Thread sur la crise politique du Sénégal en 1962 qui opposait Léopold Sedar Senghor (Président de la République) à Mamadou Dia (Président du Conseil).

Ce qui était à l’origine de cette crise, c’était leurs idéologies. On sait tous que Senghor était un grand pro français tandis que Dia ne l’était pas. Ce dernier parle ici de l’amour que vouait Senghor à la France. « Il est français avant d’être quoique ce soit [...]»

Dia et Senghor se sont connus en 1946. Au début, Mamadou Dia ne voulait absolument pas faire de la politique. Il s’y est engagé à la demande de son ami Léopold Senghor.

Avant de parler de la crise de 1962, je vais parler brièvement de la première trahison de Senghor envers Mamadou Dia et envers le peuple sénégalais.

C’était en en 1958. De Gaulle voulait faire un référendum. Pour continuer avec la France, il faut voter « Oui ». Pour une rupture totale avec la puissance coloniale, il faut voter « Non ». Il fait un long voyage où il bat campagne pour que toute l’Afrique vote « Oui »

Mamadou Dia était pour le « Non ». Il était convaincu que le Sénégal pouvait prendre son indépendance. Mais Senghor avait une autre vision des choses. Étant un « bon petit sous préfet des français », pour lui c’était impensable de se séparer de la France.

Le jour du référendum, toutes les colonies françaises (le Sénégal y compris) sauf la Guinée Conakry votent « Oui ».

On va maintenant parler de la 2e et grande trahison de Senghor envers Mamadou Dia. C’est la crise de 1962. C’est l’une des plus grandes crises politiques de l’histoire du Sénégal.

Le Sénégal avait adopté un régime parlementaire. C’est à dire qu’il y avait un Président de la République définissant les grandes orientations, mais sans pouvoir réels et un Président du Conseil, chef du gouvernement et détenteur de la quasi totalité des pouvoirs exécutifs.

Mamadou Dia avait des projets de développement pour le Sénégal et il le mettait excellemment bien en marche. C’était un un homme d’actions, un acteur politique. Il redressait l’économie du pays.

C’était l’homme de la situation, l’homme qu’il fallait au Sénégal. Il menait à bien son projet. Il enchaînait succès sur succès. Une vraie masterclass. Le Sénégal a pris un très bon départ avec lui.

Voici une petite comparaison très pertinente de Moustapha Niasse, un ancien ministre de Senghor. Dia était un acteur politique tandis que Senghor était le « Poète - Président ».

Pour Dia, il ne fallait pas se limiter à l’union avec la France. Il s’ouvrait aux autres pays, notamment les pays de l’Est, dans un contexte de guerre froide. De ce fait, il était taxé de communiste mais ne l’était pas. Il cherchait juste ce qu’il y avait de mieux pour son pays

De l’autre côté, il y avait Senghor. Tout ce qui l’intéressait, c’était de donner des interviews aux français où il parlait de poésie, de grammaire, d’art. C’était un poète avant d’être un président. D’ailleurs il voulait qu’on l’appelait le « Poète - Président » et non l’inverse

Au milieu de l’année 1962, le parti de Senghor (l’UPS) connaît une crise politique. La tension monte au sein du gouvernement. Les 2 hommes n’ont pas la même vision politique. Dia était militait pour la rupture avec la France tandis que Senghor était un pro français

Dia voulait tout nationaliser. Le commerce, l’agriculture, il voulait tout donner au sénégalais. Il avait même demandé aux officiers de l’armée française de quitter le pays. Senghor, étant dans une collaboration étroite avec la France, n’était pas d’accord avec sa politique.

De plus, Mamadou Dia voulait dénoncer les députés et hauts cadres qui étaient cités dans des cas de corruption et de malversations financiers. Il voulait aussi supprimer les privilèges des marabouts. Donc vous aurez compris qu’il ‘’dérangeait ‘’ et qu’il fallait vite l’écarter.

Malgré une réconciliation retrouvée au sortir d’un Conseil national en octobre 1962, la crise politique qui affecte l’UPS a rebondi pour se transformer en une crise constitutionnelle qui oppose le Président de la République Léopold Senghor à son Président du Conseil Mamadou Dia.

Senghor et les députés avaient alors le même but: mettre Dia hors circuit. Les députés ont alors décidé de voter une motion de censure afin de destituer Mamadou Dia de son poste de Président du Conseil. Il se sont alors réunis à l’assemblée nationale.

Étant contre la tenue de cette réunion, Dia commet l’irréparable. Avec l’aide de l’armée, il évacue l’assemblée nationale. Les députés, expulsés, se réunissent dans le domicile de leur confrère Lamine Gueye pour continuer le vote. Senghor soutenait officieusement cette réunion.

Senghor a utilisé le fait que Mamadou Dia ait ordonné à ses hommes d’encercler l’assemblée nationale pour l’accuser d’avoir violé la constitution et tenté un coup d’état, ce qui était absolument faux. C’était une histoire montée par Senghor.
*Discours de Senghor*

Mamadou Dia détenait le pouvoir de l’exécutif. Il avait plus de pouvoir sur le pays que Senghor lui-même. A quoi lui aurait servi de faire un coup d’état ?

A la fin du procès, Dia est condamné à la perpétuité et les sentences de ses compagnons Valdiodio Ndiaye, Ibrahima Sarr joseph Mbaye et Aliou Tall varient de 10 à 20 ans d’emprisonnement. Le régime présidentiel est adopté et Senghor est proclamé Président de la République.

Le lendemain de son arrestation, les français ont organisé une fête.

En prison, Dia et ses codétenus sont torturés sur le pan moral. Il n’avaient pas la possibilité de communiquer. Comme que Mamadou Dia était condamné à la prison à vie, on a construit sa tombe devant lui.

37 ans après, Mamadou Dia n’en revient toujours pas. Il témoigne ici de l’amour qu’il vouait à Senghor quand ils étaient encore étudiants. Il n’imaginait pas un seul instant que Senghor allait le traduire en justice un jour.

Après 12 ans de détention, Dia est gracié par Senghor. Mamadou Dia lui a tout pardonné sauf une chose: sa mal gouvernance. Pour lui, si le Sénégal en est là, (il a dit ça en 1999) c’est à cause de Senghor car le Sénégal avait un très bon départ à l’aube de l’indépendance.

C’est la fin du thread. Merci d’avoir suivi jusqu’à la fin