💡Twitter permet maintenant de limiter qui peut répondre à un tweet. Ça fait vivement réagir, notamment en soulignant que les discours foireux ne pourront plus être critiqués en réponses… mais ne nous arrêtons pas au palier de la réflexion.
Quelques points de réflexion en vrac :
Ce choix peut effectivement altérer la visibilité de la critique. C'est d'autant plus marquant sur un média aussi horizontal que Twitter, où la réponse à un post est par design présentée comme d'une valeur similaire (quoique pas tout à fait égale) au post original.
Néanmoins est-ce une grande nouveauté qui va changer comment le bullshit se propage ? Pas sûr du tout.
Après tout, les articles de journaux, les livres, les émissions TV et radio, etc proposent rarement voire jamais, attachée, une tribune pour leur critique.
Ils sont néanmoins critiqués, dans des contenus n'y étant juste pas mécaniquement connectés.
Ce mode de critique de fait plus traditionnel restera inévitablement disponible. On pourra toujours faire ce qui se fait déjà pas mal : critiquer via RT, screen, sans référence…
D'ailleurs, la réalité de ces pratiques pré-existantes nous met sur la voie d'autres réflexions pertinentes, notamment la question de la visibilité :
Si des gens critiquent en screenant, c'est notamment parce que critiquer en réponse booste la visibilité du post critiqué.
A contrario, une critique sur son mur plutôt qu'en réponse sera plus visible auprès des followers, plus probablement partagée, etc. En d'autre terme, une visibilité accrue pour ladite critique… mais par contre auprès d'une communauté qui pense probablement déjà un peu pareil.
Estimer ce qui a le plus d'impact dans le sens désiré n'a rien d'évident, nécessiterait de creuser la littérature concernée*, et encore… et des phénomènes comme la réactance rendent la question encore plus complexe.
(* Mon but n'est pas de trancher, juste élargir la réflexion.)
Par ailleurs, si l'on s'intéresse à la qualité des débats produits, on peut s'interroger sur si avoir à tweeter sur son mur plutôt qu'en réponse n'incite pas (en moyenne) à réfléchir un peu plus à l'utilité de son tweet, et à éviter ce qui pourrait relever de la “pollution”.
Une autre source d'incertitude liée à l'impact sur la visibilité est l'impact des interactions réelles ou apparentes avec “sa communauté” (social & parasocial).
Que la commu de quelqu'un puisse répondre et se sentir à peu près au même niveau favorise attachement et participation.
Dans certain cas, les réponses peuvent être le lieu même où cette communauté prend corps, participant donc à l'identification à ladite communauté (groupe social d'identification), et favorisant donc le partage des contenus, des discours, des valeurs, etc.
Un dernier point rendant loin d'être évident l'impact de bloquer les réponses sur l'audimat, c'est l'impact sur le jugement : comment sera interprété un tel choix ? comment affectera-t-il sciemment ou non la perception de fiabilité ou sincérité ou etc du discours ?
Il est souvent utile de passer par un cas similaire mais distant pour élargir son regard (tout en gardant à l'esprit que tout n'est pas a priori transposable) : pensez donc aux impacts de fermer les commentaires des vidéos Youtube.
Notez que toutes ces remarques s'intéressaient uniquement à l'impact sur l'audimat, et ne concernaient donc qu'un bout du problème. Il est maintenant temps d'interroger l'autre bout : ce que ça implique du côté de l'auteur ou autrice des tweets.
Il faut bien avoir conscience que tweeter sur un sujet peut impliquer, du fait des réponses déclenchées, des coûts. Notamment un coût moral, lié à l'exposition aux réponses accumulées (harcèlement typiquement, mais parfois même des réponses de bonne foi), et un coût temporel.
À “coût temporel”, certains diront qu'on peut toujours ignorer, mais c'est loin d'être évident (coût moral bis) quand ça s'affiche dans vos mentions et quand vous réalisez que votre tweet et sa visibilité servent de tribune à des discours que vous jugez hautement problématiques.
Ce dernier point met en lumière un point :
Les auteurs et autrices n'ont pas forcément à accepter que nos productions (tweets) servent de tribune à ce qu'iels jugent être de la merde, et n'ont non plus pas forcément le temps (voire la disponibilité mentale) de gérer ça.
Ainsi, la possibilité de bloquer les discours pourrait aussi — au contraire — favoriser un débat d'idée (à l'échelle de la société) plus équilibré, en favorisant les expressions de discours et/ou d'individus souvent attaqués (typiquement car hors du status quo, narginalisés, …).
Conclusion :
Cette option de bloquer les réponses a des effets complexes à estimer, faisant intervenir des phénomènes variés.

Ouvrons en soulignant qu'au final, Twitter ne fait que fournir une option. Les auteurs et autrices choisiront en fonction de ces facteurs, de leur vie…
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