Puisque la #Bielorussie se retrouve aujourd’hui sous les projecteurs, c’est l’occasion de donner quelques éléments d’éclairage sur ce pays très méconnu. L’expression « dernière dictature d’Europe » qu’on lit encore souvent ne fait qu’aggraver notre incompréhension.

1. Pour comprendre la #Bielorussie, il faut à la fois remonter à la chute de l’URSS et comparer ce pays aux autres anciennes républiques soviétiques. Pays de petite taille, rural et agricole, sans accès à la mer, sans bcp de ressources nat., la B-ie partait avec des handicaps

2. Et une spécificité : sa situation géographique entre Russie et Ukraine d’un côté, Pologne, Lituanie (donc UE) et route vers l’Ouest de l’Europe de l’autre. Et un transit des hydrocarbures sur son territoire...

3. Mais la situation géopolitique se double d’un choix politique fort fait par Lukashenko dès son arrivée au pouvoir: faire marche arrière sur la libéralisation économique et le capitalisme sauvage, pour réinstaller le contrôle de l’Etat sur l’économie et la société.

4. J’insiste: c’est très réducteur de lire la politique de Lukashenko sous le seul angle du contrôle politique. Ou d’une politique arriérée « Back in the USSR ». Il est l’un des rares dirigeants de la région à avoir une vision politique de gestionnaire de son pays.

5. La #Bielorussie affirme avoir un modèle social, et c’est exact. Maintien des activités industrielles, plein-emploi, système éducatif et médical, dvt rural. Cela fait de la B-ie un modèle pour les habitants de beaucoup d’autres pays de la zone qui ont perdu leur système soc

6. Prix à payer: ce modèle est imposé d’en haut, par des cercles de pouvoir fermés, ne supportant pas l’alternative. Le modèle dépend aussi du financement indirect russe (par le transit des hydrocarbures) qui nourrit le budget de la #Bielorussie .

7. Tant que le système apparaît comme protecteur et meilleur que celui des voisins (Ukraine, Russie), la légitimité du pouvoir est forte, et le citoyen ordinaire s’accommode du gouvernement autoritaire. La plupart du temps, le pouvoir biélo ne s’appuie pas sur la répression

8. Le pouvoir met souvent en scène et en lumière le soin qu’il apporte à ses citoyens. Voir l’excellent papier à ce sujet de Hervouet, Kurilo et Shukan https://www.cairn.info/revue-revue-d-etudes-comparatives-est-ouest1-2017-1-page-85.htm

9. Pendant longtemps, les Biélorusses ont jugé leur modèle plus acceptable que celui des voisins. Aujourd’hui, l’économie faiblit (suivant notamment l’affaiblissement russe), l’adhésion s’érode, et l’idée d’une alternative nécessaire à la politique de Luka fait son chemin

10. Qu’est-ce qui différencie la gestion d’un Poutine de celle d’un Lukashenko? Dans les deux cas: verticale du pouvoir. Chez Poutine : enrichissement perso et jeux géopolitiques. Chez Luka: enrichissement perso et politique intérieure eco et sociale. Voyez la différence.

11. En termes d’évolution sociétale, le société biélorusse est très en avance sur son président. Le moustachu misogyne a vieilli et enerve les gens dans une société ouverte, informatisée et moderne. Il fait vieux tonton réac au pouvoir. Le désir de changement vient aussi de là

12. Malgré le contre-exemple chinois, on imagine souvent les pays autoritaires comme pauvres et peu développés. La #Bielorussie, comparée aux voisins, est un pays moderne, avec un réseau routier et des territoires en bon état, et des villes actives.

13. Nous manquons aujourd’hui de recul pour évaluer le bilan des décennies Lukashenko. Le moment du changement est sans doute proche, mais les Biélorusses eux-mêmes redoutent un changement dans la violence, car ils ont beaucoup à perdre.

14. Gardons en tête que la plupart des renversements de pouvoir dans la région, portés par des slogans de démocratisation, ont eu un coût très lourd pour la population, et pas forcément les bénéfices escomptés. Les Biélorusses en ont conscience et n’en veulent pas forcément.

15. Enfin, la mobilisation actuelle n’est pas portée par un mouvement politique constitué qui aurait la légitimité, aux yeux de la population, d’incarner une alternance. Situation compliquée, qui nécessite des analyses plus fines que la possible find’une dictature.