THREAD : Première loi de Newton, référentiels galiléens, force d'inertie, et autres joyeusetés.

Déroulez les copains, on va bien s'amuser !
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Certaines personnes ( @Tschussi_ pour ne pas la nommer) me chuchotent à l’oreille qu’elles ne savent pas ce qu’est un référentiel. https://twitter.com/Tschussi_/status/1291404488029483008?s=20
C’est pourquoi je me propose de faire un thread pour expliquer cette notion à la fois fondamentale et fascinante de la physique. Ceux qui ont fait un tant soit peu de mécanique trouveront que j’enfonce des portes ouvertes. Qu’à cela ne tienne, ce thread ne s’adressait pas à eux.
N.B. : Je crois me douter que @Tschussi_ voulait signifier qu’elle n’en avait cure de ces notions de physique. Qu’à cela ne tienne, il n’y a jamais de mauvaises occasions de parler de physique.
I - C’est quoi un référentiel ?

La notion de référentiel est une notion issue de la mécanique, qui est la discipline de la physique qui s’intéresse aux mouvements des corps.
D’aucuns - dont moi - considèrent la mécanique comme le fondement de la physique, au sens où les raisonnements, les méthodes et les principes de la mécanique se retrouvent dans toutes les autres branches de la physique.
Mais, alors, la notion de référentiel constituerait le fondement conceptuel du fondement de la physique, d’où l’intérêt porté à cette notion.
Parlons donc de mouvement. Considérons par ex une 1° personne, Alice, sur un quai de gare, et 2 autres personnes, Bob et Claude, assises l’une en face de l’autre dans un train qui vient de partir, et supposons qu’Alice et Bob, physiciens amateurs, étudient le mouvement de Claude.
Selon Alice, Claude est en mouvement, son mouvement étant en fait identique à celui du train. Mais, selon Bob, qui est assis face à Claude, ce dernier est absolument immobile ! Qui a raison ?
On serait tenté de dire que c’est Alice qui a raison et que si, selon Bob, Claude est immobile, c’est parce que Bob est lui-même en mouvement et que, donc, son étude est biaisée.
Certes, mais, si l’on y réfléchit attentivement, Alice est sur la Terre, et la Terre précesse (elle tourne sur elle-mm et autour du Soleil), donc Alice est aussi en mouvement, donc l’étude d’Alice serait aussi faussée, il faudrait observer un mouvement depuis la surface du Soleil
Nonobstant l’aspect peu pratique de ces considérations, il s’avère que le Soleil, lui aussi, précesse ! Aaaargh ! Nous sommes perdus !
En vérité, non. Ce qu’il faut retenir de tout cela, c’est que le mouvement d’un objet dépend de l’observateur. Alice et Bob ont tous deux raison, simplement, ils n’étudient pas le mouvement dans le même référentiel.
C’est bien cela, un référentiel : un solide de référence par rapport auquel on étudie le mouvement d’un objet.
Quand Alice étudie le mouvement de Claude, elle l’étudie par rapport à elle-même : le référentiel est donc Alice. Il n’est pas interdit, en mécanique, d’étudier le mouvement d’un corps dans n’importe quel référentiel...
...en revanche, l’étude peut, en fonction du problème considéré, s’avérer plus simple dans un référentiel que dans un autre.
Par exemple, il est bien connu que la Terre tourne autour du Soleil. Cela signifie, pour utiliser le vocabulaire que nous avons développé que, dans le référentiel héliocentrique (= dont l’origine est le centre du Soleil), le mvmt du centre de la Terre est un mvmt circulaire.
Mais, dans le référentiel terrestre, le Soleil est en mouvement : c’est bien ce que nous observons quand nous voyons le Soleil se lever à l’Est puis se précipiter à l’Ouest pour s’y coucher.
Mais, quand on y réfléchit un peu, le référentiel héliocentrique est de loin préférable au référentiel terrestre pour l’astronomie : dans le référentiel héliocentrique, toutes les planètes ont un mouvement de rotation...
...alors que le mouvement des planètes dans le référentiel terrestre est plus compliqué.

(Par exemple, Mars vue depuis la Terre a un mouvement qui forme des boucles, on appelle ça le mouvement rétrograde de Mars)
II - Les référentiels galiléens

Nous avons donc expliqué que l’étude du mouvement d’un corps (et donc les caractéristiques du mouvement, notamment la vitesse) dépend du référentiel considéré, et que le choix du référentiel est caractérisé par des raisons de commodité...
