[THREAD - HISTOIRES DE LABELS]

Gangsta rap, Suge Knight, fusillades et brouilles financières : 15 ans d'histoire du label Death Row Records
Death Row Records est fondé en 1991 sous l'impulsion de Dr Dre et Suge Knight. En plus de 15 ans d'existence, le label est à l'origine de certains des plus gros tubes du rap californien, de l'émergence d'artistes comme Snoop Dogg, mais aussi d'anecdotes complètement délirantes.
Dès sa création, le label est en proie à une série de conflits internes qui jalonneront une bonne partie de son existence. Michael Harris, connu pour sa filiation au gang des Pyrus, participe à la création du label en injectant plus d'un million de dollars.
Baron de la drogue notoire du côté de Los Angeles, il est incarcéré depuis 1988 pour tentative de meurtre et kidnapping. Cet apport financier important mettra Dr Dre, directeur artistique du label, en porte-à-faux, puisqu'il devra rentabiliser coûte que coûte cet investissement.
Ces relations douteuses au sein de Death Row sont en partie le fruit de celles de son co-fondateur Suge Knight, connu pour son sens des affaires... mais également pour ses méthodes d'intimidation et sa mégalomanie.
Au-delà d'avoir fait installer une chaise électrique à l'accueil de ses bureaux, il a par exemple, accompagné de 2 amis équipés de battes de baseball, convaincu "à l'amiable" Jerry Heller, ex-manager de N.W.A, de libérer Dr Dre de son contrat afin de le signer chez Death Row.
C'est donc, dès le départ, sur un tas de cendres qu'est créé l'un des labels les plus importants de l'histoire du rap américain, qui va malgré tout participer à l'épopée du gangsta rap et du g-funk, jusqu'à amener ces styles au panthéon de la musique et du Billboard.
En 1992 sort The Chronic de Dr Dre, considéré comme un classique absolu, et qui entérine la patte sonore de son légendaire producteur. On y retrouve par exemple "Nuthin' But A G Thang" et ses synthés ensoleillés qui sentent bon les effluves de weed californienne.
Mais surtout, ce tube fait la part belle à Snoop Dogg, jeune rappeur à l'attitude lay back et à la philosophie 100% Long Beach, qui s'apprête à rapidement devenir une superstar mondiale.
Egalement signé chez Death Row, il sort l'année suivante Doggystyle, son premier album produit par Dr Dre et Daz Dillinger des Dogg Pound. Numéro 1 du Billboard durant 3 semaines, il faut attendre Eminem 7 ans plus tard pour qu'un album de rap ne fasse mieux en première semaine.
Tout se déroule alors pour le mieux au sein de Death Row. Du moins musicalement, puisque le label va faire face à une série d'ennuis judiciaires.

Snoop Dogg, proche des Crips, est en effet accusé de complicité de meurtre suite à une fusillade impliquant son garde du corps.
Après une semaine de cavale, il récupère un prix aux MTV Awards puis est finalement inculpé, et fait face à un procès ultra-médiatisé.

Acquitté grâce au célèbre avocat Johnnie Cochrane, il aura bénéficié de l'appui financier de Suge Knight et de Death Row dans cette affaire.
De plus, Suge décide de s'attaquer au prochain dossier chaud du rap US : celui de 2pac, alors derrière les barreaux pour avoir prétendument agressé sexuellement une jeune femme. Suge décide avec Jimmy Iovine de payer une partie de sa caution en échange d'un contrat chez Death Row
Ce contrat accouchera d'ailleurs le 13 février 1996 d'All Eyez On Me, le premier double-album de l'histoire du rap américain. Certains évoquent même que 2Pac l'aurait sorti dans l'urgence afin de se libérer de ses obligations et du danger qui planait autour de lui et Suge Knight.
En effet, cette époque est marquée par les relations délétères dans le monde du hip-hop, notamment entre les côtes Est et Ouest, représentées par Bad Boy Records (P. Diddy, Notorious BIG...) d'un côté, et Death Row de l'autre.
Des tensions qui aboutiront aux assassinats de Pac et Biggie, qui font en partie écho à la cérémonie des Source Awards tenue à New York en 1995. Une remise de prix marquée par les provocations de Suge et Snoop Dogg.

"The East Coast ain’t got no love for Dr Dre & Snoop Dogg ?"
C'est donc suite à la mort de Pac le 13 septembre 1996 que tout bascule pour Death Row, qui va peu à peu faire face à ses contradictions.

Dr Dre avait, excédé par les méthodes de Suge et les brouilles autour du hit California Love, déjà quitté le navire pour fonder Aftermath.
De son côté, Snoop Dogg rejoint Master P et le label No Limit Records pour des raisons similaires. « I was working against the devil » dira-t-il ainsi en interview…

Nate Dogg ou encore Kurupt ont également, entre temps, quitté Death Row et l’emprise de son leader Suge Knight.
À cette même période, Suge, qui essaye de palier à ces coups durs, est emprisonné pour avoir enfreint les conditions de sa liberté surveillée. Il tente alors de redorer le blason de son label en sortant des compilations et autres albums composés, souvent, de fonds de tiroir.
Mais rien n'y fait. Désormais orphelin de Snoop Dogg, Dr Dre, 2Pac ou encore The D.O.C, les années 2000 sont marquées par des sorties d'albums r&b plus que mitigées, et de quelques coups bas / diss tracks en direction de ses anciens protégés.
Comble du désespoir, il tente même de saboter la sortie du second album de Dre en dévoilant la compilation "Suge Knight Represents: Chronic 2000", qui reprend à peu de choses près le titre qu'était censé donner Dre à son projet.
Ce dernier changera alors simplement de nom, optant pour "2001" qui deviendra la masterpiece que l'on connait.

Tandis que Suge perd toute crédibilité, les anciens membres de Death Row continuent leur carrière au firmament du rap US.
La déchéance de Death Row continue alors dans une indifférence grandissante, de même que les brouilles et les problèmes de justice d'un Suge Knight aujourd'hui en prison pour avoir renversé et tué Terry Carter dans le cadre du tournage du film Straight Outta Compton.
Finalement, Death Row Records met la clé sous la porte en 2006, suite à une énième poursuite judiciaire qui forcera le label à verser 107 millions de dollars à Lydia Harris, femme de Michael Harris.

Une histoire parmi tant d'autres dans la longue déchéance du label californien.
Death Row laisse donc derrière lui un héritage contrasté, entre reconnaissance musicale et déboires en tout genre. Un héritage qui sera vendu aux enchères en 2009 pour 2500 euros, prix auquel fut achetée... la chaise électrique du bureau de Suge Knight.

"Welcome to Death Row"
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