Astronogeek a sorti sa vidéo “La Cancel Culture sur Twitter (1)” concernant son thread du 11/07…
Je vais avouer, c'est moins pire que ce que je craignais.
Mais 'y a pas mal à y redire, dont des trucs très importants.
Viol conjugal, responsabilité, cancel culture…
Go 🔽🔽🔽
Je vais commencer par le plus important selon moi, donc tout ce qui a trait au viol dans la vidéo. Parce que si AG fait l'effort de s'excuser (j'y reviendrai) et de mentionner certaines réalités, y a des représentations et conseils qui vont pas du tout… genre dangereux.
Dès la première phrase reconnaissant le viol conjugal, le problème apparaît : le problème est réduit à soit d'autres sociétés, soit des “couples dysfonctionnels”. Or c'est réducteur, et en conséquence ça communique des idées dangereuses.
(Point bonus pour la carte sans légende, en fait celle du statut légal du viol conjugal selon les pays (pas à son occurrence). Ça et le propos, superflux (les autres sociétés, c'est franchement pas le sujet ici pour le coup), viennent renforcer certaines idéologies racistes.)
Restons sur l'Europe. Le problème de limiter le viol conjugal à une histoire de “couples dysfonctionnels” et d'“hommes ont un ascendant psychologique”, c'est que :
1 • Ça couvre pas tout,
2 • Les gens ne s'identifient pas comme dans de telles situations.
Quantité de viols conjugaux, en particulier envers des femmes endormies, vient d'hommes ne pensant pas mal faire, ne pensant pas exploiter la femme, mais supposant le consentement.
Faisant de ça une affaire d'amour et de “couples équilibrés”, AG conforte ces comportements.
À cet égard, les conseils qu'AG donne en fin de vidéo sont particulièrement dangereux : ne se référant qu'à une notion de “complicité”, ce “conseil” laisse la personne qui agirait estimer elle-même le consentement de sa (ou son) partenaire.
Ce qu'il ne faut pas faire !
Mais d'abord, opposer à cette question du viol les concepts de “complicité”, “amour”, “couple équilibré” etc laisse entendre que si on est pas ok avec ce genre de trucs, c'est que le couple ne va pas, qu'on aime pas assez, etc…
Et encore plus dans la dernière phrase !
➡ NON
Soulignons même au passage que des couples équilibrés et pleins d'amour peuvent tout à fait exister avec pas ou peu de pratiques sexuelles.
Ensuite, même en se sentant complice, on peut se planter sur les désirs de l'autre, surtout lorsqu'iel dort.
Si c'est votre fantasme de faire ça, le SEUL moyen acceptable est d'en discuter très explicitement en amont, et régulièrement (les désirs, comme la libido, ça change).
Et encore, même là, je soulignerai que c'est assez bancal et dangereux : vous pourriez ne pas penser pareil le moment venu. Mais ce sera au moins une prise de risque actée des deux côtés, et si des adultes veulent se mettre eux-mêmes en danger c'est leur choix.
Parce que le problème fondamental, c'est que l'envie varie. C'est pour ça que le consentement doit être répété (même non verbalement), jamais assumé… et quand on dort, on ne peut pas consentir !
Juste pour rappeler les bases :
Et donc non, le BDSM n'est absolument pas “à propos” : sa pratique doit impliquer la définition préalable d'un safe word (et d'un geste) de sorte que le consentement soit indiqué à chaque instant par son non-usage.
Ça suppose d'être CONSCIENT·E (et notamment, de pas dormir).
Je précise qu'il me semble que dans un tweet, AG expliquait qu'en fait le réveil se faisait au niveau de caresses.
1 • Ça manque dans la vidéo,
2 • Pareil, parlez-en explicitement avec l'autre AVANT. On a pas forcément envie de se faire tripoter quand on dort.
Puisqu'Astronogeek nous promet une partie 2 à sa vidéo, j'espère très sincèrement qu'il prendra la peine de corriger le tir.
Et de telles erreurs auraient sûrement pu être évitées.
Maintenant, parlons interprétation et responsabilité.
Vous l'aurez remarqué, ce thread concerne ce qu'AG communique, comment son texte peut se comprendre. Pas ce qu'il pense ni fait au lit.
Car quand on parle de l'impact social d'un propos, c'est ce qui importe.
Ce qui était communiqué est aussi le sujet d'une bonne part des critiques faites à l'encontre de son tweet : la “banalisation du viol” — à savoir un accent mis non sur ce qui se passe entre AG et sa femme, mais sur comment sera compris le tweet par certains et les impacts.
Parmi les screens à 11:44 montrant “ceux qui ont compris” (donc pas focalisé sur les critiques), je compte 19 critiques concernant le tweet d'AG et le viol, dont près des deux tiers (12) concernent la “banalisation”, la forme du propos, l'exemple donné…
et pas “c'est du viol”.
D'ailleurs, parmi ces screens de “gens qui [ont] parfaitement compris”, on trouve en fait effectivement de quoi s'inquiéter de cette “compréhension” : consentement optionnel ? conjugal ça va ? viol par erreur ça va ?
Après, ça peut être juste mal exprimé ici aussi…
Vous aurez aussi remarqué que ce thread fonde sa discussion de ce que la vidéo communique ou peut communiquer sur le texte, cité tant que possible :
C'est pas juste une histoire d'interprétations indues qui est en jeu, mais bien le texte.
