Alors que des considérants sur la mémoire et l'histoire statufiées animent les esprits, j'ai envie de parler d'un énorme bâtiment parisien aujourd'hui disparu.
Déboulonné en 1959, il n'était ni un symbole, ni un hommage mais bien une trace historique.
Le #VeldHiv a disparu
🔽1/21
Chaque 16 juillet remonte à la surface le souvenir des 13 152 juifs parisiens raflés par la police française en 42 et parqués 4 jours sous la verrière de la rue Nélaton.

Maurice Rasjfus a pu s'en échapper, il raconte ⬇️
2/21 https://www.ina.fr/video/P12186925/index-video.html?fbclid=IwAR3wG9ISQarK77q1lP5tmBIxHLkFGgHeIxGqztzqpG2sn4GosjuCCs9k9-c
Depuis le 13 février 1910, le gymnase accueillait régulièrement jusqu'à 17 000 spectateurs pour des compétitions sportives, des meetings politiques ou des cérémonies.
Le Paris populaire et la haute s'y côtoyaient.
Le bâtiment était immense et symbolisait la modernité.
3/21
Son immense verrière était supportée par une structure métallique spectaculaire sur laquelle s'accrochaient des milliers d'ampoules.

L'été 1942 est chaud : la verrière faisait serre et la défaillance des sanitaires a plongé l'immense boîte à humain dans la puanteur.
4/21
Des survivants diront qu'ils ne croient pas que les voisins n'aient rien vu, ni entendu, ni senti
Pdt 3 jours, défilent les bus de la CMP (ancêtre de la RATP). Ils font la navette entre les lieux de regroupement secondaires et le gymnase.
L'un de ces lieux : la Bellevilloise
5/21
J'insiste sur la l'infrastructure, la taille et la réputation du bâtiment pour qu'on se rende compte.
Près de 15 000 personnes déplacées dans Paris pendant 3 jours.
Entassées dans un lieu populaire, dans une rue passante.
Avec des enfants en bas âge qui jouent, qui pleurent.
6/21
Comment prendre la mesure de ce qu'il s'est passé entre le 16 et le 20 juillet 1942 à Paris lorsque ce qui rappelle l'événement est si petit ou si planqué ?
7/21
La RATP, héritière de la CMP, qui servira encore régulièrement de supplétif à la préfecture lors des opérations parisiennes coloniales de "maintien de l'ordre", s'est fendue de ceci.
On constate une cohérence très relative entre l'événement et sa mise en mémoire publique.
8/21
Les débats récents sur le déboulonnage des statues entrent en résonance avec la destruction de ce bâtiment-témoin par les autorités parisiennes.
Peut-être pour que la mémoire de l'événement prenne aussi peu d'espace mental que le bâtiment n'en prend plus dans le paysage.
9/21
Le bâtiment est rasé en 1959.
Nommé préfet de police de Paris, Maurice Papon est revenu de Constantine en mars 1958.
A l'été, il a déjà transformé le Vel d'hiv en centre de rétention pour ceux que le gouvernement français appelle les "FMA" (Français Musulmans d'Algérie).
10/21
L'imposante présence du Vel d'Hiv incarnait certainement trop ostensiblement l'immensité des crimes commis par l'Etat français.
En 1956, une première commémoration de la rafle antisémite de 1942, à laquelle aucun officiel n'assiste, se tient pourtant aux portes du bâtiment.
11/21
La trace historique disparue, la mémoire a pu être transportée sur des murs, dans des jardins, des promenades ou des ronds points inaccessibles. A l'échelle de ce que l'Etat français était prêt à assumer de sa responsabilité : infiniment peu, si ce n'est rien.
12/21
Disparu, le Vel d'Hiv n'oblige plus, non plus, à rappeler la légèreté têtue des parisiens face à cette incarnation de la barbarie antisémite.
Le PCF y tenait son meeting d'autocongratulation après la libération de Paris en septembre 1944.
13/21
Et le tout Paris s'y est pressé jusqu'à sa fin, pour assister à de la boxe, des défilés de mode, des "Journées de l'armée" et, même, pour voir la dernière corrida de Paris, en 1949.

En 1948, Yves Montand célébrait le lieu ainsi.
14/21
Pourtant, l’Alliance antiraciste, avait apposé une plaque dès 1946 sur un mur du Vel d’Hiv’ : "Commémoration du 21 juillet 1942 où les enfants juifs furent arrachés à leur mère et dirigés sur les camps".
Détruite avec le bâtiment elle fut remplacée par celle-ci.
15/21
Ce n'est qu'à l'été 2012 que les archives de la préfecture de police de Paris sur la rafle sont exposées aux parisiens à l'initiative de la Mairie du IIIeme arrondissement.
La presse américaine en a plus parlé que la presse française.
16/21
Pourtant, dès 1947, les traces des choix antisémites du gouvernement français dès 1940 souciait les hautes sphères politiques héritières qui s'enquéraient de les réduire à minima.
17/21
En 2017, la rafle du Vel d'Hiv a été mobilisée par Macron pour faire venir Netanyahou devant un monument niant la responsabilité de l'Etat français dans la rafle.
18/21
Externationalisation des réparations, mémoire a minima par l'ouverture d'un "jardin mémorial" dans un interstice urbain que le hasard a laissé vacant sur les lieux : tout est si bien résumé par cette année 2017 de l "commémoration des 75 ans de la rafle".
19/21
L'inconscient semble habiter aussi la mémoire collective.
Par dessus les ruines de ce gênant gymnase fut construit un site majeur du ministère de l'intérieur. Il a abrité, d'abord la Direction de la Surveillance du Territoire (DST) puis la DRH de la Police nationale.
20/21
Pendant ce temps-là, le musée mémorial des enfants du Vel d'Hiv est... à Orléans.
L'histoire du Vel D'Hiv détruit est un exemple, parmi d'autres, de ce que la France est capable de faire à l'histoire.
Le déboulonnage n'est donc pas un tabou français.
21/21
http://www.cercil.fr/?fbclid=IwAR3Y-hzOiDyxBmiO8OtCdGlcldjMUw5tUNlNkg_JNgvN2nlxJfF4ROWZuWI
You can follow @sarahbenichou82.
Tip: mention @twtextapp on a Twitter thread with the keyword “unroll” to get a link to it.

Latest Threads Unrolled: