THREAD sur Marcelo Bielsa - Partie 1

Comment Bielsa est devenu une légende des Newell’s Old Boys. Retour sur les débuts de El Loco. Sa vision du foot, ses méthodes, sa découverte de Pochettino et consorts, ses exploits et pleins d’anecdotes. Newell’s Carajo !
🎙 David Blatt, ancien coach des Cleveland Cavaliers déclarait : « Dans tous les sports collectifs, il existe deux écoles de pensée : les entraîneurs qui ont leur propre système et ceux qui s’adaptent aux profils à disposition » Bielsa fait partie des deux écoles.

(So Foot)
Bielsa juge important de s’adapter (parfois même un peu trop) à son adversaire. L’objectif est d’être toujours en supériorité numérique là où l’opposition pense faire la différence. D’où cette volonté par exemple de toujours aligner un défenseur de plus que l’attaque adverse.
Cependant Bielsa a toujours eu une préférence pour le 4-2-3-1 qui se transforme en 3-3-1-3 selon les phases. Un système qui présente plusieurs avantages : occupation de la largeur, densité pour ressortir proprement, création de losange qui donne plusieurs solutions au porteur.
Quelques tweets ne suffirait pas pour décrire complètement les idées de jeu de Marcelo Bielsa, cependant on peut aborder quelques outils qui permettent la mise en place de cette philosophie, en traitant les 3 temps du jeu : animation défensive, offensive et les transitions
Défensivement, Bielsa est avant tout un adepte du marquage individuel. Il transpose au foot à 11, les recettes du foot à 5. C’est un principe qui demande beaucoup de changements de marquage, de compensations et une grande rigueur. Les joueurs doivent être liés les uns aux autres.
Sous l’Argentin, tout le monde défend, les attaquants sont d’ailleurs les premiers défenseurs et doivent initier un pressing qui se veut tout terrain. L’objectif est de récupérer le ballon le plus vite possible quitte à aller chasser l’adversaire dans sa propre surface.
Sans surprise, c’est une animation défensive qui réclame une grosse intensité physique et mentale tout au long du match. La moindre erreur individuelle peut fissurer le bloc et coûter un but. Peu d’entraîneurs défendent de cette manière car c’est une prise de risque considérable
Sur les transitions, Bielsa demande à ses équipes un pressing à la perte, la fameuse règle des 5 secondes pour asphyxier l’adversaire et profiter du déséquilibre adverse à la récupération. El Loco réclame le même rythme dans les courses avec ou sans ballon.
🎙 « Je préfère jouer avec le ballon dans le camp adverse plutôt que de spéculer sur une erreur de l’adversaire. Je préfère passer plus de temps avec le ballon plutôt que d’essayer de le récupérer. Utilisez les règles pour améliorer le jeu et pas en profiter » Marcelo Bielsa
Bielsa est un adepte de la possession de balle. Il cherche avec le ballon à user l’adversaire et à créer des décalages en se servant de toute la largeur du terrain pour étirer au maximum le bloc adverse et créer de la profondeur. Un principe essentiel contre les blocs bas.
L’Argentin veut toutefois éviter une possession stérile et demande en premier lieu de la verticalité. La possession est justement un outil pour créer cette verticalité. C’est en déséquilibrant sa propre structure qu’il cherche à déstructurer celle de l’adversaire.
Pour comprendre l’entraineur, retour au tout début de l’histoire.