... un référentiel étant privilégié par rapport à un autre en fonction du problème physique. Mais, en vérité, il existe des référentiels privilégiés dans l'absolu, dans lesquels les lois de la mécanique s’expriment, quel que soit le problème considéré, de façon plus simple.
Ce résultat porte le nom de principe d’inertie, ou première loi de Newton, et il s’énonce plus précisément comme cela :
"Il existe une classe de référentiels privilégiés, appelés référentiels galiléens, dans lesquels tout corps n’étant soumis à aucune force (ou, ce qui est équivalent et plus réaliste, à des forces qui se compensent) a un mouvement rectiligne uniforme (= à vitesse constante)."
Ce cas semble très spécifique, trop spécifique, et il l’est, en un sens.
Le grand oeuvre de la théorie classique de la mécanique fondée par Isaac Newton n’est pas tant la première loi de Newton (qui d’ailleurs n’est pas tant due à Newton qu’à Galilée, environ un siècle avant) que la seconde loi de Newton, qui s’énonce comme suit :
Dans un référentiel galiléen, la somme des forces F subies par un objet vérifie F = m*a avec m la masse de l’objet et a son accélération.
Là, dit comme ça, ça n’a pas l’air si extraordinaire, mais en vérité cette loi est la plus formidable de la mécanique classique, précisément parce qu’elle en est le fondement théorique (oui, j’aime bien les fondements moi).
En effet, cette loi relie deux éléments : les forces qui agissent sur un corps, causées par le monde extérieur (la Terre qui cause la force de pesanteur, un fluide qui génère la poussée d’Archimède, etc), et son accélération.
Mais, une fois que l’on connaît l’accélération, on peut déterminer par le calcul la position au cours du temps, et donc le mouvement, de notre objet, et ainsi nous avons résolu notre problème de mécanique !
D’un point de vue théorique, la 2nde loi de newton est un principe général qui permet de déterminer par le calcul la position au cours du temps de tout système physique qui ait été correctement modélisé (= dont on a déterminé correctement l’expression des forces agissant dessus).
Mais revenons à la première loi : il est intéressant de constater que cette loi ne postule pas l’existence d’UN référentiel privilégié mais bien d’une classe de référentiels privilégiés.
Un référentiel galiléen ne sera pas plus valable pour l’étude du mouvement d’un corps qu’un autre. Ce résultat est connu sous le nom de relativité galiléenne, et mérite que l’on s’y attarde.
Si vous avez, selon le référentiel terrestre, un mouvement rectiligne uniforme, vous êtes vous-même un référntl galiléen, et il n’y a donc aucune différence entre dire que vous vous déplacez et que le sol est immobile OU que vous êtes immobile et que c’est le sol qui se déplace.
Il n’existe aucune expérience permettant de discriminer ces deux situations. C’est ce que vous expérimentez quand vous êtes en avion : en dehors des phases de décollage et d'atterrissage, vous suivez un mouvement rectiligne uniforme et vous ne “sentez pas” de mouvement.
Si en plus vous regardez par le hublot, vous voyez les nuages se déplacer dans la direction opposée à la vôtre.
C’est également l’équivalence absolu entre tous les référentiels galiléens qui justifie le fait suivant, relaté par Galilée : sur Terre (dans le référentiel terrestre), les objets tombent à la verticale.
C’est à dire que si les objets sont lâchés sans que, par rapport au référentiel terrestre, on ne leur communique de vitesse initiale (on les lâche, on ne les lance pas), ils tombent à la verticale.
Considérons maintenant un bateau (c'est là que commence l'expérience de Galilée) qui se déplace à vitesse constante sur l’eau, et quelqu’un en haut du mât qui lâche un objet.
Celui-ci tombe au pied du mât, et non en arrière de celui-ci, précisément parce que dans le ref galiléen du bateau l’objet est lâché sans vitesse initiale, et que, donc, en vertu de l’équivalence entre tous les ref galiléens, il doit tomber à la verticale dans le ref du bateau.
III - Les référentiels non galiléens
Nous sommes maintenant familiers avec les référentiels galiléens, mais le monde n’est pas constitué que de tels référentiels ! Que se passe-t-il si nous ne sommes pas situés dans un tel référentiel ?
Nous allons pour tâcher d’y voir plus clair partir d’un exemple clair : considérons une voiture qui roule en ligne droite à vitesse constante par rapport au sol, donc au référentiel terrestre. Cette voiture forme donc un référentiel galiléen.
