Première édition de #MachinesVivantes, pour parler biologie et métabolisme. En bon microbiologiste j’aurai pu parler d’E. coli, mais ça a déjà été fait avec brio par @Benjamin_microb , donc à la place je vais parler de mon compagnon de thèse : Clostridium acetobutylicum 1/12
Quand on parle des Clostridium, en général on a en tête les moins fréquentables d’entre eux : C. tetanii et C. botulinum, avec leurs maladies associées, le tétanos et le botulisme (cc @docprimum ). Mais pas d’amalgames ! Il y a des Clostridium sympas comme C. acetobutylicum 2/12
Pourquoi s’intéresser à cette bestiole ? Parce que son métabolisme particulier en fait une mini plateforme chimique. Mais pour expliquer son intérêt potentiel, parlons d’abord de son métabolisme (= l’ensemble des réactions chimiques qui se déroulent au sein de cet organisme) 3/12
C. acetobutylicum est anaérobie : il n’est pas capable d’utiliser le dioxygène pour respirer comme nous (l’O2 lui est même toxique). Son moyen de survie, c’est de fermenter du sucre. Et là, il sait se rendre utile contrairement à ses cousins pathogènes. 4/12
C. acetobutylicum est ce qu’on appelle un « solvantogène ». Il consomme des matières végétales (du sucre et de l’amidon) pour en extraire l’énergie nécessaire à sa croissance, et relâche des acides (acétique et butyrique) comme déchets. 5/12
L’accumulation de ces acides est toxique pour lui au-delà d’un certain seuil. C. acetobutylicum est alors capable de re-consommer partiellement ses propres déchets, pour en faire un mélange d’Acétone, de Butanol et d’Ethanol (regroupés sous le terme ABE). 6/12
La fermentation ABE intéresse aujourd’hui des industries, mais n’est en fait pas récente. L’acétone produite par fermentation a été utilisée dès 1915 pour faire de la cordite pour… les obus (entre les pathogènes mortels et l’industrie de guerre, Clostridium ça se pose là..) 7/12
Le procédé est ensuite tombé en désuétude au cours du XXème siècle à cause de l’essor de la pétrochimie alors florissante, et ce n’est que depuis les années 80 que la fermentation ABE revient sur le devant de la scène dans le cadre de la chimie verte. 8/12
Des recherches sont en cours sur les solvantogènes et les envisagent comme l’une des alternatives biosourcées pour produire des molécules chimiques de base, et ainsi espérer un jour se passer de la pétrochimie 9/12
Parmi les molécules issues des solvantogènes et ayant un intérêt, on trouve le butanol, une brique chimique de base et un biocarburant potentiel; et l’isopropanol, un désinfectant et dissolvant courant, et un précurseur du polypropylène, le 2ème plastique le plus utilisé. 10/12
Un tas de problématiques animent la recherche autour des solvantogènes : comment améliorer leur rendement ? Peut-on les nourrir de matières végétales sans entrer en conflit avec l'industrie agroalimentaire ? Peuvent-ils servir à produire d’autres composés chimiques ?... 11/12
Voilà qui conclut ce thread qui avait pour but de redorer un peu le blason du genre Clostridium, un genre riche et subtil, capable du pire comme du meilleur (enfin je crois…). 12/12
Et bien sur les sources principales du thread :
10.1128/AEM.43.6.1434-1439.1982
10.1016/j.ymben.2011.04.006
10.1186/1471-2148-4-44
10.1016/0167-7799(83)90020-3
10.1128/AEM.43.6.1434-1439.1982
10.1016/j.ymben.2011.04.006
10.1186/1471-2148-4-44
10.1016/0167-7799(83)90020-3