Bielsa est un ancien défenseur doué techniquement mais lent et pas très bon dans les duels. Il voit sa carrière s’arrêter dès l’âge de 25 ans (1980) à cause de problèmes physiques récurrents et d’un faible talent
Dès la fin de sa carrière de joueur, il entreprend des études pour devenir professeur d’éducation physique. Il coachera pendant une saison l’équipe universitaire de Buenos Aires avant de réellement commencer son cursus d’entraîneur du côté des Newell’s Old Boys (Rosario)
Joueur des Newell’s entre 1976 et 1978, c’est un retour aux sources pour Marcelo attaché à cette équipe depuis sa tendre enfance. Il rejoint la cellule formation du club dirigée par Jorge Griffa, l’un des maîtres à penser de Bielsa et l’un des plus grands formateurs argentins
Pour que Newell’s puisse concurrencer les grands clubs argentins : Boca, River, Independiente... Griffa met en place une nouvelle méthode de recrutement des jeunes joueurs. Il divise l’Argetine en 70 zones et envoi Bielsa sillonner le pays à la recherche des plus grands talents
🎙« J'ai donc décidé d'aller chercher des joueurs, au lieu de les attendre. Les autres équipes attendaient l'émergence des joueurs, tandis que nous allions les chercher. C’est ainsi que nous avons formé une excellente équipe. » Jorge Griffa
C’est à bord d’une Fiat 147 que Bielsa parcourt l’Argentine. Dans chaque zone, il rencontrait un représentant qui était chargé de lui présenter les meilleurs joueurs de la région. Marcelo appelait ensuite le club pour les prévenir du nombre de joueurs pris à l’essai
La découverte la plus célèbre de ce périple reste celle de Mauricio Pochettino. En 87, dans la province de Santa Fe tout le monde parle d’un jeune défenseur de 13 ans, « El Cabezon » (la grosse tête). Bielsa et Griffa montent dans la Fiat et arrivent à son domicile à 2h du matin.
Les deux hommes toquent à la porte et rencontre le père du jeune joueur (qui lui dormait). Après une longue discussion, Bielsa voulait à tout prix voir les jambes du prodige. Il monte alors dans sa chambre en compagnie de son père, soulève la couverture pour y voir ses jambes...
Apparement Bielsa aurait apprécié les jambes du futur international Argentin qui a finit par rejoindre les Newell’s Old Boys. Cette méthode de recrutement a permis au club d’aligner des joueurs exclusivement issus de la formation, remportant ainsi le championnat en 88
En 90, Marcelo Bielsa devient entraîneur en chef des Newell’s Old Boys.

Dès son arrivée, le jeune technicien se fait remarquer par la mise en place d’un système peu commun : un 3-4-3 ou 3-3-1-3 mais son équipe est surtout connu pour être composée de très jeunes joueurs.
Pochettino (19 ans), Lunari (20 ans), Franco (21 ans), Gamboa (20 ans) ou encore Berizzo (21 ans). Dans cet effectif très jeune, Martino (28 ans) et Scoponi (29 ans) font figure de papy.

Au delà de la tactique, Bielsa modifie également en profondeur la gestion des entraînements
Bielsa a toujours opté pour des entraînements analytiques basés sur la répétition des situations et des gestes dans le but de créer des automatismes. Ses séances étaient courtes mais très intenses.

🎙 « On doit jouer comme on s’entraîne »
Une semaine type se décomposait ainsi

Mardi et Mercredi matin : séance avec le préparateur physique pendant que Bielsa regardait des vidéos sur le prochain adversaire

Mercredi et Jeudi : travail tactique. Les jeunes devait préparer des dossiers détaillés sur l’opposition
Jeudi : mise en place d’un match où l’une des deux équipes devait appliquer les principes de jeu du futur adversaire pour optimiser la connaissance de son jeu

Vendredi : préparation spécifique à l’adversaire. Mouvement, placement de l’équipe selon les phases de jeu
🎙 « On ne fera pas d’un type maladroit un phéno­mène. Mais on peut avoir un joueur plus intel­li­gent, qui fasse de bonnes passes et propose des solu­tions. Je veux que chacun atteigne le seuil de son poten­tiel, sans se limi­ter à un rôle spéci­fique »
A cette époque, le championnat Argentin était divisé en deux parties. L’Apertura (Tournoi d’ouverture) et la Clausura (Tournoi de clôture). Le vainqueur de ces deux championnats s’affrontaient dans une finale aller-retour en fin de saison
Deux matches clés permettent de lancer la première saison de Marcelo Bielsa

Le match déclic (4ème journée) : victoire 3-1 contre l’Union à l’extérieur acquise dans les ultimes minutes

Le derby (8ème journée) : victoire 4-3 contre Rosario Central chez l’ennemi
Avant l’ultime journée, Newell’s est leader du championnat avec un point d’avance sur River Plate.

Une victoire suffit pour remporter le tournoi d’ouverture. Les hommes de Bielsa se décarcassent en vain et font match nul contre San Lorenzo (1-1)
A la fin du match, Bielsa ne peut plus rester sur place il décide de s’éloigner du terrain en attendant le résultat du match entre River Plate et Vélez. 6 minutes séparent le coup de sifflet entre les deux matches.

