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🧜🏻‍♀️Pendant que certains sont à la plage, je vais vous présenter un objet insolite qui a eu son petit succès dans le passé : La Fiji mermaid ou Feejee Mermaid et en français, la sirène des îles Fidji. Un objet incontournable du monde muséal de nos jours (oui oui). 🧜🏻‍♀️
Il faut remonter au XIXe siècle à l'époque où l'on visite les foires et les fêtes foraines avec des spectacles “exotiques” ou encore tout bonnement ce qui était appelé des Freak Shows. La recherche du frisson et du spectaculaire mène les visiteurs en ces endroits.
Et si il y en a un qui a compris que son petit business pouvait prendre une sacrée ampleur, c'est bien Phineas Taylor Barnum, cet américain qui se lance durant ce siècle dans le monde des spectacles
Ici une cire de la main du géant de Barnum vue au musée Fragonard.
Pour sa première sirène, Barnum est malin puisqu'il va jouer sur l'effet boule de neige des journaux : il va envoyer l'information aux médias et ces derniers vont publier des articles de façon simultanée. Ce qui lui assure une belle publicité.
Tout le monde veut se précipiter pour voir la sirène ! Les anatomistes ne sont pas plus étonnés que ça de la potentielle existence de sirène car après tout, pour eux, beaucoup d'animaux marins portent des noms anglais : sea-horses, sea-lions, sea-dogs. Va pour Sea-woman hein !
En réalité, une des grosses déceptions du public s'avère être qu'on leur avait vendu dans les journaux des sirènes aux seins nus et graciles....
Et qu'ils se retrouvent devant cette chose disons le, fort vilaine. Certains journaux disent même “the Feejee lady is the very incarnation of ugliness.” La Dame des Fidji est vraiment l'incarnation de la laideur”.
Mais cela faisait le bonheur des naturalistes qui viennent eux aussi découvrir la sirène, l'analyser et en débattre pour savoir si oui ou non cela est vrai ou si c'est une grosse arnaque.
Bien sûr, venant de Barnum, c'est une grosse arnaque. En revanche là où c'est intéressant, c'est de comprendre la provenance. On part alors au Japon découvrir la ningyo.
La ningyo est tout simplement la sirène de ma mythologie japonaise. Lorsqu'elles étaient capturées, il était dit qu'elles déclenchaient les pires catastrophes. Pour autant, assez tôt dans leur histoire les japonais ont créé des répliques de femmes sirènes.
Et là on va avoir notre second retournement de situation muséal : Après la pièce XIXe, on part sur des pièces japonaises pouvant être bien plus anciennes ! Double intérêt pour les sirènes vilaines.
Les fausses sirènes sont dans les temples afin de conjurer les épidémies ou tout autre évènement chaotiques. Les japonais fabriquent alors ces fausses sirènes et au XIXe ces dernières intéressent beaucoup les européens et les américains. Si Barnum présente la première en 1842
La vente en masse s'est produite à peu près 10 ans plus tard de la part des artisans japonais. Comme ils ont remarqué que leur artisanat avait un petit succès, ils en ont profité. Les sirènes vendues n'étaient alors ni sacrées et n'avaient pas un intérêt religieux.
Un des autres noms donné à ces pièces et tout simplement : Japanese Monkey Fish. Le singe poisson japonais car comme vous l'avez compris il ne s'agit pas d'une sirène mais d'un mélange de taxidermies. Et même que dans les musées on les scanne pour savoir ce qu'il y a dedans
Ici par exemple on voit un simulacre d'intérieur créé avec du bois, des fils de métal et une texture fibreuse pour remplir l'intérieur. Bien souvent le crâne était un crâne de singe mais l'intérêt des chercheurs se porte sur l'intégralité de ces pièces : quel est cet artisanat?
Comment les japonais ont fait évoluer leur production de sirènes ? Quels étaient leurs outils ? Tant de questions qui émergent de ces pièces héritées du XIXe et qui sont comparées aux pièces plus anciennes dans les temples japonais.
Et comme la production et l'achat de ces sirènes a été à la mode, les musées actuels ont souvent des pièces ! Ici c'est au Science Museum de Londres. Et ces dernières sont donc conservées et étudiées. Une conservation particulière à cause des divers éléments dont les écailles !
Pour en revenir à Barnum et ses compères, le doute autour de la sirène n'a pas duré bien longtemps car l'origine douteuse et surtout la fausseté de l'objet ont été rapidement découverts. Mais cette sirène a mis un sacré cirque dans les affaires car certaines personnes
ont continué à penser qu'elle était vraie. Bref, dans tous les cas celle de Barnum aurait brulé dans un des incendies de ses collections. Toujours est-il qu'à l'heure actuelle, ces pièces ont une histoire double : celle de leur production et celle de leur utilisation.
C'est jackpot pour les musées qui en ont une ! A condition de bien s'en occuper et de lui éviter des aléas avec l'humidité mais aussi une altération des ossements et taxidermies qui la composent.
Ainsi, l'autre atout de ces pièces c'est qu'elles sont bien représentées en archives et surtout photographiques. Ce qui permet aussi de mieux retrouver leur lieu de production au Japon voire l'atelier en question.
Ces chimères sont donc des pièces de musées derrière leur apparence parfois grotesque qui a sérieusement fait douter des générations de gens même après la découverte de la supercherie.
En revanche, si pendant votre baignade vous sentez quelque chose vous frôler les jambes, je ne pourrai pas vous dire de quoi il s'agit mais je peux vous dire qu'il ne s'agit pas d'une Sirène des îles Fidji. ;)
Merci d'avoir lu ce thread, je vous souhaite un bel été !
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