je viens de voir passer une take de type "pourquoi j'irai chez un libraire de ma ville alors que sur amazon c'est moins cher et qu'on est en pleine crise économique".
Comme il reste des gens qui ne le savent pas : en France, le prix du livre est unique, depuis 1981 (loi Lang)

La France n'est pas le seul pays démocratique ou le prix du livre est réglementé, mais c'est celui ou il l'est le plus. Pour le comprendre, il faut revenir avant 1979. Jusque là existait un "prix éditeur conseillé", que les libraires pouvaient ou non respecter.

Ce prix conseillé (qui était imparfaitement observé par les libraires, les livres étant parfois vendu bien plus chers que le prix conseillé) a été interdit en 1979 par l'arrêt dit Monory. Mais en 1981, la gauche arrive au pouvoir.
http://www2.culture.gouv.fr/culture/dll/prix-livre/index.htm

Le prix unique du livre est une des premières mesures du premier gouvernement de Mitterand. Son principe ? A l'exception d'une remise de 5% et de quelques exceptions (livres d'occasion, vente aux collectivités...), l'éditeur fixe le prix des livres, le libraire ne peut y derroger

L'objectif de cette loi est double : maintenir des prix assez stables pour favoriser la lecture, et soutenir les petites librairies face aux grandes surfaces culturelles (FNAC, par ex) qui se développent alors en France et ont les moyens d'appliquer des remises monstre

La loi Lang, très contestée à l'époque, sera l'objet de longues batailles juridiques, mais sera finalement définitivement validée en 1985. Ses résultats sont toujours débattus.

D'un côté, il est évident que malgré ses difficultés, la filière des libraires indépendants se porte globalement mieux en France que dans de nombreux pays (déjà : elle existe encore).
En revanche, le prix unique du livre semble n'avoir eu aucun impact sur le taux de lecteurs.

De plus, cette loi a eu l'effet paradoxal de maintenir des prix assez élevés sur les livres quels qu'ils soient, et de lui faire garder, hors livre de poche, son statut de bien culturel relativement cher.

Le problème s'est d'ailleurs aggravé en 2003, quand la remise non plafonnée accordée aux bibliothèques s'est brutalement vue supprimée, grévant lourdement le budget des bibliothèques publiques.

Néanmoins, en 2020, le prix unique du livre est toujours là : que vous achetiez un livre neuf sur amazon, a carouf, à la fnac ou chez un libraire de quartier, le prix ne variera jamais plus de 5% (le prix des livres d'occasion n'est lui pas fixe)

J'ai aussi lu "mais si je commande un livre chez mon libraire de quartier, il va l'acheter sur Amazon, c'est pareil").
Sans dire que c'est impossible, ça reste un cas marginal : les libraires passent par des distributeurs spécialisés.

La filière de distribution en France est d'ailleurs tout sauf exemplaire : très concentrée, avec des quasi-monopoles et des situations ou les plus gros éditeurs détiennent aussi les plus gros distributeurs, ce qui est tout sauf une bonne idée.

En revanche, les distributeurs sont capable de fournir les librairies sans que ces dernières aient besoin d'acheter leurs livres ailleurs. Les bibliothèques, elles, se fournissent à des libraires via des marchés publics.

(avec une remise maximale de 9% par livre depuis la loi de 2003 maudite soit-elle).

Donc :
- Achetez vos livres ou vous voulez, mais sachez que c'est le même prix chez votre libraire que sur Amazon
- Votre libraire ne passe pas par Amazon non plus.

(ps : si l'impact sur la lecture ou la diffusion du livre du prix unique est très contesté, son impact sur la survie des librairies ne fait absolument plus débat, et a conduit ces 20 dernières années le Japon, l'Allemagne, le Mexique et d'autres à faire de même)

(en revanche, des pays comme la Finlande, la Grande-Bretagne ou les Etats-Unis qui ont supprimé ou jamais instauré de telles lois ont vu leur nombre de librairies indépendantes, puis de librairies tout court s'effondrer)