Hier j'ai revu WALL-E, ce que j'avais pas fait depuis des années, et j'ai été frappé par son générique de fin (dont j'avais aucun souvenir...), parce qu'il est super malin et surtout parce qu'il déborde de références à l'histoire de l'art.
Ça vous tente on en parle un peu ? ⤵️
Avant toute chose, si vous voulez vous rafraîchir la mémoire, le générique est dispo ici (la qualité est vraiment pas ouf mais disons que c’est mieux que rien) :
Ce générique joue en quelque sorte le rôle d’épilogue, dans le sens où il présente de manière condensée les événements qui suivent la fin du film. Pour rappel, WALL-E s’achève juste après le retour des humains sur Terre, qui peut de nouveau accueillir la vie.
Mais à part ce détail la planète est complètement dévastée, saturée de déchets, et les humains vont devoir reconstruire peu à peu leur civilisation en partant de zéro, et réapprendre à vivre sur Terre en se débrouillant seuls.
C’est cette reconquête progressive de leur planète et de leur indépendance que met en scène le générique, à travers une direction artistique évolutive qui s’inspire de courants artistiques connus, censés refléter les progrès humains en matière de pratiques et de technologies
Première étape, et premier temps du générique, le retour à la terre et surtout la redécouverte du feu. Du coup pour coller à l'ambiance paléolithique, la direction artistique penche du côté de l'art pariétal
La couleur brune / ocre rouge des figures rappelle les oxydes ferreux utilisés comme pigments dans des grottes comme celles de Lascaux ou d'Altamira + la lumière est vacillante, ce qui suggère que la scène est éclairée à la lampe ou à la torche (comme au Paléolithique).
Deuxième temps du générique : le feu est maîtrisé et les humains commencent à contrôler leur approvisionnement en eau, ce qu’exprime l’édification du puits. Pour faire écho à ces progrès, la DA évolue elle aussi et puise cette fois son inspiration dans l’art de l’Egypte antique
On trouve plusieurs éléments caractéristiques : les aplats de couleurs, les contours noirs, l'association image/texte (notez les pseudo-hiéroglyphes en partie supérieure), les postures étranges qui parodient la manière particulière dont les Egyptiens représentaient les corps...
Troisième étape, la redécouverte de l’agriculture. La direction artistique poursuit sa progression dans la chronologie des arts et des civilisations en imitant cette fois la céramique grecque antique, et plus précisément la céramique dite "à figures noires".
Même si la bande bleue en partie basse est une entorse aux codes de la céramique grecque, on y trouve tout de même un motif ornemental hyper classique qu'on appelle "méandre" ou "clé grecque". Vous pouvez le comparer à celui qu'on trouve au registre inférieur de l'amphore à côté.
Le générique enchaîne avec une évocation du monde marin, dont la prolifération de la faune confirme que la Terre est de nouveau un berceau de vie.
De manière assez judicieuse l'image change de style pour imiter la mosaïque, et suggérer de ce fait qu'on passe à l'époque romaine. L’art de la mosaïque était en effet typiquement romain, sans compter que le thème de la mer était particulièrement fréquent.
On plonge ensuite avec les poissons pour faire la transition et on se retrouve face à un paysage dans lequel un homme et un robot pêchent ensemble dans un petit cours d'eau.
Cette fois-ci on sort clairement de l'antiquité pour entrer de plain-pied dans l'art de l'époque dite moderne (en gros XVIe XVIIe XVIIIe siècles) en zappant totalement la période médiévale. Le style de la représentation m'évoque des dessins français du XVIIe / XVIIIe siècles
Après l’exploitation des ressources naturelles vient l'étape du commerce : une fois pêché le poisson se retrouve vendu ou échangé. La direction artistique se maintient, on est toujours à l'époque moderne, toujours dans un style de dessin réalisé à l'encre et à la plume.
En revanche la présence de notes manuscrites en partie supérieure de l’image m’évoque fortement les carnets de Léonard de Vinci, dans lesquels il annotait très souvent ses croquis / illustrait très souvent ses textes. Mais c’est pas tout.
Lors de la transition avec la scène suivante un motif très spécifique apparaît un instant à l'image : trois roues dentées reliées par une courroie. Pour moi c'est un autre clin d'œil à Léonard qui, en tant qu'ingénieur, a imaginé de nombreux systèmes de transmission, rouages, etc
La place de la technique et des sciences se confirme dans la scène suivante : les humains se font bâtisseurs et commencent à reconstruire les édifices de leurs lointains ancêtres.
Stylistiquement je suis assez hésitant. La DA rappelle la technique de l'aquarelle et m'évoque certains dessins d'architectures de la seconde moitié du XVIIIe siècle, qui comportaient souvent des rehauts de couleurs à l'aquarelle, mais je ne m'avancerai pas plus loin.
La transition qui suit est assez astucieuse et surtout très signifiante : un robot passe devant l’écran et peint littéralement le paysage urbain qu’on avait devant les yeux. Le passage du dessin à la peinture peut être compris comme une sorte de métaphore du progrès des humains.
Un nouveau paysage s’offre à nous, avec à l’arrière plan une suite ininterrompue d’imposants édifices, et au premier plan un lac sur lequel voguent de petits voiliers. Enfin, l’ensemble de la scène baigne dans la lumière flamboyante du soleil couchant (levant ?)
Du point de vue de l’histoire de l’art on nage en plein XIXe siècle, la nature de la scène et son traitement plastique s’inspirant directement du travail de Monet et surtout de Turner, spécialiste incontesté du combo eau + bateaux + soleil
La scène suivante évoque l’insouciance, les loisirs et le repos qui succèdent au labeur : les humains ont remis sur pieds leur civilisation, ils peuvent désormais profiter un peu.
On est cette fois-ci à la toute fin du XIXe, au début du postimpressionnisme. Aussi bien l'iconographie que le traitement plastique (dit "pointilliste") rappelle l'art de Seurat, qui a plus d'une fois représenté ses contemporains durant leurs moments de loisirs ou de détente
Enfin, ce générique s'achève sur un superbe hommage à Van Gogh. Au-delà de sa touche si particulière on retrouve aussi deux de ses motifs favoris : les tournesols et les nuages tourbillonnants. Une explosion de couleurs qui conclut de manière positive cette reconquête de la Terre
En guise de conclusion, deux remarques :
- Les références culturelles et artistiques sont très très européanocentrées
- Absence totale d'art du XXe siècle, p-ê parce que ce qui l'identifie le plus est l'art non figuratif (donc difficile de représenter des figures, paysages, etc.)
Voilà, ce thread est maintenant terminé ! J'ai pas pu vraiment rentrer dans le détail, c'était un peu brouillon, mais j'espère que ça vous aura plu !
Bonne soirée ❤️
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