Allez histoire d’animer un peu votre dimanche, c’est parti pour la suite de mes aventures au pays merveilleux de l’assistance !

Aujourd’hui édition spéciale problèmes de couple ; moins original que les vampires en Transylvanie, mais on va bien rigoler quand même https://twitter.com/hawthorn_ghost/status/1288119858295525382

7) Les amantes maudites

Tout commence par une chaude journée estivale. C’était ma 3e année de taf, depuis 8h du matin j’enchaînais les mornes dépannages de batterie, et je m’ennuyais ferme.

J’avais besoin de quelque chose d’original, de croustillant, bref de DRAMA.

Sur les coups de 15h, alors que je désespérais de voir un peu d’animation avant la fin de la journée, mon poste sonne. À l’autre bout du fil, un certain Thierry me dit qu’il appelle parce que sa femme est tombée en panne & qu’il faudrait lui envoyer un remorqueur. Classique.

moi : d’accord monsieur, mais pourquoi est-ce vous qui nous appelez et pas votre femme ?

Thierry : oh vous savez ce que c’est, les femmes n’y connaissent rien en bagnoles, je préfère m’en occuper moi-même

moi :

À peine 2mn de conversation et j’étais déjà saoulée, mais au prix d’un énorme effort j’ai réussi à ne pas le traiter ouvertement de bouffon. Cela dit j’ai pris mon meilleur ton passif-agressif pour lui expliquer qu’il valait mieux que je parle directement à sa femme, —

étant donné que c’était elle qui était sur place, qu’elle serait plus à même de me décrire le pb sur la caisse plutôt qu’un vieux gars situé à plusieurs centaines de km du véhicule en panne, et surtout qu’il me fallait sa localisation précise pour pouvoir intervenir.

Thierry : ah ça par contre je peux déjà vous dire ! Elle passait 2j jours à Paris pour son taf et elle rentrait chez nous à Nantes, elle m’a dit qu’elle était en panne vers Angers, sortie ** de l’A10

moi : ...... Angers ? sortie ** de l’A10 ??

moi : vous êtes sûrs monsieur ? L’A10 c’est Paris/Bordeaux, c’est l’A11 qui fait Paris/Nantes

Thierry : ah non non je suis formel, elle a réussi à sortir de l’autoroute avant de m’appeler et elle m’a lu son ticket de péage

moi : ... monsieur je vous assure, la sortie ** de l’A10 c’est une de celles de la ville où se trouve notre centre d’appel, et aux dernières nouvelles on est pas du tout à Angers

Thierry : puisque je vous DIS qu’elle m’a lu son ticket de péage

Là j’ai compris qu’il y avait deux solutions : soit Thierry avait un tel ego de cristal qu’il refusait d’admettre la possibilité de s’être trompé en notant ce que lui disait sa femme, soit on partait sur un drama de grande envergure...

Donc je note le numéro de portable de la meuf, je raccroche avec Thierry, je vais me chercher un thé vite fait et je m’empresse d’appeler sa femme.

Mon radar à drama était en alerte, j’étais sur le qui-vive.

Là je tombe sur une certaine Valérie ma foi très charmante, mais absolument pas sereine. On refait le topo ensemble, oui elle est bien en panne moteur, oui elle a bien réussi à sortir de l’autoroute.

Arrive donc l’épineuse question de savoir quelle autoroute...

[Petit tips d’ailleurs : si jamais vous tombez en panne sur l’autoroute, sachez que l’assistance ne peut pas intervenir directement car il s’agit d’une voie réglementée et seuls les remorqueurs agréés par la préfecture peuvent en sortir un véhicule en panne.]

[Donc si ça vous arrive un jour (ce que je ne vous souhaite pas), il faut appeler avec les bornes oranges ou directement la police avec votre portable, et appeler l’assistance seulement ensuite pour la prise en charge ! Voilà, comme ça tout le monde gagne du temps ]

[Sachez aussi que la voie réglementée va jusqu’au premier rond-point après le péage ; sachez aussi que les périphériques des grandes villes ainsi que certaines nationales sont des voies réglementées. Donc y a bcp de cas où faut passer par la team ACAB avant nous ]

Breeef, reprenons.

moi : alors par contre madame on a l’air d’avoir un petit pb sur la localisation ? Votre mari m’a dit que vous étiez sur l’A10, c’est bien ça ? Sortie ** ?