Et de ça, l'auteur est responsable.
Cette problématique de ce qui est communiqué et cette responsabilité de l'auteur, AG les reconnaît et s'excuse.
Par contre ces excuses mettent aussi en avant celleux qui “ont compris de travers” et sont presque systématiquement suivies de “mais” ou “cependant”.
Parlons-en.
Soyons clairs encore une fois : je me fous de la sincérité ou pas des excuses. Je lis pas dans les esprits, et ça ne m'intéresse pas.
Ce qui m'intéresse en revanche c'est ce que cette vidéo communique / peut communiquer, là au sujet de la responsabilité des auteurs et autrices.
S'exprimer publiquement n'est pas anodin. En tout cas, certainement pas quand on a une grosse audience.
Nos propos ont des impacts, ils forgent ou renforcent des façons de voir le monde, ils peuvent toucher voire blesser des gens, etc.
Ce qui est en jeu ici, c'est comment le message sera interprété, et ce indépendamment de l'intention.
Il est donc nécessaire de tenter de prendre du recul sur ses propos et d'en envisager les impacts. Sans quoi, c'est ni plus ni moins que de la négligence.
Et pour faire ça, il faut intégrer une réalité :
On interprète les propos en fonction de nos connaissances, en fonction de nos expériences, en fonction de nos habitudes (schèmes mentaux produits)…
Les lectures que le texte permet sont à attendre.
En ce sens, parler de “comprendre de travers” est discutable en ce que la faute est déplacé vers le lecteur.
Quant à qualifier les gens ayant une interprétation qui déplait d'“imbéciles” ou de “malhonnêtes”, c'est encore pire. C'est déplacé et indu. (+ procès d'intention)
D'autant qu'une part des gens affirmant le “viol” parlaient explicitement de la définition légale. AG lui-même reconnaît la validité technique du propos… avant de l'appliquer seulement à d'autres.
Et d'autres insistaient sur le consentement instantané (raisons déjà données).
(Je ne dis pas qu'aucune accusation ne nierait indûment l'agentivité ou l'accord de sa femme… mais que ça ne concerne absolument pas toutes les remarques qui insistent que c'est, quoi qu'il en soit, “du viol”.
Affaire de définitions.
J'en profite au passage pour souligner que ces pratiques centrées sur le choix de la définition d'un mot n'ont rien d'anodin, de “stupide” ou de hors sujet : lutter sur le terrain de la définition dominante, c'est chercher à normaliser le concept qu'on juge le plus pertinent.)
Si mes derniers tweets parlent de lectures alternatives conscientisées, d'interprétation, il est aussi pertinent de considérer la communication de représentations par des moyens plus subtiles, plus insidieux. Typiquement comme ce que le gros de mon thread analyse.
À cet égard, il me semble d'ailleurs utile de s'ouvrir à la critique littéraire, histoire d'ensuite tourner un œil similaire vers ce qu'on écrit nous-même.
Je mets ici une chaîne que j'adore (en anglais, désolé), mais il y en a plein d'autres. https://www.youtube.com/channel/UC9infsKo33_2LUoiqXGgQWg
Évidemment, il n'est pas question d'être parfait, de toute prévoir. On n'est pas omniscient, on peut louper des angles vues, on peut omettre des trucs… Mais je parle de faire activement attention, et chercher à s'améliorer en acceptant la critique. https://twitter.com/Bunker_D_/status/1282669196879560705
À ce sujet, il est utile de se tourner vers les discours féministes et antiracistes. S'y intéresser aurait aussi permi d'éviter de réveiller les traumas de victimes.
(C'est d'ailleurs à ça que “trigger” fait initialement référence. “Trigger les cancelleurs”, c'était malvenu.)
Des relectures auprès de personnes concernées ou informées sont aussi une bonne idée.
Je me souviens qu'AG s'était exprimé contre les relecteurs en sensibilité (sensitive readers) (tweets supprimés), mais ça aurait évité ça.
Être responsable demande d'y mettre les moyens.
En revanche, agir en mode “mais je suis comme ça” (essentialisation contraire à l'idée changer), ou rejeter la faute sur Twitter, ne sont pas agir de manière responsable.
Rappelons pour l'excuse “Twitter” qu'on peut multiplier les tweets pour nuancer… ou juste pas poster.
Quand je souligne que “pas poster” est une option, ça ne veut pas dire qu'il ne faut jamais poster tout ce qui peut être mal pris. En revanche ça implique de considérer la balance entre ce que notre propos apporte, et ce qu'il risque de produire.
Bénéfice/Risque.
On peut aussi employer sinon des Trigger Warnings (TW). Ça sert justement à ça.

(Surtout que quand on a pour objectif de “trigger les cancelleurs”, on devrait s'attendre à risquer de déclencher (“trigger”, l'original) les PTSD de victimes. 😒)
Note : Encore une fois, le thread n'est pas terminé.
À venir, on continuera sur “la faute à Twitter”, ce qui nous fera un lien vers “la Cancel Culture”.
(Ce tweet d'annonce sera supprimé quand la suite du thread sera publié.)
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Tip: mention @twtextapp on a Twitter thread with the keyword “unroll” to get a link to it.

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