Imaginez que vous êtes dans cette voiture, à la place du mort, et qu’à un moment, le conducteur freine violemment (ce qui fait que le référentiel de la voiture n’est plus galiléen, puisque la vitesse n’est plus constante) :
vous êtes projetés en avant, vers le pare-brise, il doit donc y avoir une certaine force qui agit sur vous pour vous projeter.
Maintenant considérons les choses du point de vue du référentiel terrestre. Du point de vue du référentiel terrestre, vous et la voiture étaient tous deux en mouvement rectiligne uniforme. La voiture a freiné, mais pas vous !
Vous, vous n’avez aucune raison de ne pas persévérer dans votre mouvement rectiligne uniforme, et, du point de vue du référentiel terrestre, c’est bien ce que vous faites.
Mais, comme vous avez un mouvement rectiligne uniforme, ça veut dire, en vertu de la première loi de Newton, que, précisément, aucune force n’agit sur vous, ce qui est contradictoire avec l’observation du référentiel de la voiture.
C’est justement cela qu’il faut conclure : dans un référentiel non galiléen, la deuxième loi de Newton reste valable à condition d’ajouter, en plus des forces déjà présentes, des “pseudo-forces” appelées forces d’inertie, qui n’existent QUE DANS LES RÉFÉRENTIELS NON GALILÉENS :
ces forces ne sont qu’une “astuce mathématique” qui permet d’interpréter les faits observés.
Ce sont des pseudos-forces parce qu’une vraie force est, nous l’avons dit, générée par le monde extérieur. Par exemple, un fluide crée la poussée d’Archimède. Le fluide existe, indépendamment du référentiel, ce qui n’est pas le cas des forces d’inertie.
Mais il y a une question que nous avons jusqu’à présent soigneusement éviter de poser, et qui est pourtant essentielle : comment savoir si un référentiel donné est galiléen ?
Les physiciens vous diront qu’un ref est galiléen s’il possède un mouvement rectiligne uniforme par rapport à un autre ref galiléen, ce qui est vrai mais n’est pas pratique, puisque pour trouver un référentiel galiléen, il faut d’abord trouver… un autre référentiel galiléen !
En fait, cette question n’a pas forcément de réponse très profonde : un référentiel est galiléen si on constate, en faisant des expériences, que ce référentiel... est galiléen, c’est à dire que tout marche comme prévue par la deuxième loi de Newton.
Par exemple, dans l’étude de notre voiture qui freine, nous étions parti du principe que le référentiel terrestre était galiléen.
Or, la Terre tourne sur elle-même, donc, en d’autres termes, le référentiel terrestre est en rotation autour du référentiel géocentrique, or la rotation est une notion peu compatible avec celle de référentiel galiléen.
Mais d’un autre côté, le référentiel terrestre a quand même l’air vachement galiléen : par exemple, les objets tombent à la verticale dans le référentiel terrestre, comme prévu par la deuxième loi de Newton.
La réalité c’est qu’un référentiel n’est galiléen que si les expériences sont très courtes devant la durée de rotation du référentiel.
Ainsi, le ref terrestre fait une rotation autour du référentiel géocentrique en 24 heures, donc dès lors que l’expérience de mécanique que vous réalisez a une durée largement inférieure à vingt-quatre heures, vous pouvez totalement considérer le ref terrestre comme galiléen.
Un exemple fameux de cas où le référentiel terrestre ne peut plus être considéré comme galiléen est l’expérience de la déviation vers l’Est : elle consiste à creuser un puits très très très profond et à jeter un objet du haut de ce puits.
Si le référentiel terrestre était galiléen, l’objet devrait tomber parfaitement à la verticale. Or, dans ce cas, on observe une légère déviation de la trajectoire vers l’Est. Dans le référentiel terrestre - non galiléen - on interprète cela comme l’action d’une force d’inertie.
Dans le référentiel géocentrique, qui est galiléen, l’objet tombe en ligne droite, mais, comme la terre tourne d’Ouest en Est, le temps que l’objet ne touche le fond du puits, la Terre a un petit peu tourné, d’où la déviation “apparente”.
Voilà, nous avons pu partir à la rencontre de la notion de référentiel, et par-là même nous frotter à quelques principes et résultats essentiels de la mécanique classique.
J’espère avoir été aussi clair que possible, en particulier pour ceux qui ne sont pas experts dans ce domaine : c’est à eux que s’adresse ce thread.
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