L’affaire d’Actuel Moyen Âge ces derniers jours – un thread qui rappelle des faits sur Christophe Colomb, une shitstorm, un mail de menace personnel – me laisse très songeuse…
D’abord parce que les personnes visées sont mes amis, que je crois en ce qu’ils font, et que je sais que ce n’est ni la première avalanche d’insultes, ni le premier mail de menace qui les vise. Mon soutien va sans dire, mais est absolu.
Aussi parce que je sais que ce ne sont pas des cas isolés et que beaucoup d’historiens visibles et engagés – au sens large, de Patrick Boucheron à Mathilde Larrère et Laurence de Cock – se retrouvent avec le même genre de choses à gérer.
Peut-être aussi de l'autre côté du spectre politique : est-ce que les historiens qui ont été dans la Manif pour tous ont eu des menaces ? Si c'est le cas, c'est tout aussi inadmissible, ce n'est évidemment pas une question de bord politique.
Mais une fois qu’on a dit que c’est inadmissible, qu’il faut porter plainte, ne pas laisser, qu’est-ce qu’on fait ? Nous, en tant qu’historiens et historiennes ?
On se repose la question à chaque débat de ce genre : sur Zemmour, sur les Vikings en Gascogne… comment faire comprendre qu’en histoire, il y a de l’interprétation, mais il y avant tout des faits, têtus, qu’on essaie de rassembler patiemment.
Que cela nécessite du temps, des compétences techniques, linguistiques, que cela rend humble face aux sources et face à ce qu'on ne sait pas et qu'on ne saura jamais.
Comment faire comprendre enfin qu’un historien ou une historienne n’est pas un être éthéré sans conviction politique, que cela influence ses intérêts, les questions posées, mais que les réponses de la recherche ensuite se doivent être honnêtes, et résister à la critique des pairs
Il est impossible de monter au créneau tout le temps. D’abord on a nos vies, c’est fatigant. À titre personnel, je n’ai plus la force de polémiquer, et j'admire le travail et la force qu'a Actuel Moyen Âge de ne jamais baisser les bras, de toujours tenter la discussion.
Mais si on regarde plus loin, ce n’est pas un problème qu’on peut résoudre au cas par cas. C’est un travail de fond à mener collectivement, mais je finis par me demander par quels biais le mener, dans quel sens le prendre.
(par exemple, je suis en train d’écrire un petit article d’été pour un quotidien de gauche, mais je me fais peu d’illusion sur le fait que ça ne touchera que des gens qui sont déjà convaincus de l’utilité des sciences humaines et sociales)
J’avais fini par penser que l’endroit le plus efficace pour mener cette réflexion était en cours. Mais quand nos propres étudiants commentent de façon haineuse (une infime minorité bien sûr, mais certains qu’on voit passer ici et là), on se demande ce qu’on a loupé.
Ça ne suffit pas. Et je reste songeuse. Dans tous les cas, on a une responsabilité, individuelle et collective, dans l’état du débat aujourd’hui en France.
Toute initiative allant dans le sens de la compréhension de ce qu’est l’histoire telle qu’on la connait et telle qu’on la fait aujourd’hui, l’histoire comme discipline, est bonne à prendre et doit être soutenue, en laissant nos querelles de chapelle.
Je n'ai aucune réponse, mais je vous laisse avec ce magnifique poème et cette tout aussi magnifique chanson qui me vient en finissant ce fil... 🙂
(je n'ai taggé personne pour éviter d'encombrer des mentions déjà très - trop - nombreuses et limiter les risques de trolls sur leurs comptes, mais vous retrouverez les comptes et le fil en question sans difficulté...)
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