Valérie : oui, c’est ça

moi : alors le souci c’est que c’est pas du tout vers Angers, ça...

Quelques secondes de silence gêné du côté de Valérie. Je pouvais littéralement entendre les rouages tourner dans sa tête.

Moi pendant ce temps-là j’étais en train de siroter mon thé en me demandant quel mytho elle allait bien pouvoir me sortir.

Et là c’est pas j’entends derrière elle une voix de femme inconnue qui lâche un grand : « allez dis-lui, de toute façon ils vont bien s’en rendre compte quand il faudra ramener deux personnes au lieu d’une seule... »

moi : madame il me semble avoir entendu une 2e voix derrière vous ? Je vous demande ça pour organiser au mieux la suite de votre dossier, vous comprenez... Parce qu’avec un pb moteur, votre voiture va être immobilisée... Il va falloir organiser votre rapatriement...

Genre je la jouais pro, alors qu’en fait j’étais littéralement en train de trépigner sur ma chaise. JE VOULAIS LE DRAMA.

Valérie a hésité quelques secondes de plus, puis elle a fini par me lâcher le morceau : si elle était sur l’A10, c’est parce qu’elle était partie passer trois jours avec son amante à Bordeaux, et non pas en voyage d’affaires à Paris comme elle l’avait dit à son mari !!!

À ce moment-là j’étais en train de taper ma meilleure danse de la joie, j’étais à deux doigts de sortir les paillettes du lobby pour en jeter partout dans l’open space

Un point m’interpellait cependant : pourquoi avoir parlé d’Angers à son mari, tout en mentionnant l’A10 ?

Valérie : j’ai paniqué, comme à la base je devais déposer mon amie chez elle à Angers avant de retourner chez moi, je me suis embrouillée

Sa meuf : c’est quand même un comble, il t’écoute jamais et il faut précisément que ce soit AUJOURD’HUI qu’il prenne des notes ce con

À ce moment j’ai su qu’on allait bien s’entendre, sa meuf et moi.

Bon Valérie par contre elle était carrément en panique, elle flippait que son mari se doute de qq chose et qu’elle passe un sale quart d’heure en rentrant chez elle. J’ai donc fait de mon mieux pour la rassurer.

moi : écoutez madame, on va s’en sortir. Posons-nous calmement et envisageons les solutions qui s’offrent à nous.

Valérie : ... à nous ?

moi : madame, vous êtes une femme, votre mari est insupportable et vous avez une relation lesbienne extra-conjugale ? MON ÉPÉE EST VÔTRE.

Du coup on a envisagé plusieurs cas de figure :

1) soit son mari était tellement autocentré & incapable de se remettre en question qu’il n’irait jamais vérifier sur Google les no des autoroutes, et encore moins de se dire que sa femme pouvait avoir une relation extra-conjugale

(fort possible vu l’arrogance que j’avais sentie + ce que m’en disait sa femme), auquel cas on avait pas besoin de faire grand-chose

2) soit il se doutait de quelque chose, auquel cas je me proposais de le mytho comme jamais (Valérie avait peur de ne pas y arriver)

Une autre solution a été évoquée par la meuf de Valérie, que je vais vous citer dans le texte : « ou sinon, tu peux en profiter pour lui dire la vérité... Val, il est temps que tu le largues, cette grosse merde »

moi :

Et vu la façon dont elle le disait, c’était clairement pas la 1ère fois que le sujet était évoqué.
Bon le truc c’est que Valérie avait pas l’air hyper prête, ce qui se comprend : mari caractériel donc potentiellement violent, pb économique derrière, bref vous connaissez le bail.