Tout le stade écoute la radio locale...
Ces 6 minutes durent une éternité...

Certains joueurs priaient au centre du terrain, d’autres parlaient avec des supporters à travers les gradins. Ce ne fut que lorsque Garfa­gnoli (joueur du club) laissa explo­ser sa joie que tout le monde comprit que Newell’s était champion.
Bielsa rejoignit rapidement toute l’équipe sur le terrain pour célébrer ce titre. Et « El Loco » nous offre un cri de joie qui restera gravé et célèbre dans tout le pays.

« ¡ Newell’s, carajo ! Newell’s, putain ! C’est ce maillot-là, le plus beau ! »
Bielsa devient tout de suite le nouveau visage de Newell’s et acquiert une forte notoriété dans les rues de Rosario. Newell’s vient de remporter le tournoi d’ouverture avec un entraîneur qui réalise sa 1ère saison en tant qu’entraîneur en chef
Dès cette époque Bielsa développe une passion pour l’analyse vidéo et se présente comme un précurseur dans ce domaine. Il demande à son staff de filmer sur des cassettes VHS chaque match se constituant une solide base de donnée. Une méthode qui a influencée d’autres coaches
Bielsa qui entretenait de très bons liens avec l’entraîneur du club de Ferro échangeait ses cassettes VHS avec lui pour pouvoir analyser des adversaires que les Newell’s n’avait pas encore affronté. Une bonne méthode pour pouvoir analyser l’adversaire
Lors du tournoi de clôture, Newell’s doit faire sans son meneur de jeu Tata Martino parti pour 4 mois à Tenerife. L’équipe est moins impressionnante et termine à 12 points du leader Boca Juniors. Bielsa profite de la fin du championnat pour tester de nouvelles variations
Newell’s affronte ainsi en match aller-retour le Boca Juniors de Oscar Tabarez dans la grande finale du championnat d’Argentine. Bielsa doit composer son équipe avec plusieurs absents : Ruffini, Boldrini, Salgado, Gamboa et Franco. Boca est clairement le grand favori
Lors de l’entraînement de veille de match, Bielsa mécontent de la performance de son onze titulaire décide de mener une causerie improvisée dans le vestiaire pendant une heure. Une discussion autour du football, du jeu pratiqué qui a beaucoup marqué l’effectif présent
Lors du match aller qui se joue à Rosario, Newell’s gagne 1-0 grâce à une tête de Eduardo Berizzo. Le match à la Bombonera fut beaucoup plus compliqué. Tata Martino sort sur blessure tandis que Bielsa se fait expulser sous une pluie fine et dérangeante
Bielsa frustré de ne pas pouvoir donner des consignes fait passer des messages au vigile qui est dans le tunnel qui est un fervent supporter de... River Plate. Le vigile se fait attraper et donc expulsé à son tour. Le match est tendu et Newell’s concède un but à 10 min de la fin
Le match s’éternise en prolongations et aux penalties. Grâce aux arrêts de Scoponi, Newell’s remporte cette finale. Ce 9 juillet 1991 reste gravé dans toutes les mémoires. Newell’s est sur le toit de l’Argentine
🎙 « Je rêvais d’une chose qui est deve­nue réalité : faire de Newell’s une équipe qui joue un foot­ball diffé­rent, dont le trait prin­ci­pal est le mouve­ment et où tous les joueurs jouent à tous les postes. » Marcelo Bielsa
Lors de la saison suivante, l’effectif a été un peu remodelé tout en gardant la colonne vertébrale. Lunari, Berti, Raggio sortent du centre de formation et s’imposent en équipe première, Mendoza vient renforcer le secteur offensif (Paraguayen qui jouait au Deportivo Mandiyu)
Les Newell’s réalise un début de saison catastrophique... l’équipe enchaîne les défaites se retrouve même dernier à la moitié de l’Apertura. L’équipe se reprend en fin de championnat mais l’esprit n’est plus le même, l’usure semble avoir pris le dessus
Lors de le trêve hivernale avant le tournoi de clôture, les joueurs reprennent l’entraînement 3 jours avant la date officielle. L’équipe est bien décidée à retrouver son statut. Pour faire progresser ses joueurs individuellement, Bielsa utilise aussi la vidéo....
