L'Immobilier à #Abidjan #CIV, Bulle Immobilière prête à exploser ou réalité économique pouvant occulter des aspects plus profonds ?
Selon la situation, certaines solutions sont plus ou moins pertinentes. ⬇️
(PS : Ce problème est partagé par d'autres capitales subsahariennes)
Présentation du contexte :
Depuis début 2000, la croissance démographique observée en #CIV 🇨🇮, et qui est repartie à la hausse (environ +2,5%), pose certaines difficultés.
La population globale s'accroît de façon accélérée, contrairement à la tendance observée depuis ~ 1976.
Cette croissance, se traduit par une hausse de la population en milieu rural, mais aussi et surtout par celle de la population urbaine (également grâce à un Exode rural passé, massif) ⬇️, donc de celle des grandes villes qui concentrent historiquement les activités économiques.
La progression de l'urbanisation nationale en bonne marche, ne contre pas les effets de l'hyperpolarisation économique (un problème subsaharien ⬇️).
Les individus ont ainsi l'obligation pratique de résider au sein ou aux alentours des bassins économiques. https://twitter.com/Aidy_B_/status/1265768789611872260?s=20
Le bassin économique Abidjanais étant le plus important du pays, et l'un des plus importants en termes de ratio (poids économique local/poids économique national) en Afrique Subsaharienne, cela pose de grands problèmes.
Abidjan, c'est ~ 80% de l'activité économique de la Côte d'Ivoire, et une démographie, une attractivité, qui ont fait passer sa population d'~ 200 000 hbts (1960) à ~ 5 millions (2018).
Des estimations prévoient ~ 10 millions dans quelques années pour cette agglomération...
Cette situation ramène à une réalité, celle d'une ville qui a attiré au fur et mesure des masses de population, dans une économie dont la prospérité apparente et la stabilité ont fluctué dans le temps ⬇️, et dont la croissance économique a manqué d'inclusivité dès 1960.
Conséquence notamment en milieu urbain, donc à Abidjan, le relèvement du niveau de vie, n'a pas suivi l'évolution démographique et celle du dynamisme économique.
La précarisation s'est accentuée progressivement ⬇️.
Ci-dessus, la progression 📈 du coefficient de Gini dans la capitale, de 1985 à 1998. Il indique globalement un creusement des inégalités, dans cette ville qui deviendra plus sujette au chômage (~ 6 fois supérieur au Taux rural) et dans un pays très informel (~ 90% des emplois).
Ces éléments ont conduit, à la précarisation de populations urbaines et à un choc des revenus à l'intérieur de cette agglomération d'environ 2 000 km², dont ~ 1/3 des habitants n'ont jamais fait d'études.
Ce qui a provoqué dès les années 1970, une recrudescence des bidonvilles.
Ceux-ci représentaient ~ 26% des habitations de la capitale en 1980.
On se situe actuellement aux alentours d'1,3 millions d'Abidjanais vivant dans des bidonvilles ou quartiers précaires.
Des populations fréquemment contraintes par leur Niveau de Revenu très bas.
On voit déjà ainsi, que problème immobilier Abidjanais, a commencé il y a plusieurs décennies à frapper violemment les populations les plus précaires, avant d'impacter progressivement les couches supérieures de la société, celles à Revenus Intermédiaires.
Il faut rappeler que pendant longtemps, le Salaire Minimum Interprofessionnel Garanti (SMIG) a été d'~ 36 000 FCFA avant de passer récemment à 60 000 FCFA. Ce qui donne une idée du niveau de revenu garanti à la part "privilégiée" des travailleurs, donc les non-informels (~ 10%).
Certaines enquêtes vont situer alors à ~ 32%, le nombre de salariés Abidjanais percevant moins du SMIG, avec près de 60% de femmes ⬇️.
Ce qui est très préjudiciable, quand on connait le rôle de ces femmes dans les structures familiales locales.
Tous ces éléments (Croissance démographique, écarts de revenus, attractivité...) ont concouru à creuser le déficit de logement dans l'agglomération, qui il faut le rappeler, a touché massivement en premier, les populations les plus précaires en les isolants dans des bidonvilles.
La situation actuelle, fait état d'environ 200 000 logements manquants dans la ville d'Abidjan, avec une augmentation de près de 25 000 par an.
Face à cette situation, et à l'attractivité décuplée par les investissements privés et les opportunités économiques, le marché se tend.