Du coup on en est arrivées au compromis suivant : j’allais mytho le gars pour assurer les arrières de Valérie, et elle verrait ensuite si elle se motivait à faire son coming-out & larguer le tocard pour aller filer le parfait amour à Angers avec sa meuf

Bon pardons pour cette interruption, j’ai dû monter au créneau contre un tocard de plus qui voulait m’apprendre à être féministe mdr

Donc, j’ai rappelé Thierry ! Forte de plusieurs années d’expérience en tant que maniganceuse de mauvais coups, j’avais déjà mon speech de prêt.

moi : rebonjour monsieur, c’est l’assistance ! C’est bon j’ai eu votre femme, on lui envoie le remorqueur et on la rapatrie chez vous

Thierry : ah, vous avez réussi à la trouver ?

moi : oui elle est bien vers Angers, c’est la borne du péage qui a dysfonctionné

Vous remarquerez que j’ai bien pris soin de ne pas préciser COMMENT on allait la rapatrier : si elle avait été à Angers, on lui aurait mis un taxi. Là, vu la distance + la 2e personne à ramener, ça partait en location de voiture.
Il fallait donc la jouer serré.

Mais je n’avais pas à m’en faire : clairement Thierry n’en avait rien à foutre de sa femme, puisqu’il a directement embrayé sur la voiture. Tout ce qui lui importait, c’était le type de la panne et le garage vers lequel on allait emmener sa précieuse Mercedes

D’ailleurs petit passage tendu à ce moment-là ! Je vous explique : normalement, on envoie la voiture vers le garage de la marque le plus proche. Dans le cas présent, j’aurais donc dû en toute logique lui donner une adresse sur Angers...

J’ai donc feinté en lui disant que pour le moment, la voiture allait rester chez notre remorqueur, qui faisait aussi garage, qu’il allait regarder la panne et qu’on verrait plus tard s’il fallait l’envoyer chez un Mercedes. Et j’ai prié très fort pour que ça marche

Du coup je ne lui ai pas donné le nom ni l’adresse de notre remorqueur, je lui ai dit que toutes les informations seraient communiquées par sms à sa femme, que c’était la procédure parce que c’était elle qui était sur place (gros mytho, j’aurais très bien pu lui dire).

Thierry était pas très satisfait, parce qu’il voulait que je tracte sa caisse jusqu’à Nantes, et il a commencé à me hurler dessus quand je lui ai expliqué que non, on allait pas faire de remorquage sur 100km (j’avais été checker la distance Nantes/Angers) vu le prix.

Breeef j’ai fini par raccrocher avec ce tocard, et j’ai rappelé mes bb lesbiennes

Entre temps le remorqueur était arrivé, et selon lui il pouvait régler le souci de la caisse avant le lundi suivant (nous étions alors un jeudi). Le pb de garage allait donc s’arranger !

Parce que mes bb lesbiennes avaient droit dans leur contrat à 5j d’hébergement sur place en attendant les réparations !
Comme ça pas besoin de s’emmerder avec un autre garage, pas de location de voiture, et Thierry avait beaucoup moins de chances de capter quoi que ce soit.

Donc j’ai pris 4 nuits dans un petit hôtel très mignon pour mes bb lesbiennes, je leur ai loué une voiture en local pour qu’elles puissent se balader un peu (je leur ai même fait la liste des trucs sympas à voir dans le coin) et je leur ai souhaité un merveilleux week-end

Ce soir-là, je me suis endormie enroulée dans mon drapeau bi, avec l’agréable sentiment de satisfaction qui suit l’accomplissement d’une mission pour le lobby™. All was well.

Épilogue : la semaine suivante, j’ai été checker le dossier (je vous raconte pas la note que j’avais laissée mdr). Tout s’était passé comme prévu, la voiture avait été réparée en temps et en heure, et mes bb s’étaient envolées vers de nouvelles aventures !

L’histoire ne dit pas si Valérie a fini par quitter son mari et si elle est partie habiter à Angers avec le nouvel amour de sa vie, mais j’aime croire que oui !

Ou sinon, qu’elles vivent heureuses dans un petit cottage du Marais Poitevin, telles Ruth & Idgie