Comme de toute façon ce n'est pas forcément passionnant, parlons à 3 heures du matin, heure de grande écoute, des modèles que j'ai eu grandissant, suite à une conversation avec @Dr_Boree.

Parce que vous ne vous rendez-pas compte comme c'est important, la représentation.
Enfant renfermé habitant dans la Bretagne profonde, je n'avais pas accès à l'ouverture culturelle des grandes villes, et je n'avais pour moi que la télévision, la bibliothèque provinciale, ou les livres que je demandais à mes parents d'acheter, et donc qu'ils auraient pu voir.
Je me pensais seul. Différent. Monstrueux. Oh, Diable, si monstrueux. Les discours familiaux très vocaux et homophobes n'aidaient pas, mais pas parce que c'était méchant, non.

Parce qu'en l'absence de représentation positive, et bien... on croit tout bêtement ce qu'on entend.
Si tout le monde disait que c'était si monstrueux, c'est que c'était le cas. Si jamais, jamais on ne voyait de gay dans les films, si on n'en parlait pas dans les livres ou les chansons, c'est que j'étais seul seul seul seul seul seul... et monstrueux.
Je suis né en 1981, la mention de l'homosexualité dans les médias pendant mon enfance et une partie de mon adolescence n'était que liée au Sida, maladie honteuse punissant honteusement ces pervers.

Et puis c'était la même chose que la pédophilie. Voire la zoophilie, à la maison.
Si vous vous posez la question, j'ai déjà dû le dire ici, non, on ne s'en sort pas. Jamais. On enterre cette partie de soi, mais elle ne disparaît jamais totalement. On est abimé à vie.

Et un simple héros gay dans une ou deux séries, un ou deux films, ça aurait changé ça.
Ma première représentation homosexuelle culturelle a été "Le livre des crânes" de Silverberg. De la science-fiction, donc, et totalement imprévue.
Avec le recul, le point de vue n'était peut-être pas si mal, mais avec mes yeux de 13 ans d'âge, les turpitudes du protagoniste homosexuel m'ont anéanties.

Seul, monstrueux, et quand enfin je rencontre un alter-égo, il est forcément rongé par notre maladie commune.
Il y a eu — assez longtemps après — Les amours interdites de Mishima. On fait mieux, pour trouver un héros bien dans sa peau vivant ce qu'il est avec sagesse et/ou fierté.

Les livres de McCauley ont été mon contact suivant, alors que j'entrai presque dans l'âge adulte.
Vous connaissez peut-être McCauley. "L'objet de mon affection" a été porté en film avec Jennifer Aniston. Un film bien plus optimiste que le livre dont il a été tiré.

McCauley, dans tous ses livres décrit des gays dépressifs, mal dans leur peau, seuls, seuls comme des chiens.
Comment pensez-vous en partant de tels livres que je me construise en pensant que ma vie serait brillante ou équilibrée ?

Et ne vous méprenez pas : je suis heureux de les avoir lus. Mais si seulement il y avait pu avoir Clark Kent en couple avec Loïc Lane au moins une fois...
Si au moins il y avait pu avoir le meilleur ami du héros en couple avec un autre homme, heureux, sans souci, mais au moins là, visible...

Quand vous tombez sur une nouvelle série de Netflix et que vous voyez que "ils ont encore mis un personnage gay, c'est automatique"...
Quand vous entendez quelqu'un dire d'une nouvelle série de Netflix parler de lobby LGBT ou d'agenda...

Pensez un peu à moi et à ce thread ? Un peu ?
Ça ne change rien pour vous. Vous êtes tellement représentés que vous ne savez même pas ce que ça fait de ne jamais l'être.
De toute façon, ça ne sera jamais le héro qui sera gay (ou pas encore du moins). Et dîtes vous que moi aussi je soupirerai devant le côté gimmick de "plus une seule série sans son gay de service".
Mais pensez à moi et au gamin qui existe encore faiblement dans un coin de mon cervelet et qui hurlent régulièrement en tapant de ses petits poings contre ma conscience "tu es un monstre, un pervers, une fraude, et quand les gens réaliseront, tu finiras seul, seul, seul seul..."
Est-ce un tribut si lourd à payer pour éviter que d'autres se meurtrissent comme moi et des millions d'autres enfants perdus sans soutien l'avons fait à notre époque ?

Et si vous répondez oui, qu'est-ce que ça dit de vous ?
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