Pour créer un déclic chez le jeune milieu de terrain Domizzi, il lui montre des vidéos d’un joueur du championnat Finlandais... Jari Litmanen. Méconnu de tous, il deviendra la pièce maîtresse du grand Ajax de Van Gaal quelques années plus tard
En ouverture de la Copa Libertadores, Newell’s perd 6-0 contre San Lorenzo. Une claque qui va poser beaucoup de questions. Bielsa doute, pense même à la démission mais ne veut en aucun cas abandonner l’équipe. Newell’s enchaînera une série de plus de 20 matchs sans défaite...
En Copa Libertadores, Newell’s se qualifie finalement pour les phases finales. Il élimine le Defensor SC (Uruguay) en 8ème, se venge de San Lorenzo en 1/4 grâce à une victoire 4-0 à l’aller et parvient à se défaire du club America (Colombie) après une interminable séance de TAB https://twitter.com/orgrojinegro/status/1268181896015405057
Pour la grande finale, Newell’s doit affronter le Sao Paulo entraîné par le légendaire Télé Santana qui a dans ses rangs deux très grandes stars : Rai et Cafu. Lors du match aller, Newell’s gagne 1-0 devant son public grâce à un penalty de Berizzo
Avant le match retour au Morumbi Stadium, Bielsa insiste sur l’importance de conserver le ballon et de faire en sorte que le danger vienne de partout. Plus de 80 000 personnes assistent au match le plus important de l’histoire de Newell’s
🎙 « Dehors, il y a quatre-vingt mille personnes, mais ici il y a une équipe d’hommes qui est venue gagner ! Rempor­ter ce titre vous permet­tra de marcher la tête haute dans Rosa­rio jusqu’à la fin de vos vies. Allez-y et gagnez ! » Discours de Bielsa avant le match retour
Newell’s résiste jusqu’au but de Rai qui emmène le match aux TAB. Scoponi héros de la demi finale ne parvient pas à sauver à nouveau les siens, Sao Paulo remporte la 1ère Copa Libertadores de son histoire au détriment de Newell’s
Une défaite dur à digérer au vu de l’immense enjeu et du score positif obtenu à l’aller. Les joueurs sont inconsolables ou presque dans les vestiaires. En tant que chef de meute Marcelo Bielsa tente de rassurer les siens
Pendant que les joueurs se réunissent le soir même dans l’une des chambres d’un des joueurs pour partager leurs peines, Marcelo Bielsa revisionne la défaite contre Sao Paulo et des matches des adversaires à venir pour préparer au mieux la fin du tournoi de fermeture
Les joueurs de Newell’s parviennent à faire bonne figure sur la fin du championnat en concédant aucune défaite. Avant même de jouer leur dernier match, ils remportent le tournoi de fermeture. Une joie immense qui vient tempérer la défaite de Sao Paulo. Un 3ème titre pour Bielsa https://twitter.com/canoboficial/status/1279896750652882945
🎙 « Mon cycle est terminé. J’ai déjà pris ma déci­sion. Nous avons accom­pli notre mission et main­te­nant c’est le moment de se repo­ser. Après les matchs contre River, je présen­te­rai ma démis­sion. J’en ai parlé avec ma famille et ce matin je l’ai dit à mes joueurs. »
Avant d’affrontrer River Plate pour la grande finale en aller-retour, un match amical contre Olimpia (Paraguay) est organisé. La veille du match tous les joueurs participent au mariage de Franco un des joueurs de l’équipe. Les joueurs rentrent très tard...
Newell’s perd ce match amical et Bielsa est excédé par l’attitude des joueurs sur le terrain. Après le match, il décide de démissionner avant la double confrontation contre River. El Loco est décidément imprévisible. River Plate gagnera les deux matches (1-0/3-2)
Malgré ce départ précipité, en 24 mois Bielsa devient une légende des Newell’s Old Boys. Plus que les titres, c’est sa vision du foot, sa personnalité, son attachement aux jeunes et ses méthodes novatrices qui crée un engouement autour de ce jeune technicien
En 2009, le stade surnommé El Coloso Del Parque n’avait pas encore de nom officiel, il devient l’Estadio Marcelo Bielsa. Alors que son « Newell’s Carajo » résonne encore dans les travées du stade, son nom y ait inscrit dans le marbre pour toujours
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