Messieurs @EmmanuelMacron @jmblanquer
Je vous fais une lettre
Que vous lirez peut-être
Si le stagiaire du secrétaire du CM de votre conseiller en com a le temps.

Je viens d'effectuer, comme 800000 collègues, ma prérentrée. Comme beaucoup, j'ai entendu planer cette énième
rumeur de revalorisation. Vous savez, @jmblanquer, je suis prof, j'accorde de l'importance aux mots. Et je n'aime pas celui-là. "Revaloriser" les profs ? Comme si on les valorisait DÉJÀ et que là c'était "une nouvelle fois" ? Mais... Non. Cela fait longtemps
que nous ne sommes plus valorisés. Ni dans l'opinion publique, ni dans les médias, ni dans les discours politiques ni dans leurs actes. Nous sommes méprisés. Ce que nous voulons, c'est simplement cesser d'être
dévalorisés. Car nous le sommes. Constamment, cruellement, et depuis longtemps. Dévalorisés financièrement d'abord (puisqu'il est question de "revalorisation"). Des années que le point d'indice est gelé, que nos salaires stagnent pendant que l'inflation grimpe à vive allure.
Il n'y a pas de "dossier à mettre sur la table". Ni de "discussion avec les syndicats" à tenir, ni "d'observatoire" à créer. Il n'y a pas de débat. Vous AVEZ les chiffres. Ils proviennent de l'INSEE. Selon les estimations, la perte de pouvoir d'achat est de 20 à 40%. C'est
colossal. Abyssal. Il y a une génération, un prof gagnait 2,5 SMIC. Aujourd'hui on peine à dépasser 1,2 SMIC. Et que s'est-il passé pendant ce temps ? Le recrutement ne se fait plus à Bac+3 mais à Bac+5, et même Bac+6 avec l'année de PES. Dans le même temps, on a demandé aux
candidats de passer desormais le CLES2 en langues. Le C2i2e en informatique. Un brevet de natation. Pour enseigner désormais ces matières. Mais... Mais dans quelle profession accepte-t-on de gagner moins d'argent tout en devant être plus diplômé, plus compétent et en ayant
davantage de charge de travail avec des conditions humaines et matérielles dégradées ? À qui peut-on faire subir cela ? À ceux qui éduquent et instruisent les citoyens de demain ? Je le répète : il n'y a pas de débat. Soit vous dégelez et augmentez le point, pour tous et sans
contrepartie, soit ce n'est encore une fois que du vent. La profession est à bout. Elle se paupérise de jour en jour. Elle est en crise et vous pouvez le constater car vous peinez à recruter et que de plus en plus de collègues songent à partir. Chaque année, nous perdons des
personnes qui auraient fait d'excellents enseignants mais qui se tournent vers d'autres métiers, faute d'attractivité. Les études le montrent et vous le savez : mieux les enseignants sont payés, mieux les élèves réussissent.
La crise de l'école est réelle. Et je vous en tiens,
vous et vos prédécesseurs, personnellement responsables. Tout est lié. Si nous sommes dévalorisés financièrement, nous le sommes également par la presse, qui ne fait en réalité que reprendre les propos d'un prof-bashing savamment orchestré par vos soins. On ne compte plus
le nombre de politiques ayant eu des propos méprisants et diffamatoires sur notre profession. Des gens comme un président de la République, un ministre ou une porte-parole du gouvernement se l'autorisent ! Si personne ne montre de respect pour nous, si même les politiques, par
leurs paroles et leur absence d'actes signifient leur mépris de l'école... Comment avancer sereinement ? Pourquoi les élèves auraient confiance en l'école et en nous ?
Cela coûtera cher. Très cher. Mais par définition, l'éducation et la santé coûtent de l'argent, elles
ne sont pas rentables à court terme. Car elles n'ont pas à l'être. Elles ne doivent pas être gérées comme des entreprises par esprit managérial et comptable. Ce n'est ni leur nature ni leur dessein.
Toute la question est de savoir quelle importance vous y accordez. Et
manifestement, aucune. Le mythe de "l'argent magique" est un leurre. Il n'y a pas d'argent magique, il n'y a que des choix politiques. Et nous voyons où sont vos priorités. On trouve rapidement des centaines de millions, des milliards voire des dizaines de milliards quand il
s'agit de sauver certains secteurs. Il n'y a pas ici de jalousie. Je ne suis pas stupide, je sais que derrière l'aide aux entreprises, il n'y a pas que des actionnaires millionnaires du CAC40. Il y a aussi des femmes et des hommes, patrons de leur modeste PME, qui travaillent
dur et ont une famille à faire vivre. Je sais aussi, par mon métier et ma région, que le tourisme et la culture sont ô combien importants. Je sais tout cela. Mais est-ce une raison pour... Ne rien faire pour l'école ? Rien ? Pas un sou de plus dépensé pour la rentrée ? Pas de
Valorisation, pas de recrutement, pas de travaux, rien ? Les toilettes bouchées l'année dernière le sont toujours. Les robinets défectueux n'ont pas été réparés. Toujours pas de savon dans les classes. C'est ce que nous avons constaté, aujourd'hui, avec mes collègues lors de
la prérentrée. Nous avons également constaté que vous nous livrez un protocole à deux jours de la rentrée. Mais c'est quel niveau de mépris ou d'amateurisme ? Surtout que ce protocole n'a RIEN de révolutionnaire qui aurait justifié une publication si tardive. Vous n'avez RIEN
fait de l'été. Alors pour masquer l'absence d'acte, comme d'habitude, vois avez fait de la com. Parlons donc image. Quelle image voulez-vous renvoyer quand on vous voit omniprésent cet été dans les médias en train de pratiquer tous les sports, et même en plein batifolage,
tandis qu'en même temps RIEN n'est fait pour l'école et que vous livrez un "protocole" aux professeurs à 2 jours de la rentrée ? Quel est le message ? Quelle image voulez-vous renvoyer quand le seul argent supplémentaire alloué à l'école (qui ici se compte en milliards) est
destiné à... Un simili service militaire ? La profession est paupérisée, en crise, à bout, les locaux sont vétustes, le matériel insuffisant et obsolète, les aides humaines manquent cruellement, et le seul argent consenti est pour le SNU ? Mais quel est le message, @jmblanquer?
J'ai presque 35 ans et presque 10 ans d'ancienneté. Ma femme a eu l'idée saugrenue de pratiquer un métier mal payé, car tout aussi inutile que le mien : elle est infirmière. Cette année nous avons payé des impôts. Pour la première fois. Avant, nous ne gagnions pas assez. Est
il normal, en 2020 en France, qu'un couple enseignant / infirmière avec 10 ans d'ancienneté chacun ne gagne pas assez pour payer des impôts ? Pas assez pour que des banques leur accordent un prêt immobilier ? À notre âge, sans l'aide de nos parents, nous n'aurions pas eu de
prêt. Sans l'aide de nos parents, nous ne pourrions pas partir en vacances. Nous ne pouvons pas aller au cinéma, au théâtre ni même simplement acheter autant de livres que nous le souhaiterions.
Nous sommes nombreux dans ce cas. Vous pouvez faire quelque chose. Faites-le.
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