La hausse significative du niveau de vie d'une partie minime de la population, cumulée au boom de l'économie de services, et aux opportunités économiques croissantes (installation d'institutions, hausse des effectifs de firmes internationales...), va bouleverser le marché...
Il faut noter que la capacité financière de la majorité des Abidjanais est en réalité très réduite.
Si l'on s'en tient à l'approche AFD 2015 (que je préfère), dans le pays la Classe Moyenne, correspond aux individus percevant entre 28 400 FCFA et 135 000 FCFA par mois ⬇️.
On exclue ainsi les individus en extrême pauvreté (proches du seuil d'1,9$/jour) et les plus nantis, donc ceux dont le revenu par tête est supérieur ou égal à 135 000 FCFA/mois. Tout en gardant le seuil d'entrée pour faire partie des 1% les plus riches, à 2 millions FCFA/mois...
En prenant la composition de cette classe dite Moyenne, on met en évidence le fait que le Groupe de personnes à Salaires Dominants, est constitué en bonne partie, d'héritiers des Groupes à Revenus Intermédiaires des années 1960 à 1970.
Ce qui montre les difficultés d'ascension.
On voit ainsi que la classe moyenne Abidjanaise n'est pas majoritaire, est très financièrement limitée en réalité, et qu'elle représente ~ 16% de la classe moyenne nationale, pour une ville qui compte ~ 1/5 de la population.
Ce qui montre un écart monumental de revenus.
Un écart significatif de revenus, qui est confronté à la demande de biens immobiliers abidjanais, dont les prix grimpent plus rapidement que les revenus des ménages, qui font face à d'autres charges conséquentes, hormis les charges immobilières ou locatives...
La hausse des prix de biens et services de consommation basiques au fil du temps, l'augmentation du nombre de demandeurs de logements, et la position stationnaire des centres d'activité économiques, va avoir plusieurs incidences.
Des incidences parmi lesquelles on a : un éloignement (par manque de moyens) de familles peu aisées des centres urbains les plus prisés par les ménages plus riches, avec transformations de quartiers populaires et zones villageoises en territoires embourgeoisés (Gentrification).
On a également, une réduction des budgets des familles précaires, et d'une grande partie des familles dites plus nanties, relativement à la tranche allant jusqu'à 135 000 FCFA.
Avec une part plus importante de leurs budgets, allant notamment dans les dépenses de Transport ⬇️.
La capacité financière des ménages, pour l'acquisition ou la location immobilière est confrontée à un double effet :
1️⃣ - La hausse des prix de l'immobilier (Achat/Location)
2️⃣ - La baisse des revenus qu'ils sont capables d'allouer à l'immobilier, sans aggraver leur précarité
On voit plus haut, au travers des origines de la situation immobilière actutelle, que l'on s'éloigne progressivement d'une situation de Bulle des Prix de l'Immobilier Abidjanais.
Mais qu'est-ce qu'une Bulle Financière ?
⬇️
L'une des premières Bulles connue, est celle de la Tulipe ⬇️.
On décèle déjà en lisant, quelques éléments permettant de caractériser une Bulle Financière : La rareté du bien, La demande très importante, des prix "démesurés" portés par la spéculation, un suivisme...
Une bulle Immobilière, va être caractérisée entre autres par :
1️⃣ - Une hausse continue des prix
2️⃣ - Un accès favorable au crédit
3️⃣ - Des Acheteurs/investisseurs qui vont anticiper massivement des plus-values en achetant cher pour revendre
4️⃣ - Un niveau de vie qui stagne
...
Une tendance évolutive similaire à celle ci-dessous ⬇️, sera alors observée sur le marché.
Ce marché tendu va atteindre un pic et s'effondrer (éclatement), par une Demande qui brutalement va chuter, parallèlement à une Offre de Logements qui sera maintenue en tendance haute.
Dans l'Immobilier, le prix évolutif d'un bien, va dépendre de déterminants :
- La démographie
- La localisation
- Le revenu des ménages / L'accès au crédit
- Les politiques publiques
- Les anticipations
...
Ce prix, s'il est le fruit de l'Offre et de la Demande, est aussi et surtout la résultante de la réflexion du vendeur initial, qui estime entre autres, par rapport à son expérience passée, et sa vision du futur, ce que son bien est susceptible de lui procurer comme valeur.
En partant de là, le Prix d'Équilibre du marché va exclure bon nombre de populations, en fonction de leurs revenus et de leurs aspirations de localisations futures.
Il existe en réalité un marché de l'Immobilier Abidjanais, mais extrêmement segmenté par catégories de revenus.
