Pourquoi la gauche, dans son état actuel, n’a aucune chance en 2022 : UN FIL.
La gauche est traversée par trois conflits majeurs, pour des raisons profondes. Tant qu’ils seront ignorés, nous n’aurons aucune chance.
1. L’Europe
Comme d’autres, j’ai perdu des amis lors du débat sur la Constitution européenne en 2005. En 2017, la position sur l’Europe a été la première cause de désaccord entre les électeurs de Hamon et ceux de Mélenchon.
Pour les hamonistes, le climat, l’immigration, l’emploi, etc., sont des problèmes européens, et même mondiaux, qui appellent une solution européenne. Pour eux, c’est une évidence factuelle, ce n’est même pas une opinion. C’est donc un argument très fort.
Pour les mélenchonistes, l’UE, par la mise en concurrence des pays, mine leur capacité d’agir. L’UE a été à l’origine de la destruction des services publics en monopole, cœur de l’identité de gauche, et même de la France. L’UE aggrave la mondialisation marchande.
Il est de plus facile de démontrer que l’euro, depuis sa création, a aggravé le chômage en France. Pour eux, l’UE n’est pas démocratique, puisque le Parlement européen n’a aucun pouvoir ni sur la Commission, ni sur les chefs d’Etat. Ce sont là aussi des arguments très forts.
2. L’environnement
Pour les écologistes, nous sommes en train de détruire la possibilité de vivre sur Terre. Le mode de vie français exige 3 planètes. Il faut donc massivement réduire la production, le chauffage, les transports, tout.
Pour les écologistes, la croissance économique est condamnée par les limites physiques de la planète. Le seul choix est alors entre décroître de manière organisée tout de suite, ou subir cyclones, sécheresses, inondations, etc., c’est-à-dire subir une violente décroissance.
A l’inverse, pour les productivistes, qui sont la branche de la gauche ultra-dominante depuis deux siècles, la croissance économique permet l’emploi, et la réduction des inégalités, en donnant une chance au fils d’ouvrier de devenir cadre.
Pour les productivistes, c’est la croissance qui nous a donné le confort moderne, sans précédent dans l’histoire de l’humanité : logeants vastes et confortables, boulots peu fatigants, voiture, voyages, ciné, congés payés... Des choses très importantes dans la vie.
Pour les productivistes, la croissance est une condition nécessaire de l’émancipation individuelle : la génération qui avait 20 ans en 1968, celle de mes parents, a pu, bien plus qu’aucune génération avant elle, choisir son métier, parce qu’il y avait du boulot. Génial !
Pour les productivistes, l’écologie réduit le niveau de vie : énergie propre, nourriture bio, biens produits en France plutôt qu’en Chine... tout cela coûtera très cher, alors que le niveau de vie des classes populaires baisse : chômage, stagnation des salaires...
Pour rapprocher ces points de vue, il faudra démontrer que l’écologie améliore le niveau de vie. Et même cela ne résoudra pas le clivage frontal sur la croissance, problème numéro un pour les uns, solution à tout pour les autres.
3. L’identité
Pour les universalistes, attachés à une laïcité stricte, l’aveuglement volontaire de la Republique aux différences entre les individus est la condition sine qua none de l’égalité. Chacun doit avoir les mêmes droits et devoirs, point.
Pour les “identitaires”, ce discours est hypocrite, prononcé par les personnes qui ne subissent aucune discrimination : hommes, bourgeois, blancs, hétérosexuels, etc. Les identitaires pensent que l’accès à l’égalité réelle nécessite la reconnaissance ...
... des différences : les Noirs connaissent mieux leurs problèmes spécifiques que les autres, tout comme les personnes LGBT, etc. Invoquer leur “identité”, la revendiquer dans l’espace public, la voir discuter, est une immense fierté pour les personnes concernées.
Pour ces personnes, tous les débats sur le racisme, les statues, les violences discriminatoires des policiers, etc., constituent un immense progrès car elles sont le premier pas nécessaire vers une égalité réelle qui n’à jamais existé, ni en France, ni nulle part.
A l’inverse, pour les universalistes, la logique identitaire conduit à une surenchère permanente, avec des divisions à l’infini entre groupes, sous-groupes, sous sous-groupes... Elle alimente la concurrence de tous contre tous pour la reconnaissance de sa spécificité.
De plus, pour les universalistes, la logique identitaire fait le jeu du patronat, comme aux Etats-Unis, où l’élection de Trump s’explique en partie par un discours uni aux ouvriers, contrairement à Hillary Clinton, qui avait un message différent pour chaque “communauté”.
JE RÉSUME
La gauche est fracturée en 3 morceaux au moins :
- L’Europe
- L’écologie
- L’identité
Ces fractures existent aussi à droite, évidemment. Mais la droite a un électorat naturel - vieux, personnes aisées, agriculteurs, professions libérales... - qui, surtout, VOTE, lui.
De plus, la droite peut jouer sur des thèmes faciles : immigration, sécurité, ordre... C’est donc fastoche pour elle.
Thèmes qui divisent aussi la gauche, et qui vont de plus en plus la diviser, avec la montée de la misère et des violences au cours des mois à venir.
Je conclue : sur les 3 questions étudiées, les personnes ont des convictions profondes, réfléchies. Ce ne sont pas des positions que l’on peut réconcilier avec des programmes électoraux fourre-tout. Surtout qu’elles sont en opposition frontale.
Les dirigeants de gauche doivent travailler à résoudre ces clivages, ce qui sera très difficile. Or je constate que, pour l’instant, leur existence, évidente, n’est même pas admise publiquement par la majorité des élus et dirigeants des partis concernés.
FIN
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