol en septembre 1855, commandant du 16e BCP (poke @jean__michelin ) , Syrie de 1860 à 1861, Algérie de 1864 à 1866…
Colonel en 1869, il commande le 10e RI. A la tête de ce régiment en août 1870, il est grièvement blessé par un éclat d’obus à la cuisse à Longeville-les-Metz le 15 août 1870 et succombe à ses blessures à Metz le 18 août 1870 (j'en profite pour faire un peu de pub pour ce livre)
ADP a eu une expérience directe de la guerre, mais il complète son expérience par une documentation historique abondante et la constitution d'un "corpus" original à partir des résultats d’une enquête….
Car Ardant du Picq est un théoricien militaire, auteur d'un livre remarquable publié chez Hachette en 1880 et intitulé Etudes sur le combat (disponible sur @GallicaBnF https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k864841.image
Livre inachevé et publié après la mort d’ADP : ses études sur le combat antique sont complétées après sa mort par des notes sur le combat moderne. Un livre composé à partir de la réunion de textes très divers. Un des livres militaires les plus originaux du XIXe siècle !
Déçu par ce qu’il observe dans sa propre armée, ADP se tourne vers le passé pour chercher des solutions aux problèmes contemporains.
Conscient des limites de son expérience, il complète sa réflexion en diffusant un questionnaire dans les 1860’s, qu’il a élaboré, et qu’il fait circuler parmi les officiers qui ont commandé au feu. A l’époque, ce genre de sondage n’est pas courant !
ADP estime que l’homme est au centre du combat et pour comprendre comment il s’y comporte, il faut l’interroger. Son questionnaire est très précis et porte sur tous les aspects du combat (l’assaut, les blessures, les sons, les réactions psychologiques, etc.).
Cette enquête = ses Etudes sur le combat, un classique de la pensée militaire de 380 pages et deux grands chapitres : l’un sur le combat antique, l’autre sur la guerre moderne + deux annexes et dans la conclusion des lettres et des résultats des questionnaires.
Une approche moderne, scientifique, avec une analyse de la guerre et un style (très littéraire) qui nous emmènent au coeur du champ de bataille et qui tranchent avec la plupart des écrits militaires contemporains.
Ardant du Picq sert dans une armée où les méthodes et la conduite de la guerre napoléoniennes prédominent et ne peuvent pas être critiquées. L'époque est marquée par une stagnation de la pensée militaire, au moins en France et depuis 1815 (le réveil sera douloureux).
ADP pense que les armées de masse :
- diminuent le rôle de l’homme dans les batailles;
- permettent à beaucoup de faire peu et au chef de gaspiller ses effectifs.
Rédigées avant 1870, les Études soulignent de manière prophétique les faiblesses de l’armée française.
Toute l’horreur de la guerre est décrite dans ce livre, c’est un des meilleurs livres jamais écrits sur ce sujet. Il y a également de très bons passages sur les États démocratiques et leurs rapports avec la guerre.
L’homme est au centre de sa réflexion. Le progrès technique, la culture, le progrès social sont importants, mais il reste que la guerre est toujours menée par des hommes, avec leurs faiblesses et leur appréhension de la mort.
Ardant du Picq, grâce aux données de l’expérience, livre une réflexion stimulante sur la peur, le choc, le désordre et le rang, la solidarité, la confiance, l’instruction et l’éducation, la discipline. L'histoire également....
Des champs à détailler dans un prochain fil peut-être…. Il existe quelques publications à propos d'ADP dont cet article de Stéphane Audoin-Rouzeau, Vers une anthropologie historique de la violence de combat au XIXe siècle : relire Ardant du Picq ? https://journals.openedition.org/rh19/1015 
« L’homme ne va pas au combat pour la lutte, mais pour la victoire », colonel Charles Ardant du Picq (1821-1870)
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