Bonjour. Je voudrais aujourd'hui formuler quelques remarques sur ce graphique, et plus généralement sur les graphiques de @OurWorldInData que @ConstruirAvenir mobilise pour démontrer que les émissions de CO2 peuvent se dé-corréler de l’augmentation du PIB. Thread 👇🏼 https://twitter.com/ConstruirAvenir/status/1292908511928745984
J’avais déjà démontré arithmétiquement toutes choses égales par ailleurs que ce n’était pas encore le cas, et que c’était fortement improbable, grâce à l’équation de Kaya : https://twitter.com/energieetclimat/status/1292933274289881088?s=20
Mais le fait est que les graphiques qu’ils mobilisent tendraient à montrer une tendance à la baisse des émissions, même en tenant compte des importations.
Voilà de quoi éveiller ma curiosité sachant que tous les chiffres à ma connaissance démontrent quand à eux que l’empreinte carbone d’un français évolue très peu depuis les trente dernières années, autour de 11teqCO2.
On observe que l’empreinte carbone en équivalent CO2 d’un français est relativement stable depuis 1995, elle a même augmenté légèrement.
Ainsi, contrairement à ce que décrit le graphique mobilisé par Construire l’Avenir, les émissions de gaz à effet de serre par français et par an non seulement ne diminuent pas, mais croissent.
En fait, le problème des graphiques de @OurWorldInData est qu’ils ne semblent prendre en compte que les émissions de dioxyde de carbone, et pas les émissions de tous les gaz à effet de serre réunis.

Sinon, leurs graphiques indiqueraient "eqCO2" et non seulement "CO2"
C’est là une erreur majeure qui explique sans doute les différences avec les chiffres du gouvernement français.

En effet, si on prend l’exemple du méthane, celui ci compte pour la majorité des émissions de GES du secteur de l’élevage et donc de l’alimentation des français.
Cet impact n’est donc pas pris en compte alors que le méthane a un effet réchauffant 28 fois supérieur au CO2 à intervalles de temps égaux.
De surcroit, cette hypothèse d’erreur est corroborée par le fait que l’article complet de Our World In Data traite de l’impact des autres GES indépendamment du CO2, dans d’autres graphiques. https://ourworldindata.org/co2-and-other-greenhouse-gas-emissions
En somme, il faut donc toujours bien vérifier que les graphiques mobilisés utilisent bien l’"équivalent CO2" pour avoir une approche globale du problème.
Je pense donc qu’attendre une rectification publique de la part de l’équipe de Construire l’Avenir est légitime, face à une grave lacune qui bat en brèche certains de leurs raisonnements.
Pour revenir au postulat de départ de @ConstruirAvenir, on peut donc constater que :
Bien que le PIB français par habitant ait en effet légèrement cru entre 1995 et 2017 (passant de 29,515$ de 2011 par an et par habitant à 38,602$ de 2011 par habitant et par an en 2017, soit une augmentation d’environ 1% par an.)
👉🏼Les émissions de GES ne diminuent pourtant pas, voire augmentent légèrement. L’empreinte carbone moyenne d’un français par an est toujours de l’ordre de 10teqCO2 depuis 1995.
Or, pour limiter le réchauffement climatique à +2 degrés Celsius en 2050 par rapport à l’ère pré-industrielle, il faut que l’empreinte carbone d’un français tombe à… 2teqCO2 par an, soit une diminution d’environ 4-5% par an.
Ce n’est clairement pas ce que l’on observe.
Alors pourquoi n’arrive-t-on pas à augmenter la production économique par personne tout en diminuant nos émissions ?
Pour le comprendre, il faut observer l’évolution des différents facteurs de l’équation de Kaya, chose que j’ai tenté de faire ici https://twitter.com/energieetclimat/status/1292933274289881088?s=20 et que je vais à nouveau résumer :
En fait, si on veut diviser par 3 les émissions de CO2 d’ici à 2050 tout en augmentant la production économique par personne et la population,
il faudrait que l’intensité énergétique de l’économie ainsi que la "carbonation" de l’énergie diminuent drastiquement et très rapidement, ce qui n’est clairement pas ce que l’on observe à l’heure actuelle (toutes choses égales par ailleurs) :
👉🏼L’intensité carbonique de l’énergie stagne :
👉🏼 L’intensité énergétique de l’économie diminue faiblement, en tout cas largement pas assez rapidement.
Ainsi, le facteur "production économique par personne" est donc objectivement à la fois celui sur lequel nous avons le plus d’emprise, et celui qui diminuerait le plus rapidement et efficacement des émissions de GES.
Je ne dis pas que c’est souhaitable, facile ou sans conséquences, mais c’est un constat objectif : si demain nous réduisons drastiquement la production économique, l’effet sur les émissions sera immédiat, et c’est ce dont nous avons besoin.
Je pense donc qu’une telle décroissance gérée de la production économique aurait non seulement l’effet sur les émissions de GES immédiat et efficace dont nous avons besoin,
mais surtout qu’elle ne rencontrerait pas autant de problèmes qu’un monde au réchauffement climatique généralisé qui a la possibilité d’affecter très profondément la vie de plusieurs milliards d’humains.
Il faut donc faire la hiérarchie de ses nuisances tant qu’on a encore le choix. Vaut-il mieux renoncer aujourd’hui à une part significative de son PIB i.e de son confort ou aller au devant d’un chaos généralisé et non maitrisé ?
Fin du thread. Merci de m’avoir lu. Je suis évidemment ouvert à toutes les remarques et objections.
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