On a donc des populations qui ont régressé au fil du temps, par rapport à leur capacité d'accéder à certains segments hauts, dont les revenus d'accès ont explosé avec l'hyperpolarisation économique de la ville, et les différences très significatives de revenus observées.
Quant à l'idée d'une bulle, elle est aussi mise à mal par la nature du marché immobilier. Celle-ci se traduit par un très faible accès au Crédit immobilier.
Entre 2012 et 2016, ces prêts ont représenté 1% du total des prêts bancaires en #CIV. Sur 2018, ils étaient de 2% ⚠️...
Le profil des investisseurs immobiliers privés locaux, est alors assez spécifique, dans la mesure où ils ont peu accès au crédit bancaire, et n'ont pas toujours une urgence de remboursement d'échéances de prêts.
Ce qui peut réduire la pression de Vente ou mise en Location.
Le marché Immobilier Abidjanais se retrouve ainsi avec :
1️⃣ - Une hausse continue des prix ✅
2️⃣ - Un accès Crédit favorable ☑
3️⃣ - Des Acheteurs/investisseurs qui vont anticiper massivement des plus-values, en achetant cher pour revendre ☑
4️⃣ - Un niveau de vie qui stagne ☑
Dès lors, les critères de l'existence d'une Bulle Immobilière ne sont pas véritablement respectés. Cela dit, une baisse importante des Prix et Loyers est envisageable comme dans tout marché, sans que cela ne soit significativement préjudiciable aux Propriétaires et Investisseurs.
Dans une hypothétique future Bulle Immobilière Abidjanaise, des solutions seraient possibles :
- Réduire l'accès aux liquidités, Crédit et Autres sources (Contre-productif...* ⛔)
- Durcir la fiscalité applicable (Contre-productif... * ⛔)
- Encadrer les Loyers (Risqué ⛔)
...
L'encadrement des Loyers est possible pour les logements anciens, mais donnerait probablement toujours des niveaux de Loyers élevés pour beaucoup, car il reflétera un Prix d'Équilibre s'alignant sur la Demande. Concernant les nouveaux logements cela serait Contre-productif ⛔...
Contre-productif, dans la mesure où il découragerait des investisseurs à qui on fixerait ainsi un niveau de rentabilité pour leurs investissements, et qui pourraient en préférer des plus rentables, en tenant compte des Coûts importants de construction (Terrain, Fer, Ciment...).
Dans le cas de la gentrification, réalité concrète dans la capitale, des solutions sont possibles :
- Développer les Logements Sociaux (avec dans l'idéal, une Croissance de ceux-ci, supérieure à celle du Déficit)
Donc il faudrait construire plus vite que le surplus de demande...
Dans la pratique, avec des États limités financement, cela est très compliqué.
Avec un manque de maîtrise des Coûts de construction, ou des partenariats négociés, l'on pourrait difficilement atteindre l'objectif de faire respecter le niveau "social" des Tarifs (Loyer/Achat)...
C'est une dimension très importante dans le montage des projets, dans la mesure où les Logements sociaux sont censés concurrencer ceux jugés inaccessibles, pour une grande partie des ménages à Revenus Faibles.
Sans maîtrise, ils perdent leur caractère social...
D'autres solutions :
- Penser la rénovation urbaine, en favorisant le maintien des populations résidentes, en donnant une priorité par des appuis financiers et professionnels aux habitants qui souhaiteraient rester (cela demande des capacités d'innovation financière)
...
- Délimiter des Zones territoriales à distance raisonnable et attractive des centres d'activité économique, afin de les proposer de façon prioritaire aux ménages moins aisés sans exclure les plus nantis. Cela en établissant des conditions strictes favorisant une cohabitation
...
Cela reste faisable, mais rentretait en conflit avec des logiques locales de l'entre-soi, conditionnées par le Revenu Initial ou l'héritage patrimonial.
Une logique difficilement dissociable dans son expression, de la Loi du Marché. On ne peut pas forcer des ménages à cohabiter.
Il y a plusieurs pistes de solution...
Les plus viables passent par le renforcement du niveau de vie des populations, par un développement économique plus inclusif, donc par une amélioration du modèle de croissance, privilégiant donc la "productivité à retombées inclusives"...
Le problème est économique et profond, et ne se résorbera pas seulement avec une focalisation sur la variation des Prix de Marché.
Il est structurel, car des solutions passent par la dépolarisation économique du pays, et par la multiplication de bassins économiques dynamiques...
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